Représentations et cartes du monde/Représentation
De même que pour tout document historique, la carte est un outil auquel on attribue des vertus de transparence et d'objectivité mais qui souvent cache un point de vue subjectif. En premier lieu du point de vue purement technique : une carte est une représentation de la réalité construite selon l'une des 200 combinaisons possibles de projections qui passent par plusieurs opérations mathématiques pour transformer une sphère en plan.
De plus, la carte étant une simplification de cette réalité, toute représentation du monde implique des choix tant qu'aux informations supprimées et celles gardées car sinon elle serait illisible. Cela diffère selon le point de vue du créateur car toute carte répond à un enjeu. Une carte doit donc être lue avec prudence afin de bien identifier les atouts, les inconvénients et les particularités du point de vue. Chaque carte est donc centrée sur un point, bien représentatif du point de vue de l'auteur, d'une simple volonté de mettre son pays au centre du monde, comme la carte australienne, montrant un monde inversé et centré sur l'île, jusqu'à servir une propagande nationaliste, comme les cartes de la République populaire de Chine incluant Taïwan[1]. « Nous détaillerons donc dans ce cours les différents problèmes posés aux cartographes dans leur travail de réalisation et les différentes manières de représenter l'espace. »
Comment aboutit-on à la création d'une carte du monde ?
Quelle représentation ?
[modifier | modifier le wikicode]Pour représenter la surface de la Terre simplement et avec un minimum d’erreur, la solution consisterait à dessiner les contours des continents sur un ellipsoïde de révolution. Pour simplifier le problème, il est possible de négliger le faible aplatissement de la Terre (1/298,25). La représentation des contours des continents sur une sphère est ainsi courante et il existe des « globes terrestres » de toutes tailles.
Ce mode de représentation est tout à fait adapté aux petites échelles mais il est inadapté pour aborder les grandes échelles ou la cartographie détaillée ou encore lorsque la représentation de la Terre doit être insérée dans un texte.
La carte
[modifier | modifier le wikicode]La seule façon efficace qui reste possible est la représentation plane : la carte. La carte est donc le modèle de représentation le plus courant du monde.
Mais, par définition, une carte est fausse, car il est impossible de représenter avec exactitude la surface d'une sphère (en trois dimensions) sur un plan (en deux dimensions). Toute carte est donc une représentation déformée de la réalité.
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Projection de Mercator avec indicatrix de Tissot.
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Projection de Peters avec indicatrix de Tissot.
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Comparaison des surfaces de l'Australie et du Groenland ; sur une Mercator, ils font la même taille...
C'est pourquoi il existe un nombre infini de cartes présentant tous des avantages et des inconvénients.
La projection
[modifier | modifier le wikicode]Une projection cartographique est un système de correspondance entre les points de la surface d'un astre et leur représentation sur une carte.
Le problème est que comme la Terre est ronde (plus ou moins : un globe aplati aux pôles et avec du relief), on ne peut la représenter à plat qu'en la déformant. Ces déformations sont visibles quand on compare deux projections différentes, ou quand on utilise les indicateurs de Tissot.
Certaines projections privilégient la conservation des surfaces (elles sont dites « projections équivalentes » : celle de Peters par exemple), d'autres la conservation des angles (« projections conformes » : celle de Mercator par exemple).
Les projections azimutales
[modifier | modifier le wikicode]Cette famille de transformations est caractérisée par trois paramètres : les deux premiers donnent l’orientation de la normale au plan de projection passant par le centre de la Terre (latitude, longitude), le troisième donne l’échelle de la représentation. La surface de projection est un plan tangent ou sécant à la sphère. L’orientation de la normale du plan peut être quelconque mais en général ces projections sont choisies pour représenter les régions polaires.
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Aitoff (1889) : azimutale équatoriale.
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Postel (1581) : azimutale polaire. La déformation est minimale au pôle et s’accroît lorsqu’on s’en éloigne. Sur cette représentation, le deuxième hémisphère est « enroulé » autour du premier. La projection n’est ni conforme ni équivalente.
