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Prendre conscience de la question du handicap en entreprise -Les stéréotypes, partie 1

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Les stéréotypes, partie 1

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Durée de la vidéo : 13 minutes

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Les stéréotypes


Transcription textuelle de cette vidéo

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Le texte ci-dessous est la transcription textuelle de l’information contenue dans cette vidéo.


Contour des stéréotypes

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Les stéréotypes, voilà un mot que l’on entend de plus en plus, qu’on connaît dans le langage quotidien mais sait-on exactement de quoi il s’agit ? Comme vous voyez sur ce dessin, on vous montre quelques représentations stéréotypées de différents coins de la planète. Alors ça nous amuse et ça nous amuse à peu près tous de la même façon, c’est juste la preuve que l’on a tous les mêmes stéréotypes. Et de façon un peu étrange, on ne savait même pas qu’on avait ces stéréotypes. Si on nous avait demandé ce que l’on pensait des Australiens, on aurait trouvé quelque chose à dire mais sans savoir d’où ça vient. Pourquoi on le pense ? Qui m’a dit ça ? À quel moment j’ai découvert que les Australiens étaient tous des surfeurs ? Je n’en sais rien et pourtant j’ai ce stéréotype. C’est toute l’ambigüité de ces formes d’information qui sont très prégnantes sur nos comportements, sur nos actions, sur nos opinions sans savoir pourtant, que ce sont des formes d’informations que nous avons acquises. Parmi les stéréotypes existants sur les habitants de par le monde, le Brésil est associé au football, Amérique du Sud au café, aux bananes, aux perroquets, le Mexique aux fajitas, Hollywood au cinéma, la Russie à l’alcool, l’Afrique du Sud à des peintures traditionnelles sur le corps et aux pierres précieuses, etc.


Alors la première chose, c’est que ces stéréotypes concernent l’intégralité des groupes sociaux. Basiquement, un groupe, c’est l’ensemble des personnes qui partagent des points communs. Les groupes sociaux sont représentés par exemple par le sexe, l’âge, les origines, la culture, le sport, et cetera. Les stéréotypes sont généralement consensuels. Ils peuvent être liés à des traits de personnalité, des caractéristiques physiques, des pratiques culturelles et modes de vie, des opinions et idéologies. On a des stéréotypes qui existent sur des groupes sociodémographiques (l’image que nous avons des femmes, des séniors, des personnes en situation de handicap), mais les organisations créent leurs propres stéréotypes. Elles sont capables de créer des images sur des métiers, sur des fonctions, sur des niveaux hiérarchiques. On a des stéréotypes sur des informaticiens, les ingénieurs, les comptables, les ressources humaines, les directeurs et on voit bien comment l’entreprise par sa micro culture, fabrique aussi toutes sortes de représentations. Donc, les stéréotypes, existant à l’extérieur de l’entreprise, rentrent dans l’entreprise mais sont aussi influencés par sa culture. Les statuts des personnes en situation de handicap ne sont pas les mêmes dans l’industrie aéronautique, dans une organisation publique ou bien dans l’industrie du luxe. La culture a donc une forte influence dans la construction et sur le contenu de ces stéréotypes.


Ces stéréotypes ne sont pas forcément négatifs. On a tendance à penser que le stéréotype est une image négative qu’on a envers un groupe. Alors on pense ça, car c’est ceux sur lesquels on travaille, puisque ce sont ces stéréotypes qui génèrent de la discrimination. Mais un stéréotype peut être très positif. Que pensez-vous des bénévoles au Resto du Cœur ? Vous en avez probablement une image positive.


