Introduction à l'élasticité/Introduction générale
Introduction
[modifier | modifier le wikicode]Présentation
[modifier | modifier le wikicode]La théorie de l'élasticité concerne les déformations « élastiques » des solides, c'est-à-dire les déformations réversibles — généralement faibles — comme par exemple les vibrations d'une barre métallique ou de la surface d'un tambour.
Ce domaine de la physique, qui trouve des applications dans presque tous les domaines techniques — mécanique automobile, bâtiment, modules spatiaux… — est en fait relativement général et sert bien souvent d’introduction à la mécanique des milieux continus.
Prérequis et démarche
[modifier | modifier le wikicode]On part ainsi de l’idée que le lecteur a une certaine connaissance de la mécanique « classique » du point. Progressivement, la description continue de la matière nous conduira à utiliser des objets mathématiques appelés « tenseurs, » au sujet desquels une brève introduction est proposée.
Nous exporterons les équations de la dynamique newtonienne dans ce formalisme, ce qui nous donnera leur équivalent continu (l'équation de Navier) dont nous observerons certaines propriétés.
Le cas, particulier mais tellement utilisé des problèmes plans sera abordé.
Enfin, nous observerons sans nécessairement entrer dans les détails des calculs un certain nombre de phénomènes physiques — la concentration de contrainte, l'effet de gorge… — dont il est possible d’avoir une certaine intuition.
Tant que faire se peut, nous nous attacherons plutôt à obtenir les équations qui traduisent le problème physique, qu’à les résoudre. En effet, il s'avère que la résolution numérique de ces équations est souvent la seule alternative : on laissera donc le soin aux ordinateurs d'effectuer les calculs.
Une conséquence est que, bien souvent, les applications pratiques nécessitent des approximations et des règles empiriques — des critères — pour transposer les cas bien connus au problème réel. Les plus utilisés d'entre eux seront exposés.
Exercices
[modifier | modifier le wikicode]Un certain nombre d'exercices sont proposés tout au long du cours. Leur intérêt est multiple : présenter les notions du cours de manière plus concrète, en lien avec des applications pratiques, pour rendre leur intérêt plus évident, et permettre à l'élève de vérifier qu’il a acquis les notions développées au fur et à mesure. Enfin, ils présentent les méthodes par lesquelles certains problèmes peuvent être abordés.
Dans cette optique, les exercices peuvent être résolus avec l'aide du cours et de moyens de calculs (même de logiciels de calcul formel) et ne devraient pas représenter une trop grande difficulté, pour la plupart d'entre eux. Aussi, on ne peut que recommander aux élèves de s'y intéresser et d'y impliquer autant de temps qu’à la lecture du cours.
À la fin de la leçon, quelques « mises en situation » sont proposées, sur un format différent des exercices : il s'agit de questions simples qui pourraient être posées à un ingénieur dans ce domaine, comme l'étude d'une pièce soumise à des efforts, ou la question du dimensionnement.
Pour aller plus loin
[modifier | modifier le wikicode]L'élasticité en soi est encore un domaine de recherche actif, qui concerne de nombreux problèmes d'ingénierie — mais également de biophysique (morphogénèse des plantes) de médecine (rupture et vieillissement des os), d'astrophysique (limite de Roche), de géologie — tout ce qui implique des solides se déformant est susceptible de relever de l'élasticité. Cependant, la théorie sous-jacente et assez détaillée est souvent trop complète pour les applications courantes. Ce cours d'introduction, qui présente les bases de la mécanique des milieux continus du point de vue de l'élasticité, ouvre en fait la voie :
- à la mécanique des solides (robotique…), en faisant une hypothèse mais en conservant le formalisme ;
- à la mécanique des structures (ponts, tours…), ici encore en ajoutant une hypothèse ;
- à la mécaniques des sols ;
- à la mécanique des fluides (réacteurs…), ce qui nécessite de revoir une partie de la cinématique.
Pour ce qui est de la mise en pratique de ces connaissances, qui bien souvent passe par la simulation numérique, on pourra s'intéresser aux méthodes de simulation par éléments finis.
Historique
[modifier | modifier le wikicode]L'étude des propriétés élastiques des solides est ancienne : elle précède celle de la mécanique du point (si on l'attribue à Newton). La théorisation, pour l'essentiel réalisée au cours du XIXe siècle, a synthétisé et expliqué les observations expérimentales.
- 1678 : Robert Hooke
- Il montre que la force de rappel élastique est une fonction linéaire de l'élongation, d’après l'étude de cordes, de câbles et de ressorts. Cette loi porte aujourd’hui son nom.
- 1720 : Jordan Ricatti
- Il propose l’idée selon laquelle les propriétés élastiques d'un corps sont liés à ses vibrations.
- 1729 : Pieter Van Musschenbroek
- Il publie le premier livre où l’on trouve des instruments de mesure de la tension, de la compression et de la flexion.
- 1766 : Leonhard Euler
- Il introduit la notion de « module d'Young » 80 ans avant que Thomas ne rende populaire ce concept.
- 1780 : Charles Augustin Coulomb
- Il est le premier à mesurer le module de cisaillement au sens moderne.
- 1787 : Ernst Chladni
- Il compare la vitesse du son dans l'air à celle dans différents solides. Ses travaux ont contribué à la naissance de la mécanique des milieux continus au XIXe siècle.
- 1807 : Thomas Young
- Il publie ses « Lectures on Natural Philosophy », où il popularise les idées d'Euler.