Les projections coniques
[modifier | modifier le wikicode]Cette famille de projections est caractérisée par au moins trois paramètres : la longitude de référence, la latitude du centre de la carte et l’échelle. La surface de projection est un cône tangent à la sphère, certaines transformations autorisent que le cône soit sécant et dans ce cas deux paramètres supplémentaires sont nécessaires : les latitudes des parallèles d’intersection. Les projections coniques peuvent être conformes ou équivalentes. La déformation est constante sur une latitude donnée. Les cartes de l’IGN sont réalisées avec une projection conique de Lambert(plus précisément quatre projections correspondant aux quatre zones Lambert). On retrouve dans ce groupe la projection équidistante et celle d’Albers.
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Lambert (1778) : conique. Les paramètres utilisés ici sont ceux de la projection Lambert II étendue utilisée en France. La projection est conforme et presque équivalente autour de la latitude de référence. Ailleurs, la déformation s’accroît. Cette projection est utilisée pour les grandes échelles.
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Hassler (1820) : polyconique.
Les projections cylindriques
[modifier | modifier le wikicode]Cette famille de projections est la plus variée. La surface de projection est un cylindre tangent ou sécant à la sphère. Le nombre de paramètres nécessaires est variable. Un seul suffit pour la projection de Mercator (l’échelle), il en faut quatre pour la projection de Mercator oblique (longitude et latitude du centre de projection, échelle et azimut). La projection de Mercator est la plus utilisée.
L’utilisation des images des satellites à défilement (dont le plan orbital ne contient pas l’axe des pôles) dans les SIG et le souci de représenter le mieux possible la continuité des régions polaires et des latitudes moyennes ont conduit à autoriser la modification de la position de l’axe du cylindre de projection. On obtient la projection cylindrique oblique. L’axe du cylindre peut tourner autour de l’axe des pôles.
La dernière variante utilise un cylindre dont l’axe est perpendiculaire à l’axe des pôles, on parle de projection transverse. Pour limiter les déformations, la projection est subdivisée en zones correspondant à la rotation progressive de l’axe du cylindre autour de l’axe des pôles. La plus usitée est la projection UTM (Universal Transverse Mercator) qui divise la Terre en 60 zones.
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Mercator (1569)(Cette représentation usuelle a été étendue ici vers les hautes latitudes pour illustrer l’augmentation de la taille des surfaces des latitudes moyennes et élevées. Cette représentation est conforme.)
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Behrmann (1910).
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Miller (1942).
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Gall-Peters (1974) : cette projection présente le même aspect que la projection de Mercator (avec laquelle on peut la comparer), mais elle est équivalente, les tailles relatives des continents sont exactes.
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Gauss-Grüger (1822) : cylindrique transverse.
D'autres projections
[modifier | modifier le wikicode]Il existe enfin une multitude d’autres systèmes de représentation créés pour des besoins particuliers et qui exploitent les propriétés de certaines transformations mathématiques ou projections. La projection polyconique est la juxtaposition d’une série de projections coniques pour minimiser la déformation latitudinale. La projection de Mollweide et la projection sinusoïdale minimisent la déformation en permettant la discontinuité des surfaces projetées.
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Stabius-Werner (1500) : cordiforme.
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Stabius (1515) : orthographique.
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Collignon (1865).
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Peirce (1879).
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Van der Grinten (1904).
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Górski (1997).
Le choix de la projection
[modifier | modifier le wikicode]Les projections sont donc diverses et variées dans leur utilité et leurs utilisations.
En sciences de la Terre, les données de géophysique sont majoritairement représentées sur des projections de Mercator pour des raisons historiques car ce type de projection était traditionnellement utilisé pour les cartes marines. Les premières données géophysiques venant de la mer ont été représentées en utilisant le système cartographique disponible sur les navires.
Les projections coniques sont conformes et ont l’avantage de présenter une faible déformation des surfaces entre les parallèles de référence ; elles sont souvent utilisées pour les cartes à petite échelle.