Puis les stéréotypes peuvent être neutres, c’est-à-dire lorsqu’ils se composent d’éléments à la fois positifs et à la fois négatifs. C’est un peu ce que l’on retrouve avec les personnes en situation de handicap, quand on fait des études sur ce thème. On a deux volets. Un volet que l’on verra un peu plus tard, qui est de dire que les personnes en situation de handicap sont difficilement employables, donc il y a tout un discours assez négatif sur la lenteur, sur la difficulté d’adaptation. Et dans le même temps, on a tout un discours positif, assez empathique et compassionnel avec des dérives / que l’on décrira plus tard, et qui est sur le thème, d’une part du courage, de la combattivité et d’autre part, sur le terrain des relations humaines. On nous dit habituellement dans les études que les personnes en situation de handicap sont naturellement sympathiques, chaleureuses… Et là, on est au cœur d’une dimension positive mais qui génère potentiellement de la discrimination à l’envers.

D’où viennent-ils ?

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On a commencé à le dire, ces stéréotypes se construisent dans et par la culture, puis il rencontre le fait que notre cerveau va choisir préférentiellement ces informations-là. Vous avez donc la rencontre de deux phénomènes, à priori indépendants, mais qui, quand ils sont ensemble, créent une robustesse très forte aux stéréotypes. La culture me prémâche des informations que mon cerveau est ravi d’accueillir. Mon cerveau va préférentiellement prendre ces informations-là, et ensuite la collectivité partage ces stéréotypes qui sont repris par les médias et par tous les vecteurs de la culture, dans tous les supports de communication. Comme le schéma vous le montre, on voit bien que vous avez une sorte de cercle vicieux duquel il est très difficile de s’extraire. En effet notre culture est basée sur des croyances, des normes construites par les médias, par notre éducation créant des catégorisations qui se transforment en stéréotypes. Ces stéréotypes s’intègrent ensuite à notre culture et ainsi de suite. Ce n’est même pas la peine d’essayer, ça ne sert à rien. Il vaut mieux assumer l’idée qu’on est dans une culture qui fabrique des stéréotypes auxquels on appartient, mais ce qui ne veut pas dire qu’on est prisonnier du fait de les valider, et surtout de les utiliser.


Quelles sont leurs caractéristiques ?

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Ces stéréotypes ont des caractéristiques qui nous compliquent la vie. On est en train d’expliquer depuis tout à l’heure, à quel point ils sont nuisibles, donc la réaction serait de se dire, dans ce cas-là, débarrassons nous de ces stéréotypes, faisons en sorte de ne pas les utiliser. C’est plus compliqué que ça. On ne peut pas ne pas les utiliser pour plusieurs raisons.


D’abord parce qu’ils ont une forme d’utilité psychique qui ne rencontre pas la nuisance sociale. Mais au niveau psychique, pour mon bien être, ces stéréotypes sont utiles. Ensuite ces stéréotypes s’activent de façon automatique. Cela signifie que je ne décide pas d’aller chercher un stéréotype quand je rencontre une personne mais que ce stéréotype s’impose à moi. Je suis en entretien d’évaluation avec une personne qui a 50 ans et qui me dit qu’elle aimerait bien changer de filière, faire un autre métier, faire une formation pour se rediriger vers des postes informatiques. Là, que je le veuille ou non, dans mon cerveau s’allume une lampe rouge selon laquelle, après un certain âge, on n’est pas forcément doué pour les nouvelles technologies. Je ne le décide pas, ça s’impose à moi. Ça veut dire que soit je me laisse faire, et tout ce que va me dire cette personne à partir de ce moment-là sera analysé à travers le prisme de son âge, et mécaniquement je ne vais pas entendre ce que ce candidat va me dire, je ne vais pas entendre l’appétence de ce collaborateur par rapport à ce qu’il veut faire, et je vais continuer à utiliser mon filtre de l’âge. A la fin je vais me dire « non franchement ça ne vaut pas le coup. A son âge, il n’y arrivera jamais. En plus l’équipe informatique, c’est tous des jeunes. Il ne comprendra rien, il ne sera pas inséré. »


