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Management de l’innovation dans les entreprises/Construire une capacité d’absorption

Leçons de niveau 15
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Construire une capacité d’absorption
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Chapitre no 5
Leçon : Management de l’innovation dans les entreprises
Chap. préc. :Le management intégré
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Pour proposer des « solutions complètes » intégrant de nombreuses fonctionnalités et des services divers, les entreprises doivent combiner des compétences qu’elles ne peuvent toutes maîtriser. Elles doivent donc développer une capacité à repérer les technologies et les connaissances qui peuvent leur être utile, à intégrer celles-ci à leur offre, soit en acquérant la maîtrise directe de ces compétences, par développement interne ou transfert de technologie, soit en s’assurant de la collaboration loyale d’un partenaire qui maîtrise cette compétence. Elles devront aussi développer une architecture permettant d’intégrer ces briques diverses dans un produit ou un service cohérent. De telles capacités d’absorption ne s’improvisent pas et il faut souvent avoir développé une expertise de bon niveau au sein de l’entreprise pour avoir la capacité de repérer et d’évaluer des solutions pertinentes développées ailleurs [Cohen et Levinthal 1990]. Il faut aussi organiser la R&D pour qu’une équipe d’intégration exerce une vigilance constante sur les technologies disponibles, sans privilégier les pistes explorées par les services internes de recherche, mais en mobilisant la compétence des experts locaux [Iansiti et West 1997]. Le problème se complexifie encore lorsqu’il ne s’agit pas de trouver le partenaire maîtrisant déjà la technologie qui compléterait l’offre de l’entreprise, mais celui qui est susceptible de développer efficacement celle-ci. Il faut faire participer un partenaire extérieur, aux objectifs et aux intérêts différents, à un effort de R&D amont aux résultats incertains et définir à l’avance les droits et devoirs de chacun (financement, propriété des résultats, délais de réalisation) à propos d’un objet encore inexistant et incomplètement spécifié [Segrestin 2003, Aggeri & al. 2002].

Accumuler la compétence

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L’organisation en projets a considérablement accru l’efficacité des services de développement [Midler 1993, Jolivet 2003], mais parfois au prix de la capitalisation des connaissances car les acteurs des projets sont surtout soucieux de respecter leurs impératifs de performance, de délais et de coûts. Il faut donc mettre en place des dispositifs spécifiques pour recueillir les connaissances générées au cours du projet sans perturber celui-ci. Cela passe, par exemple, par la présence d’acteurs spécifiques dans l’équipe projet, par l’organisation de debriefings après les projets ou par des projets particuliers dédiés à la capitalisation des connaissances [Moisdon et Weil 1998].

Valoriser le potentiel

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De même que l’entreprise a besoin de mobiliser des connaissances externes, de même ces compétences peuvent avoir des applications bien au-delà de ses marchés traditionnels. Des développements complémentaires sont cependant souvent nécessaires et les compétences ne sont pas toujours suffisamment bien codifiées pour qu’une concession de licence ou un transfert de technologie soit facilement envisageable. Il faut alors explorer des modes variés de valorisation pouvant passer par des incubateurs et du capital-risque d’entreprise, par la création de joint-ventures spécifiques ou bien d’autres modalités [Weil 2000a].

Les nouveaux rôles des experts

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Les nouvelles missions que nous venons d’évoquer supposent que les experts ne soient plus seulement jugés sur ce qui constituait autrefois leur tâche principale, la construction de nouvelles solutions aux problèmes techniques de l’entreprise, mais sur l’ensemble de leur contribution à la découverte et à l’intégration de solutions pertinentes, à la valorisation des compétences de l’entreprise, à l’animation de réseaux internes et externes permettant de faire circuler les connaissances et de les rendre disponibles là où elles sont utiles [Weil 2000b]. Cela suppose parfois des aménagements matériels (outils de CAO et de prototypage rapide, de communication et de partage des connaissances, plateaux projets reconfigurables, etc.). Cela influe sur les critères de recrutement et de promotion ainsi que sur le déroulement des carrières (recherche de profil « en T », ayant une compétence pointue dans leur domaine mais de bonnes connaissances générales sur les activités connexes, rôles de « gatekeepers », d’imprésarios et d’architectes de réseaux) [Allen 1977, Weil 2000c] . Cela repose aussi sur une évaluation prenant en compte la contribution aux projets des autres au-delà des objectifs personnels (évaluation à 360°) mais aussi sur de nouvelles relations contractuelles avec les fournisseurs et partenaires [Garel 2000]. Cela dépend aussi de facteurs culturels, comme la valorisation de la coopération et du partage [Saxenian 1994]. Le management joue un rôle important en évitant les comportements opportunistes pour construire des relations pérennes et équitables, privilégiant la confiance et la bonne réputation [Powell 1990,Weil 2000c].

Une compétitivité durable

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La mode est bien passée du monopoly industriel où de grands groupes étaient gérés comme des holdings financiers vendant et acquérant des outils de production et des compétences de conception en fonction de l’attractivité plus ou moins grande des marchés. Les années 1990 ont plutôt mis en valeur le recentrage sur les compétences-clés (avec des définitions souvent tautologiques de celles-ci), en découvrant que celles-ci sont longues à construire, difficiles à entretenir et à faire évoluer et constituent donc un des principaux facteurs de compétitivité durable pour l’entreprise et un défi majeur pour ses stratèges [Hamel et Prahalad 1990]. Dans un univers turbulent, les entreprises visent plutôt la résilience [Hamel et Valikangas 2003], la capacité à s’adapter à un environnement changeant sans attendre de passer par une crise majeure. Cela passe par le développement de la réactivité, facilitée par la prise d’option sur différentes technologies émergentes, plus que par la planification. La R&D, l’investissement dans des start-up, voire la surveillance active d’un domaine technologique et l’utilisation d’architectures ouvertes permettant l’intégration facile de nouveaux composants sont autant d’options réelles prises en situation d’incertitude pour permettre à l’entreprise de saisir les opportunités qui peuvent se présenter ou parer des menaces potentielles [Jacquet 1999]. Le management de la technologie et plus généralement de l’innovation est donc devenu trop stratégique pour rester l’affaire des seuls technologues et requiert une implication forte des différentes fonctions de l’entreprise et l’organisation d’un dialogue constructif entre elles. La capacité à organiser ce dialogue et, plus généralement, à travailler en réseau tant au sein de l’entreprise qu’avec les partenaires les plus divers devient elle-même une compétence-clé, capable de procurer un avantage économique durable à l’entreprise [Powell 1996].