L’émergence des SIG (systèmes d'informations géographiques) laisse maintenant un plus large choix du type de projection dans lequel on souhaite présenter des données et il devient crucial de choisir le bon type de représentation pour pouvoir observer le phénomène que l’on étudie.
Mais la projection n’est pas le seul paramètre qui varie.
L'échelle
[modifier | modifier le wikicode]L'échelle cartographique est le rapport entre la réalité et sa représentation (la carte) : Elle désigne donc la « hauteur » de la carte, soit, le niveau de détails qu'elle présente.
Par exemple sur une feuille au format A4, pour représenter un canton on va utiliser l'échelle 1/25 000 (1 cm sur la carte représente 25 000 cm dans la réalité, soit 250 m), pour représenter la France métropolitaine on va passer à l'échelle 1/10 000 000 (1 cm sur la carte représente 10 000 000 cm dans la réalité, soit 100 km) et pour couvrir tout la planète on va avoir recours à l'échelle 1/100 000 000 (1 cm sur la carte représente 100 000 000 cm en vrai, soit 1 000 km). En changeant d'échelle, on va perdre ou gagner beaucoup d'informations ; Le choix de l'échelle est donc important selon l’utilisation qu'on projette de faire de cette carte.
NB : l'échelle 1/100 000 000 est dite « petite échelle », tandis que le 1/25 000 est dite « grande échelle » : 1/100 000 000 (= 0,00000001) donne effectivement un plus petit nombre que 1/25 000 (= 0,00004).
Jorge Luis Borges a eu l’idée de la carte absolue en termes de précision : il suffit de la faire à l'échelle 1/1. Les difficultés de sa réalisation ont été étudiées par Umberto Eco`de façon très pince-sans-rire[2].
En aquel Imperio, el Arte de la Cartografía logró tal Perfección que el Mapa de una sola Provincia ocupaba toda una Ciudad, y el Mapa del Imperio, toda una Provincia. Con el tiempo, estos Mapas Desmesurados no satisficieron y los Colegios de Cartógrafos levantaron un Mapa del Imperio, que tenía el Tamaño del Imperio y coincidía puntualmente con él. Menos Adictas al Estudio de la Cartografía, las Generaciones Siguientes entendieron que ese dilatado Mapa era Inútil y no sin Impiedad lo entregaron a las Inclemencias del Sol y los Inviernos. En los Desiertos del Oeste perduran despedazadas Ruinas del Mapa, habitadas por Animales y por Mendigos; en todo el País no hay otra reliquia de las Disciplinas Geográficas.
Jorge Luis Borges, Historia universal de la infamia, Editorial Tor, 1935. (la bonne référence est El Hacedor, 1961)
[...] En cet Empire, l'Art de la Cartographie fut poussé à une telle Perfection que la Carte d'une seule Province occupait toute une Ville et la Carte de l'Empire toute une province. Avec le temps, ces Cartes Démesurées cessèrent de donner satisfaction et les Collèges des Cartographes levèrent une Carte de l'Empire qui avait le Format de l'Empire et qui coïncidait avec lui, point par point. Moins passionnées pour l'Étude de la Cartographie, les Générations Suivantes réfléchirent que cette Carte Dilatée était inutile et, non sans impiété, ils l'abandonnèrent à l'Inclémence du Soleil et des Hivers. Dans les déserts de l'Ouest, subsistent des Ruines très abîmées de la Carte. Des Animaux et des Mendiants les habitent. Dans tout le Pays, il n'y a plus d'autres trace des Disciplines Géographiques. »
(Viajes de Varones Prudentes de Suárez Miranda, livre IV, chap. XIV, Lérida, 1658.)
Jorge Luis Borges, L'auteur (Musée), Editions Gallimard, 1965 Traduction par Jean Pierre Bernès, Roger Caillois et Nestor Ibarra.
En général, l'échelle est représentée par une règle sur la carte. Mais, du fait de la déformation de la projection, l'échelle n’est pas la même en tout point de la carte. La règle représentative est donc fausse. Pour palier ce problème, des règles variables sont parfois représentées, mais elles restent approximatives.