Deuxième stratégie, qui me demande un effort considérable, je décide de dire à mon stéréotype « laisse-moi tranquille ». J’ai face à moi quelqu’un qui a une envie, qui a une compétence, et en plus, il lui reste 15 ans à travailler. 15 ans c’est long. On a encore le temps de le former, on a encore le temps de lui apprendre un autre métier. Et je vais regarder exclusivement ses compétences, ses envies et sa personnalité. Là, j’ai fait un travail qui m’a aidé à combattre l’activation automatique de mes stéréotypes. Mais vous voyez bien le problème. Si c’est si facile d’utiliser les stéréotypes, c’est très compliqué de ne pas les utiliser. Et on voit bien comment on peut très vite tomber dans la tentation de la facilité parce qu’on est fatigué, parce qu’on est énervé, parce qu’on n’a pas le temps… Tous ces facteurs-là sont des facteurs qui accentuent le recours aux stéréotypes.


Ils sont culturels ce qui évidemment crée une forme de consensualité, et ce qui les légitime de façon très collective. Et enfin, ils ont un autre problème, c’est que la plupart d’entre eux se construisent sur ce que l’on appelle un noyau de vérité. Cela signifie qu’un stéréotype n’est qu’une déformation abusive d’une réalité statistique ou sociologique. J’ai des statistiques qui me démontrent qu’à tel âge je fais telle chose, qui me démontre qu’en général les femmes ont plutôt telles compétences pour des attitudes d’extraversion que les hommes ont beaucoup de mal avec la verbalisation de leurs émotions … Oui, c’est vrai en moyenne. Ce qui ne veut pas dire que toutes les femmes sont extraverties, et que tous les hommes sont incapables de vivre correctement leurs émotions. C’est là que le stéréotype intervient, dans l’utilisation abusive. Et on voit que dans le cas du handicap, l’utilisation abusive du stéréotype est encore plus présente, car la catégorie des personnes en situation de handicap est probablement la plus hétérogène que l’on puisse rencontrer. Quand on dit les « femmes », c’est déjà une généralisation abusive mais quelle hérésie de dire les personnes handicapées ! Il y a tellement de handicaps différents. Comment comparer un tétraplégique avec un asthmatique ? C’est impossible.


Illustration : Google « images »

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Vous voyez bien que ,sur les personnes en situation de handicap particulièrement, la généralisation est dangereuse et elle mène à des comportements tels que généraliser l’image du handicap à une personne en fauteuil roulant, qui sont des comportements soit de discrimination, soit d’exclusion qui vont mener à du conformisme et qui vont avoir un impact, on le reverra, sur les personnes en situation de handicap elles-mêmes par le biais de l’auto censure, c’est-à-dire par un mécanisme qui les amène à s’auto persuader que ce que l’on dit d’eux est peut-être vrai.


Regardez ce qui se passe quand on tape handicap dans Google image. Voilà les images qui apparaissent, très majoritairement, l’icône du fauteuil roulant. Or le fauteuil roulant ne représente qu’une infime partie des personnes en situation de handicap. Mais les médias, la culture, toutes les images que l’on utilise sur le handicap, renvoient à cette représentation du fauteuil, qui est quand même une vision du handicap un peu lourde. Alors effectivement si, lorsqu’on me dit handicap, mon cerveau, tout de suite, me renvoie l’image du fauteuil, je peux me mettre des barrières par rapport à l’accessibilité, par rapport à l’adaptabilité. Or 98% des personnes qui, en France, ont une RQTH (une Reconnaissance en Qualité de Travailleur Handicapé), ne sont pas en fauteuil roulant. Vous voyez comment le stéréotype peut biaiser largement la perception de la réalité et m’amener à prendre des décisions erronées.


