Course à l'espace/Guerre froide
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis et l'Union des républiques socialistes soviétiques sont les deux seuls pays ayant les capacités économiques pour financer la recherche dans le domaine des fusées. Au but premier de développer des missiles intercontinentaux, s'ajoute celui de construire des fusées pour atteindre un des rêves de l'Homme : conquérir l'espace. Il s'ensuit donc une véritable « course à l'espace » entre ces deux pays, pour montrer à l'autre et au reste du monde l'étendue de sa puissance mondiales , non seulement militaire mais aussi scientifique et puis l'objectif est d'être le premier à envoyer un satellite dans l'espace, puis, à terme, à envoyer un homme sur la Lune.
De 1945 aux années 1960 : de la course aux lanceurs au premier homme dans l’espace
[modifier | modifier le wikicode]Pour caractériser les relations internationales au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on parle traditionnellement de deux superpuissances. Mais dans les domaines scientifique et technique, il y a en fait un seul « Grand » : les États-Unis d'Amérique. Leur supériorité est écrasante : les Européens sont hors de combat, les Soviétiques très en retard dans quasiment tous les secteurs. Même au plan militaire, la domination américaine est visible. Les États-Unis ont le monopole de l'arme atomique grâce au Projet Manhattan, et leur domination aérienne est incontestable.
Mais la situation évolue rapidement sur le plan du nucléaire : dès 1949, l'Union soviétique détient l’arme atomique. Pour assurer le transport de l'arme sur les cibles adverses, les Soviétiques choisissent de « sauter » l'étape de l'aviation et de développer l'arme suivante, le missile. Or, les conditions de ce choix sont réunies, car des stocks importants de missiles allemands V2 inventés par Wernher von Braun, ingénieur nazi de son état, sont tombés dans les mains des armées alliées, y compris l’Armée rouge.
Dès les années 1950, Soviétiques et Américains mettent en route des projets de missiles intercontinentaux capables de transporter l'arme thermonucléaire (ICBM) . Les États-Unis ont recruté à la fin de la guerre le chef de la recherche nazie sur les missiles, le même Wernher von Braun, dont l'équipe développe le missile Redstone en 1953. En Union soviétique, Serguei Korolev, ingénieur russe, est retiré du goulag où il avait été envoyé en 1938 et est chargé en mai 1953 de la création d'un ICBM destiné à transporter une bombe H.
L’ICBM est destiné à suivre un vol parabolique : il s'élève, parcourt 10 000 kilomètres et plonge en terre ennemie. Mais si l’on augmente sa vitesse, son étage supérieur ne retombe pas : il se satellise autour de la Terre.
En 1956-1957, Américains et Soviétiques annoncent donc leur intention de lancer un satellite artificiel.
Le 21 août, c’est le succès total pour l'équipe de Korolev : l'Union soviétique dispose du premier missile intercontinental jamais construit, le R-7 ; elle possède seule l'arme absolue. Le 4 octobre 1957, la version modifiée de la R-7, dite Zemiorka, met en orbite autour de la Terre Spoutnik 1. Cette sphère de la taille d'un ballon de basket-ball, pesant 83 kg et ayant comme seule fonction d'émettre un « bip » radio, a pourtant profondément impacté l'opinion publique, pour différentes raisons. Tout d’abord, parce que pour les Américains, habitués à ce que leur pays domine le monde depuis la Première Guerre mondiale, ne pas être la première nation à envoyer un objet en orbite autour de la terre les touchait directement dans leur orgueil. Mais aussi car, les Soviétiques étants capables d'envoyer un satellite dans l'espace, l'opinion américaine craignait qu’ils ne décident d'envoyer des missiles intercontinentaux. Enfin, ce fut une grande surprise, les difficultés techniques de la mise en œuvre d’un tel système ne laissant présager une réussite si complète de la part de l’Union soviétique, que l’on pensait loin derrière les États-Unis. Dans la foulée, les Soviétiques envoyèrent le 3 novembre 1957 le premier être vivant en orbite autour de la Terre, la chienne Laïka, à bord de Spoutnik 2. Celle-ci mourut cinq heures après le lancement, mais le symbole est là : l'URSS a alors une longueur d'avance sur les États-Unis, et l'attribut naturellement à la nature de son régime. La propagande insiste sur la compétition globale en cours : le « camp socialiste » accuse certes un retard vis-à-vis des « pays capitalistes les plus avancés », mais il va plus vite qu'eux.
Aux États-Unis, on tente d’accélérer la cadence ; après l’échec de la fusée Vanguard le 6 décembre 1957, on reprend le vieux projet Jupiter de Werner von Braun, et l’on parvient à lancer, le 31 janvier 1958, le premier satellite « US », Explorer 1, qui pèse 14 kilos. Mais le 15 mai, Serguei Korolev met sur orbite Spoutnik 3, le premier satellite lourd de l'histoire, 1327 kilos, cent fois Explorer.