Le problème du temps
[modifier | modifier le wikicode]La Terre n’est pas stable ; sa surface est en continuelle évolution, que ce soit dans sa forme physique (déforestation, montée des eaux, volcanisme, etc.) ou humaine (urbanisation, déplacements de frontières, épaves, etc.).
Trois exemples : la découverte de l’Île sans nom à l'entrée de l'estuaire de la Gironde en 2009, l'indépendance du Soudan du Sud en 2011, ou l’adhésion de la Croatie à l'Union européenne en juillet 2013.
Une carte étant une représentation de la Terre à un instant fixe, elle est donc presque immédiatement périmée et doit être mise à jour régulièrement.
Question de points de vue
[modifier | modifier le wikicode]Une carte étant une simplification de la réalité, toute représentation du monde implique des choix tant qu'aux information supprimées et celles gardées. Ceci diffère selon le point de vue du créateur. Toute carte est donc subjective et doit être lue avec avec prudence afin de bien identifier les atouts, les inconvénients, et les particularité du point de vue.
Chaque carte est centrée sur un point, bien représentatif du point de vue de l'auteur. Ainsi, même si les planisphères sont souvent centrés sur le méridien de Greenwich pour des raisons pratiques (océan Pacifique sur les bords du planisphère), l'orientation diffère selon les pays.
Le choix de l'échelle et de la légende est aussi très subjectif et certains aspects peuvent être influencés par des enjeux politiques, voir idéologiques.
Il n'y a donc pas de bon planisphère ! La carte « normale » du monde, avec le nord en haut, l'Europe au centre, un découpage continental et océanique classique, ne peut plus être regardée que comme un objet historique, transitoire. À cette condition, elle garde tout son intérêt. Mais la considérer comme allant de soi serait se soumettre à un message subliminal désormais obsolète, à savoir la construction du niveau mondial par l'histoire européenne. De ce fait, elle reste un planisphère parmi d'autres, une image mondiale qui a joué un grand rôle et dont l'héritage est loin d’être effacé. Elle ne peut cependant plus représenter la norme à partir de laquelle les autres figures du monde apparaîtraient comme des déformations.
Se contenter d’en modifier le centre ne serait pas plus satisfaisant. [...] Google Earth nous donne bien l'image d'un monde littéralement global, quoique toujours avec le nord en haut à l'ouverture du programme ; [...]
Plus que toute autre carte, le planisphère ne peut être une photographie du monde. Il en est nécessairement une interprétation.
Christian Grataloup, Représenter le monde, Paris, La Documentation photographique, n° 8084, 2011, 62 p., (ISSN 0419-5361), p. 16.
Choix d'un méridien d'origine
[modifier | modifier le wikicode]Un méridien d'origine est le méridien servant de référence pour la longitude, d'où son indication sur les cartes comme le 0° de longitude. Le choix de ce méridien est une convention, discutable par définition, sur laquelle on va souvent centrer les cartes.
Plusieurs méridiens ont été choisi comme origine, essentiellement en raison du nationalisme :
- dans l'Antiquité, les auteurs grecs utilisaient souvent le méridien d'Alexandrie (Plolémée a pris lui les îles des Bienheureux) ;
- au Moyen Âge, les cartes sont centrés sur Jérusalem ou La Mecque ;
- au XVIe siècle, les Portugais choisissent celui de Terceira (une île des Açores), Mercator plaça le sien sur l'île de Fuerteventura (aux Canaries), tandis que les Espagnols celui de Tolède (en Espagne) ;
- au XVIIe, les géographes français prennent le méridien de l'île de Fer (une île des Canaries) comme référence ;
- aux XVIIIe et XIXe siècles, le méridien de Paris (passant par l’Observatoire) affronte le méridien de Greenwich (passant par l’observatoire de la banlieue de Londres), et de façon plus marginale les méridiens du détroit de Béring, de Washington, de Bruxelles, de Rome, de Copenhague, de Saint-Pétersbourg ou de Kyoto ;
- en 1884, lors de la conférence de Washington, 22 États choisissent le méridien de Greenwich (mais refus temporaire de la France et du Brésil).