- 1809 : Jean Baptiste Biot
- Première mesure directe de la vitesse du son dans un solide.
- 1813 : Alphonse Duleau
- Premières expériences quasi-statiques de petites déformations destinées à vérifier l'élasticité, qui fournit de nombreux appuis expérimentaux aux premiers développements de la théorie, notamment ceux de St Venant, Cauchy, Poisson et Navier.
- 1841 : Guillaume Wertheim
- Présente la première étude des propriétés des solides dans différentes conditions à l'Académie des Sciences. Son étude reprenait des résultats dus à Jean Victor Poncelet, Thomas Tregold, Antoin Masson, Felix Savart entre autres. Les graphes contrainte/déformation commencèrent à se populariser.
- 1848 : Guillaume Wertheim
- Premières expériences montrant que la valeur du coefficient de Poisson pour un solide n’est pas une constante.
- 1859 : Gustav Robert Kirchhoff
- Premières mesures du coefficient de Poisson indépendantes du diamètre et du module d'élasticité.
- 1869 : Marie Alfred Cornu
- Première mesure optique directe du coefficient de Poisson.
- 1882 : Woldemar Voigt
- Effectue des expériences pour vérifier l'isotropie des solides.
- 1904 : Arnulph Malloc
- Propose une méthode de détermination du module quasi-statique d’après la théorie de l'élasticité linéaire.
- 1908 : Eduard August Gruneisen
- Le coefficient de Poisson est déterminer pour la première fois expérimentalement comme le rapport des contraintes latérales et longitudinales. Il utilisa la méthode de Malloc.
Étude théorique
- 1630 : Isaac Beeckman
- Réalise que la déformation obéit à une loi élastique.
- 1687 : Isaac Newton
- Publie les Principia qui fournissent les lois du mouvement : inertie, conservation de l'impulsion, équilibre.
- 1684 : Gottfried Wilhelm Leibniz
- Trouve la relation entre le moment de pliage et le moment d'inertie d'une barre élastique.
- 1691-1704 : Jacques Bernoulli
- Trouve les équations générales de l'équilibre par différentes méthodes : équilibre des forces, des moments, principe de travail virtuel. Montre que la contrainte est une fonction de la déformation et caractérise le matériau, propose donc la première relation entre ces deux grandeurs.
- 1713 : Antoine Parent
- Détermine la position d'une fibre neutre et postule l’existence de contraintes transverses.
- 1736 : Leonhard Euler
- Publie Mécanique où il définit une masse ponctuelle et l'accélération et introduit l'analogue des vecteurs. La plupart des équations actuelles de mécanique peuvent être ramenées à cet ouvrage.
- 1742 : Jean Bernoulli
- Fait référence pour la première fois à un système de coordonnées « cartésien ».
- 1743 : Jean le Rond d'Alembert
- Premier à proposer une équation aux dérivées partielles du mouvement.
- 1750-1758 : Leonhard Euler
- Formule les principes de conservation de la quantité de mouvement et du moment angulaire. Distingue la masse gravifique de la masse inertielle.
- 1773 : Charles Augustin de Coulomb
- Prouve que les contraintes transverses existent dans une barre pliée.
- 1788 : Joseph Louis Lagrange
- Publie Mécanique Analytique, qui contient l'essentiel du sujet connu de son temps.
- 1822 : Augustin Louis Cauchy
- Découvre le principe de contrainte — liant les forces et les moments aux tractions externes et internes. Première description du tenseur de contrainte. Proposa les équations d'équilibre, montra que le tenseur de contrainte est toujours symétrique.
- 1833 : Siméon Denis Poisson
- Publie l'énoncé et la preuve du théorème selon lequel un système de deux corps en équilibre soumis à une force centrale n'exerce pas de couple, fondamental à la conservation du moment angulaire.
Notations et conventions
[modifier | modifier le wikicode]Notations
[modifier | modifier le wikicode]Dans ce cours, de nombreux objets mathématiques vont se croiser et leur nature (scalaire, vecteur, tenseur…) est souvent importante. Les notations étant de plus parfois variables d'un auteur à l'autre on adopte ici la convention anglo-saxonne, la plus pratiquée :
- les quantités scalaires, réelles ou complexes sont notées en italique : ;
- les quantités vectorielles sont notées en minuscules grasses : ;
- les quantités tensorielles seront notées en majuscules grasses, en lettres grecques grasses ou en lettres sans-sérif grasses : .
Par ailleurs :
- le produit (scalaire, matriciel) est noté par un point : ;
- le produit vectoriel est noté par une croix : ;
- le produit tensoriel est noté par une croix cerclée : .
Enfin :
- la transposée d'une matrice M est notée MT ;
- le tenseur unité est noté 1 ;
Pour dire que deux notations ou deux énoncés sont équivalents, nous utiliserons le symbole « ».
Conventions
[modifier | modifier le wikicode]Bien souvent, nous travaillerons dans l'espace usuel, avec des coordonnées cartésiennes. Dans ce cas, il arrive régulièrement que certaines expression s'écrivent comme la somme d'un terme en x, d'un terme en y et d'un terme en z.
Pour abréger certains calculs, nous utiliserons la convention de sommation d'Einstein, à savoir :
Sauf indication contraire, où sont les trois coordonnées d'espace.
Ainsi, le produit scalaire de deux vecteurs est explicité sous la forme compacte suivante :
Au lieu d'écrire :
Remarques et références
[modifier | modifier le wikicode]- ↑ Electronic Speckle Pattern Interferometry, interférométrie des tavelures électroniques.