Trois types de stéréotypes

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Ces stéréotypes, pour finir sur cette partie, on en rencontre trois types. Le premier, le plus classique, c’est ce que l’on appelle l’hétéro stéréotype. C’est l’image que j’ai d’un groupe auquel je n’appartiens pas : ce que les hommes pensent des femmes, ce que les personnes qui ne sont pas en situation de handicap pensent des personnes en situation de handicap. Quand cet hétéro stéréotype est négatif, la conséquence directe est la discrimination. C’est à dire l’utilisation, comme on a vu tout à l’heure, d’un biais perceptif à travers une décision, qui va être un acte de discrimination comportementale ou verbale.


Le deuxième niveau, c’est ce que l’on appelle l’auto stéréotype, c’est-à-dire l’image que j’ai de mon propre groupe d’appartenance. Moi, en tant qu’homme, j’ai un stéréotype sur les hommes. Donc forcément les personnes en situation de handicap ont un stéréotype sur les personnes en situation de handicap. Vous voyez bien que le problème avec un auto stéréotype négatif par transitivité, serait de se dire que si j’ai la sensation d’appartenir à un groupe, à propos duquel j’ai une image qui est négative, étant moi représentant de ce groupe par transitivité, ça risque de se traduire par une image de moi qui sera négative, une estime de soi faible et de fait une confiance en moi qui peut être faible.


Enfin, le troisième étage de ces stéréotypes et qui s’emboîte avec les deux premiers, est ce que l’on appelle le méta stéréotype. Inconnu en général, moins intuitif mais très important pour les relations professionnelles dans toutes les organisations. Le méta stéréotype, c’est l’image que l’on se fait du stéréotype que les autres ont sur nous. Ça revient à dire, aux hommes dans une organisation, « messieurs d’après-vous quelle image les femmes ont des hommes ? ». Sur le handicap, ça viendrait à aller interroger des personnes en situation de handicap et de leur dire : « D’après vous, dans votre organisation, quels stéréotypes les gens ont sur les personnes handicapées ? ». Le méta stéréotype, c’est l’image que l’on se fait du stéréotype que les autres ont sur nous. Là, on comprend à quel point cela peut être très impactant sur la confiance en soi, mais sur la projection dans sa carrière, sur la prise de risque, sur ma capacité à être spontané, naturel, et à être dans une forme d’enthousiasme quand j’interagis avec autrui. Imaginez une personne en situation de handicap qui pour une raison réelle ou phobique, est persuadée que dans son organisation, on n’aime pas les personnes handicapées, qu’on ne veut pas les promouvoir, qu’on ne veut pas les mettre à des postes à responsabilité. Si un jour un poste est ouvert à candidature, ça ne va pas être simple pour lui de frapper à la porte du DRH pour dire « j’ai les compétences, je pense que ce poste est pour moi ». Il va pratiquer ce que l’on appelle un phénomène d’autocensure. Il va finir par croire ce que l’on dit sur lui. Il va finir par internaliser, malgré lui, inconsciemment, un ensemble de représentations qui l’empêche de penser qu’il est « capable de ». Là, vous voyez que le stéréotype finit par s’appliquer à la personne elle-même.


De l’image aux actes

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Alors vous voyez, pourquoi on distingue ces trois étages : hétéro, auto, méta ? On les distingue pour bien comprendre que les stéréotypes, ce n’est absolument pas un phénomène dans lequel il y aurait un acteur et une cible passive. On a un ensemble de personnes qui dans un système, partage une culture donnée, partage des stéréotypes donnés et qu’on le veuille ou non, tout le monde est complice de ce système. Tout le monde entretient ces stéréotypes, consciemment ou pas, avec une dose idéologique plus ou moins forte. De fait, pour déconstruire les stéréotypes, il faut autant le faire sur les personnes qui ne sont pas en situation de handicap, qu’il faut le faire aussi sur les personnes qui sont en situation de handicap et leur expliquer à quel point elles-mêmes se mettent en situation d’auto discrimination, si elles donnent du crédit aux stéréotypes que l’on projette sur elles. Très facile à dire, beaucoup plus compliqué à faire.