Articles connexes : Coordonnées géographiques et Méridien de référence de l'IERS.
Choix d'une projection
[modifier | modifier le wikicode]Une carte n'a pas forcément le nord orienté vers le haut, car il n'y a ni haut ni bas dans l'espace. On peut donc tout aussi bien l'orienter le sud en haut (ce qu'a fait un Australien), ou bien vers l'est (ce qu'on faisait au Moyen Âge). De même, on peut faire le choix de centrer la carte sur un méridien plutôt qu'un autre. Tous ces choix arbitraires sont considérés comme des conventions, mais indique le point de vue de l'auteur. On peut illustrer ce principe par trois exemples :
- le planisphère classique, orienté le nord en haut et centré sur le méridien de Greenwich met ainsi l'Europe au centre du monde et en haut, ce qui n’est pas un hasard.
- Le choix de l'Australien McArthur en 1979[4] est une réaction de rejet de la primauté européenne, avec une carte du monde où le sud est en haut (carte inversée) et l’ensemble centré sur l'Océanie : ainsi, l'Australie est en haut, au milieu.
- la projection du Chinois Xiaoguang[5] met la Chine au centre du monde. Il s'agit de la carte officielle chinoise, à mettre en parallèle avec la traduction du nom du pays Zhōngguó : l'« Empire du Milieu ».
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Planisphère centré sur les Amériques (ici une projection de Gall).
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Carte soviétique de 1928, centrée sur le méridien 170° E.
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Projection de McArthur (1979), le sud en haut et centrée sur l'Océanie.
Choix des figurés
[modifier | modifier le wikicode]Article connexe : Généralisation cartographique.
Le choix des éléments (y compris la forme, la taille et la couleur de ces figurés) indiqués sur la carte est très subjectif, déterminés par les positions politiques et culturelles de l'auteur. Pour une carte indiquant les frontières, on est très vite obligé de prendre partie dans les conflits. Quelques exemples :
- le Sahara occidental (essentiellement le Maroc depuis 1976) : ne pas le représenter c’est se fâcher avec les Sahraouis, le représenter ferait grincer les dents des Marocains ;
- le Haut-Karabakh (disputé entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie) ;
- la République turque de Chypre du Nord (Chypre vs Turquie) ;
- l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud (Géorgie vs Russie) ;
- le Kosovo (Union européenne vs Serbie) ;
- la Palestine n’est pas reconnu comme un État par 69 membres de l'ONU et Israël par 21 autres membres ;
- l'île de Taïwan (République de Chine vs République populaire de Chine) ; etc.
Un autre sujet de discordes nationalistes est le choix des toponymes (les noms de lieux). Deux exemples :
- les mêmes îles de l'océan Atlantique sud s'appellent les Falkland pour les Britanniques, les Malouines pour les Français et les Malvinas pour les Argentins (rapport à la guerre des Malouines en 1982) ;
- la mer qui sépare la Corée du Japon s’appelle la « mer de l'Est » selon les Coréens ou la « mer du Japon » selon les Japonais (sachant que la Corée a été une colonie japonaise) ?
Dresser une simple carte se transforme donc en champs de bataille. Une solution est de s'aligner sur les choix réalisés par un État : par exemple la France reconnait l'indépendance du Sahara occidental, du Kosovo, de la Palestine et l’existence d'une enclave arménienne au Haut-Karabakh, mais pas l'autonomie de l'Abkhazie, de l'Ossétie du Sud ni même l'indépendance de Taïwan et de Chypre du Nord. De même, les cartes cubaines ne reconnaissent pas l’existence de la base étatsunienne de Guantanamo, ou bien les cartes indiennes et pakistanaises annexent chacune à leur territoire le Cachemire qu’ils se disputent.
La géodésie
[modifier | modifier le wikicode]Article connexe : Géodésie.
Un planisphère n’est pas une représentation fidèle de la planète, elle est forcément déformée : la seule solution est la cartographie en trois dimensions. Comme la Terre n’est pas une sphère parfaite (elle a des reliefs de +8 848 à -11 034 mètres et elle est aplatie aux pôles[6] d'environ 20 km), on a donc adopté une « sphéroïde » (une forme géométrique vaguement sphérique) : le géoïde.
