La matière et l'esprit/Descartes ou l'esprit de la science du vivant

Leçons de niveau 13
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Descartes ou l'esprit de la science du vivant
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Chapitre no 2
Leçon : La matière et l'esprit
Chap. préc. :Introduction
Chap. suiv. :Matière et matérialisme
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Descartes, pour fonder sa science, utilise le moyen du doute : le fondement de la science doit être absolument solide, vrai; la vérité doit être absolument certaine. Il utilise donc un doute infini, ce qui résistera sera absolument certain. Il découvre ce qu'on appelle le cogito : nous pouvons douter d’être un corps, mais on ne peut douter d'être, d’être une conscience ou substance pensante. Avant lui, l'âme était conçue de manière complexe : chez Aristote, une personne a une âme végétative (pour les mécanismes corporels, indépendante de sa volonté), une âme sensitive et une âme rationnelle. Avec Descartes, l'âme n'a plus qu'une fonction, la pensée, et on la nomme esprit.

Donc nous avons un corps et, séparé, une substance pensante. Si ce n'est plus l'âme qui explique la vie, qu'est-ce qui va le permettre ? Que devient alors la vie, et notre corps pour nous ?

Descartes, pour voir clairement ce que sont âme et corps, les sépare nettement, en séparant ce qui est essentiel en chacun d'eux. L'esprit apparaît comme pure pensée, et le corps comme une étendue, un espace réel; et l'étendue et la pensée n'ont aucun rapport. Cependant, une troisième évidence apparaît : une relation existe entre les deux et cette interaction est perçue immédiatement lorsque la faim se fait sentir par exemple. Quand on veut, l'âme agit sur le corps, quand on éprouve une passion ou des sentiments (faim, colère...) c’est que l’on a conscience que c’est le corps qui agit sur l'âme. La complexité du problème est faite de ces trois évidences que l’on ne peut rejeter mais s'opposent, sont en contradiction. Par la raison, nous savons que nous sommes deux substances (on parle d'un dualisme), et en même temps, par le sentiment, une unité est perçue, un mélange entre âme et corps. Comment ce qui s'oppose peut-il s'unir ? Comment comprendre le dualisme ? On pourrait être tenté de penser le rapport âme/corps comme un « pilote dans son avion » : l'âme et le corps seraient un ensemble sans former un tout. Or l'âme n’est pas logée dans le corps, elle lui est unie : notre corps n’est pas considéré comme un outil aux ordres de notre volonté. Mais surtout, nous éprouvons des sentiments et des passions (le terme de passion regroupe tous les sentiments ou émotions que notre âme peut ressentir).

Dans son Traité des passions, Descartes part d'un principe logique entre action et passion. Si l'âme et le corps sont en relation, l'un est actif et l'autre passif. Si les choses sont ainsi, alors on doit dire qu'une passion dans l'âme correspond à une action du corps sur elle. La faim, dans le corps, est un mécanisme qui entraîne une passion, la conscience d’avoir faim. Et le corps deviens passif quand l'âme agit : par exemple quand vous voulez quitter une salle de cours (votre décision entraîne quelque chose dans le corps). Les passions de l'âme sont donc des perceptions, et les actions de l'âme sont les volontés, la preuve d'une liaison au corps. Mais les idées, elles, ne sont pas des passions, même si elles sont des perceptions : elles ne sont pas liées à un mécanisme du corps, elles n'en dépendent pas. Par contre, le désir, la souffrance, le plaisir sont des perceptions qui sont dans l'âme, mais à la différence des idées, elles dépendent du corps et le concernent.

À quoi servent donc les passions ? Elles « disposent leur âme à vouloir les choses auxquelles elles préparent le corps », elles sont à l'intersection entre l'âme et le corps. Naissant dans le corps et perçues par l'âme, la passion reste un mécanisme qui se déclenche dans le corps. Elle incite notre âme à quelque chose, lui suggère une volonté. La peur nous incite à fuir : le cœur s'accélère, le corps se prépare à courir et en même temps notre âme est incitée à vouloir fuir. Notre volonté, par ce moyen, ne peut être contrainte : être incité à fuir, ce n’est pas le vouloir. Et chez un humain, en dernière instance, c’est toujours l'âme qui décide.

Si l’on compare humain et animal, en les mettant en présence l'un l'autre, dans la plupart des cas l'animal a une réaction instantanée de fuite. Automatique, mécanique, physique. Du côté humain, les réactions peuvent différer, mais en tous cas vient s'insérer dans ce mécanisme un jeu de l'âme; l'indétermination d'une volonté. L'union entre esprit et corps correspond à l’introduction de la liberté dans un mécanisme naturel.

Quelques remarques :

  • Les passions témoignent de l'unité entre corps et âme, présentent les intérêts du corps à l'âme. Elles sont le moyen par lequel la vie prend une signification de l'esprit.
  • Ces passions sont un moyen de communication entre corps et esprit, un langage, sans lequel l'esprit serait indifférent au corps, serait détaché de la matière.
  • Sans plaisir, souffrance, désir, le mot « vivre » n'aurait aucun sens. Sans passions, nous serions limités à la notion d'existence : Dieu ne vit pas, seuls des êtres naturels peuvent vivre.
  • 2 sens du mot vivre : Le sens général qui n'est qu'un mécanisme matériel; un sens plus restreint : c’est le même processus mais perçu par une âme humaine. Non seulement l'être humain est en vie, mais en plus il l'éprouve. La vie est alors définie par Descartes comme étant aussi le vécu.
  • L'union entre corps et âme est l'expérience des passions : dans la douleur, l'âme s'incarne, le corps se spiritualise; c’est nous, le cogito, qui avons mal. L'unité de l'âme et du corps est bien réelle.