Pour tenter de rattraper son retard, le président Eisenhower décide d'une augmentation considérable des moyens alloués à la recherche spatiale, à travers la création de la National Aeronautics and Space Administration, la NASA, le 29 juillet 1958.
Mais l'URSS, grâce à son avance, continue de dominer la course à l'espace pendant les années qui suivent, notamment à travers le programme Luna. Celui-ci avait pour but d'étudier l'astre éponyme, et a effectivement, grâce aux 24 sondes envoyées dans l'espace, contribué à de nombreuses avancées scientifiques : premier objet artificiel à s'affranchir de l'attraction terrestre, premier engin spatial à atteindre le sol lunaire, première photographie de la face cachée de la Lune, première sonde à se poser en douceur sur le sol lunaire, premier retour automatisé d'échantillon de sol lunaire...
Pour devancer les Soviétiques, les États-Unis envisagent un dispositif intermédiaire : plutôt que de placer un homme en orbite, on pourrait réaliser un simple vol suborbital -un astronaute installé dans la capsule d'un missile intercontinental accomplirait un vol balistique spatial, sans satellisation. Les Américains lancent parallèlement le programme de la capsule Mercury en novembre 1958 ; le premier lancement a lieu le 9 septembre 1959 et les premiers succès sont enregistrés en décembre 1960 et en janvier 1961.
En 1958, Serguei Korolev achève la conception du vaisseau Vostok, qui sera fabriqué en 1959 et lancé le 15 mai 1960. Il pèse 4 540 kilos, assez pour mettre un homme en orbite. Serguei Korolev réussit deux retours de Vostok les 9 et 25 mars 1961. Le 30 mars, il demande l’autorisation au Comité central d'effectuer un vol humain. Les chances de succès sont d'environ 50%. Le 12 avril 1961, Youri Gagarine effectue une orbite autour de la Terre et reçoit un accueil délirant à son arrivée Moscou. Le 5 mai, Alan Shepard réalise un vol suborbital à bord de la capsule Mercury. Le premier vol spatial américain se déroulera finalement le 20 février 1962 (John Glenn à bord de Mercury Atlas 6)…
Les années 1960, ou la domination américaine
[modifier | modifier le wikicode]Les années 1960 sont pour la recherche spatiale américaine une période de grandes avancées. L'objectif est clair : John Fitzgerald Kennedy, président des États-Unis, dit dans son discours du 12 septembre 1962, We choose to go to the Moon : We choose to go to the Moon. We choose to go to the Moon in this decade and do the other things, not because they are easy, but because they are hard, because that goal will serve to organize and measure the best of our energies and skills, because that challenge is one that we are willing to accept, one we are unwilling to postpone, and one which we intend to win, and the others, too. (Traduction : « Nous choisissons d’aller sur la Lune. Nous choisissons d’aller sur la Lune dans cette décennie et faire d’autres choses encore, non parce que c’est facile, mais bien parce que c’est difficile, parce que ce but servira à organiser et mesurer le meilleur de nos énergies et de nos savoir-faire, parce que c’est un défi que nous sommes prêts à relever, que nous ne voulons pas remettre à plus tard, et que nous avons l’intention de gagner, et les autres aussi ».) Des sommes considérables sont investis dans ce projet : on estime à 21,3 milliards de dollars (équivalent à 73 milliards de dollars actuels en tenant compte de l'inflation) l'investissement total dans le programme Apollo. Le 18 mars 1965, Alexei Leonov, cosmonaute russe, devient le premier piéton de l’espace. Alexei Arkhipovich Leonov a alors 30 ans, est pilote de chasse et fait partie des 20 premiers sélectionnés pour devenir cosmonaute en 1960, comme Youri Gagarine.
La mission :
Voskhod 2 (lever de soleil en russe), est un vaisseau avec un équipage de 2 personnes, un commandant et pilote, Pavel Belyayev et un navigateur, Alexei Leonov. source: https://reves-d-espace.com/anniversaire-18-mars-1965-premiere-sortie-spatiale-par-alexei-leonov/
Les chercheurs soviétiques ne disposent, pendant toute cette période, que du dixième de ce qui est dépensé par leurs homologues américains. Tenant à tout prix à atteindre leur objectif avant l’URSS, la Nasa effectue tous les tests et rodages nécessaires dans une précipitation relative. D’ailleurs, le 27 janvier 1967, c’est la catastrophe : trois astronautes sont brûlés vifs dans la capsule Apollo 1 placée au sommet de la fusée Saturn à Cap Canaveral. Le calendrier de la course à la Lune est arrêté pendant dix-huit mois, sans que les Soviétiques en tirent profit : le 24 avril 1967 le cosmonaute Vladimir Komarov trouve la mort lors du premier essai du vaisseau Soyouz ; le 27 mars 1968, Youri Gagarine se tue à l'entraînement. Et le 21 juillet 1969, l'objectif est atteint avec la mission Apollo, qui envoie Neil Armstrong marcher le premier sur le sol lunaire et prononcer cette phrase célèbre : That's one small step for [a] man, one giant leap for mankind ("C'est un petit pas pour un homme, un bond de géant pour l'humanité") Les Soviétiques inscriront certes à leur actif quelques autres succès : le premier vol d'une femme en juin 1963, la première sortie extravéhiculaire en mars 1965. Mais la métaphore sportive s’impose : l’Union soviétique a « tenu » jusqu'à Gagarine ; puis, à rivaliser avec un adversaire supérieur, elle s'est épuisée.