Cet géoïde est défini comme « une surface équipotentielle de pesanteur », servant de référence pour l'altimétrie et la gravimétrie. Comme la mer suit presque (à cause des effets des courants, des vents et des marées) parfaitement le géoïde, c’est aussi la surface moyenne des océans[7].
Pour les applications pratiques telles que les systèmes géodésiques (par exemple le GPS qui utilise le WGS 84), on préfère utiliser un ellipsoïde, qui a l'avantage d’être plus régulier mais qui s'éloigne un peu de la géoïde (d'où la marge d'erreur des GPS et du RGF en termes d'altitude).
Enjeux des cartes
[modifier | modifier le wikicode]Tout au long de l’époque moderne, la carte a été un instrument de pouvoir, qu’il soit économique, politique ou militaire. Ces différents aspects se combinent au moment de l’essor du commerce maritime au XIIIe siècle ; pour les monarchies espagnole et portugaise la cartographie relève du secret d’État. Sur terre, la carte permet la délimitation, l’appropriation territoriale - y compris en annexant par le dessin des territoires revendiqués - et de l’inventaire des richesses disponibles, en surface, ou souterraines (cartes géologiques). L’usage militaire devient prégnant au XIXe siècle, en particulier avec les progrès de l’artillerie qui supposent de « voir » l’ennemi derrière les reliefs, et de localiser précisément les objectifs ; c’est ce même usage militaire qui pousse à dissimuler certaines informations. Au XXe siècle, le contrôle sur les cartes échappe progressivement au pouvoir politique ; l’aviation, les satellites d’observation, rendent inefficaces les tentatives de dissimulation. L’informatique, couplée aux réseaux de diffusion sur l’Internet démultiplie la capacité à produire des cartes et rend celles-ci accessibles au plus grand nombre. Le « pouvoir des cartes » subsiste toutefois dans la capacité qu’elles ont à délivrer un message et appelle un nécessaire recul critique de la part du lecteur.
Influence des cartes
[modifier | modifier le wikicode]Une carte peut répondre à des objectifs différents : rendre compte, donner à voir (cartes de localisation, cartes routières à priori neutres, mais qui dépendent toujours de choix de représentation), montrer, mettre en évidence, c’est-à-dire orienter le regard sur l’espace représentée dans le sens voulu par son auteur en utilisant le panel des techniques cartographiques.
La carte a également une action sur les discours sur le monde car elle livre ou suggère une vision. Elle exerce de ce fait une influence sur le lecteur et l'utilisateur qu’elle cherche à convaincre, et plus exceptionnellement à tromper par omission ou fausses indications.
Notes et références
[modifier | modifier le wikicode]- ↑ https://commons.wikimedia.org/wiki/File:China_in_its_region_%28claimed_hatched%29.svg
- ↑ Umberto Eco, « De l'impossibilité de construire la carte 1 : 1 de l'empire » dans Comment voyager avec un saumon : nouveaux pastiches et postiches, Paris, B. Grasset, 1998, 270 p., (ISBN 2-246-46711-X), p. 229-238.
- ↑ « Viajes de Varones Prudentes », sur http://arc.esac-pau.fr/ (Atelier de Recherche et de Création, École supérieure d'art des Pyrénées, Pau).
- ↑ Stuart McArthur, de l'université de Melbourne, Universal Corrective World Map.
- ↑ Hao Xiaoguang, de l'institut de géodésie et géophysique de Wuhan. http://szdaily.sznews.com/html/2010-06/07/content_1103806.htm
- ↑ La théorie de l'aplatissement de la terre aux pôles est avancé la première fois par Picard en 1671 et reprise par Newton en 1687, avant d’être démontrée lors des expéditions géodésiques françaises au XVIIIe siècle en Laponie et au Pérou.
- ↑ Christophe Vigny, « Cours de magistère sur les champs de gravité », sur http://www.geologie.ens.fr/.