Parasites dans l'écosystème/Introduction
À l’heure actuelle, on estime que près de 50% de la biodiversité totale de la planète est à porter au crédit d’espèces parasites, comme l’ont décrit Windsor(1998) où Toft (1986). Cependant, leur faible contribution en termes de biomasse a fait que leur rôle dans le fonctionnement des écosystèmes a longtemps été considéré comme trivial.
On retiendra pour définition de l’écosystème l’ensemble formé par la biocénose et le biotope (Ricklefs & Miller 1999).
Le constat, plus récent que les parasites jouent, comme l’affirme Poulin (1999) pour les communautés animales, « many roles at many levels » (beaucoup de rôles à différents niveaux) en « structurant les communautés » (Dobson & Hudson 1986), par leur intervention dans la compétition inter-spécifique, où en influant sur la biodiversité — fait que leur étude a pris de l’importance dans les dernières années (cf. Thomas et al. 2005, Collinge & Ray 2006). On peut aujourd’hui,
avec Hudson et al. (2006) se poser la question suivante : « un écosystème sain est-il celui qui est riche en parasites ? »
Dans cette synthèse, je me propose d’utiliser l’importante littérature existante sur ce sujet pour apporter des éléments de réponse à cette question, et plus globalement pour mettre en relation parasitisme et santé de l’écosystème. Une approche des rôles que les parasites peuvent jouer dans un écosystème, ainsi qu’une définition de la santé d’un écosystème complètent cette introduction. La première partie de cette leçon est consacrée à une analyse plus approfondie du rôle du parasitisme dans le fonctionnement des écosystèmes ; elle est suivie par une analyse de travaux menés dans les zones ou de conservation de la nature — notamment des réserves marines — pour lesquelles on dispose de données concernant le parasitisme,et par des considérations plus générales sur le parasitisme et la biologie de la conservation.
Parasitisme et écosystème
[modifier | modifier le wikicode]Une approche quantitative du parasitisme, d’un point de vue écologique, a été proposée par Crofton(1971). Le parasitisme doit satisfaire a un ensemble de cinq critères :
- Une relation écologique entre deux individus de taille différente (l’hôte étant plus grand que le parasite).
- L’un (le parasite)est physiologiquement dépendant de l’autre (son hôte).
- Les hôtes trop infectés sont tués par les parasites (le parasite est donc un pathogène).
- Ils possèdent un potentiel reproductif (la fitness) supérieur à celui de l’hôte.
- On observe une agrégation de la population des parasites chez les hôtes.
Plusieurs points sont fondamentaux pour comprendre comment des êtres vivants représentant une fraction aussi faible de la biomasse vont agir à l’échelle d’un système entier. Il s’agit des points (3) et (5). Bien qu’étant définie à l’échelle de l’individu, on peut leur trouver des parallèles au niveau des populations.
Les espèces hôte ne vont pas « payer » le parasitisme au même prix — fondement de la compétition parente, décrite ci-après, pas plus qu’elles ne vont se répartir équitablement la charge parasitaire. Depuis, la théorie des filtres définie par Euzet & Combes (1980), puis la théorie des interactions durables de Combes (1995) ont apporté un cadre formel pour l’analyse des associations au sein du monde vivant, en permettant d’évaluer les conditions pour que l’infestation d’un hôte par un parasite donné soit achevée avec succès, autant que pour qualifier les effets réciproques de l’interaction au niveau des organismes. Des travaux plus récents se sont attachés à caractériser les effets du parasitisme, non pas seulement sur les organismes, mais sur les écosystèmes.
D’une part, les actions au niveau de l’hôte peuvent affecter la population hôte. Et d’autre part, les différentes actions selon les individus hôtes, et selon les espèces hôtes, vont être susceptibles de modeler la répartition des espèces dans l’écosystème. En plus de ces relations du parasite vers l’écosystème, il faut prendre en compte l’impact de la biodiversité sur le parasitisme. L’hypothèse formulée par Elton (1958) est qu’une biodiversité spécifique diminuée augmente le danger des épidémies (et des parasitoses). Cette hypothèse a reçu plusieurs confirmations expérimentales, comme celle apportée par Mitchell et al. (2002) sur un modèle plante-champignon. Il faut aussi souligner le fait que les parasites, parce qu’ils connectent différents espèces, à des niveaux trophiques différents, ils participent à la détermination de la structure (topologie) du réseau trophique (Huxham et al. 1995, Thompson et al. 2005). Comme le faisaient remarquer Marcogliese & Cone (1997), « l’incorporation d’un parasite à un réseau trophique peut substantiellement en altérer les propriétés fondamentales, y compris la connectance et la longueur des chaînes ».
Qu’est ce qu'un écosystème sain ?
[modifier | modifier le wikicode]Évaluer l’importance du lien entre parasitisme et santé de l’écosystème implique de définir précisément le concept de santé pour un écosystème.
Un « état de complet bien-être physique, mental et social, et […] pas seulement […] une absence de maladie ou d’infirmité » ne s’applique évidemment pas, dans la mesure ou elle est anthropomorphique, à un système composé d’acteurs multiples, en interaction.
Les critères de détermination de la santé d’un écosystème se doivent de prendre en compte sa performance générale, mesurée à partir du comportement de l’ensemble de ses parties. La diversité fonctionnelle et le fonctionnement de l’écosystème sont intimement liés, comme décrit par Tilman et al. (1997). En effet, si la définition de la santé telle qu’on la connait s’applique à un organisme, elle est difficilement transposable a un système complexe. En plus des organismes qui le composent, un écosystème se définit par des éléments abiotiques, et les fonctions qu’il accomplit. L’ensemble de ces composantes se doit d’être pris en compte dans une définition de la santé d’un écosystème.
On peut dans cette optique, avec Costanza & Mageau (1999), définir quatre critères de la santé d’un écosystème. Un écosystème sain est persistant, productif, organisé (en termes de biodiversité et de prédictabilité), et enfin résilient (capable de se remettre d’un choc en un temps relativement court). L’image d’un écosystème sain que l’on se fait est en général celle d’un espace exempt de la présence de l’homme. Soit parce qu’il est difficile d’accès, soit parce qu’il est protégé.
Les critères de Costanza & Mageau (1999) permettent de retenir les aspects de l’écosystème qu’il faut évaluer pour avoir une indication sur son état de santé. La mesure précise de la santé est un problème difficile, dans la mesure où elle est définie de manière relative : « bonne » ou « mauvaise » santé. On peut toutefois séparer les critères d’évaluation proposés en trois catégories, de précision croissante, et de difficulté conceptuelle et de pertinence décroissantes. Les « valeurs », définies globalement, à l’échelle du système. Les « endpoints », représentant des composantes centrales du système étudié — par exemple certaines espèces d’une grande importance fonctionnelle. Enfin les « indicateurs », mesures directes de petites composantes de l’écosystème.