Il serait bien hasardeux de voir dans le vol d'Armstrong un succès de la démocratie sur le totalitarisme : l'exploit d'Apollo signe simplement la victoire d'une grande puissance sur une puissance moyenne, incapable de suivre le rythme financièrement et donc technologiquement.
À partir des années 1970, la fin de la rivalité spatiale
[modifier | modifier le wikicode]Par la suite, au début des années 1970, la course à l'espace marque une pause en raison du coût des programmes spatiaux et des difficultés économiques et sociales que connaissent les deux pays, ouvrant ainsi la voie à la coopération internationale. La mission Apollo-Soyouz du 15 juillet 1975 voit pour la première fois l’amarrage d’un vaisseau américain (Apollo 18) à un vaisseau soviétique (Soyouz 19).
1/ L'Initiative de Défense Stratégique Puis, avec l'entrée en fonction de Ronald Reagan comme président des États-Unis, la course à l'espace reprend en intensité : celui-ci annonce, le 23 mars 1983, le projet d'Initiative de Défense Stratégique (IDS), surnommée Guerre des étoiles. Celui-ci avait pour but de protéger les États-Unis et leurs alliés d'éventuels missiles balistiques par le biais d'un réseau de satellites. L'IDS est la conséquence d'un raidissement des relations Est-Ouest dans la première moitié des années 1980. L'URSS avait donné le signal de départ en envahissant l'Afghanistan, à la fin de l'année 1979. L'IDS met en péril l'équilibre de la terreur : les États-Unis, grâce à ce projet, seraient à même de se protéger d'une attaque nucléaire, contrairement à l'URSS, qui n'avait plus les moyens financiers d'investir dans un système similaire. Au sein du bloc occidental, l'IDS est sujette à controverse : les alliés des États-Unis posent la question de l'unilatéralisme américain, c'est-à-dire du droit des États-Unis à faire justice dans le monde. Ce projet de bouclier spatial, au coût faramineux même pour le pays le plus riche du monde, a finalement été officiellement abandonné en 1993, après la chute de l'URSS, qui marque la fin de la rivalité américano-soviétique dans le domaine de la conquête spatiale.
2/ La Station Spatiale Internationale
La Station Spatiale Internationale (ISS) est l'exemple le plus marquant de la coopération internationale dans le domaine spatial. Ce projet est pour la première fois évoqué dans un discours de Ronald Reagan en janvier 1984. Le projet est alors nommé Freedom.
Un an plus tard, l'Agence spatiale européenne (ESA) s'associe au plan, suivie par le Canada en avril et le Japon en mai de la même année. Le projet est alors évalué à 10,9 milliards de dollars. Mais le 28 janvier 1986, la navette Challenger explose en vol, ce qui entraînera un retard considérable de tous les projets de la NASA et une refonte complète du programme spatial. En 1993, la Russie est invité à rejoindre le projet, forte de son expérience dans les longs séjours dans l'espace grâce à sa station Mir qu'elle utilisa de 1986 à 2001. En 1997, c’est au tour du Brésil de se joindre au projet. La même année, le projet prend son nom définitif de Station Spatiale Internationale. La construction débute en 1998, et s’achève en juillet 2011, pour un coût estimé à environ 150 milliards de dollars, soit presque 12 fois le budget initial. Il est prévu qu'elle soit utilisé jusqu'en 2020 pour des recherches scientifiques, mais on ne peut pas dire que son coût pharamineux pourra être amorti. Mais à défaut d’être une réussite scientifique, la Station est avant tout un succès politique et technologique sans précédent. En effet, politiquement, ce projet initié pendant la guerre froide a permis aux États-Unis de ravir aux Russes la première place dans le domaine de l'exploitation de l'orbite basse terrestre en mobilisant les ressources que le monde entier, hormis la Chine, lui consacre. Techniquement, c’est également un exemple unique et réussi d'une coopération internationale qui a permis le rapprochement de méthodes de travail et de normes très différentes.
Notes et références
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