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Critique de la faculté de juger (Kant)/Introduction et préface

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Chapitre no 1
Leçon : Critique de la faculté de juger (Kant)
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Critique de la faculté de juger (Kant)/Introduction et préface
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Dans ce cours, on notera pour abréger :

  • CRP : Critique de la Raison Pure.
  • CRPQ : Critique de la Raison Pratique.
  • CFJ : Critique de la Faculté de Juger.
  • FMM : Fondements de la métaphysique des mœurs.

Le but de cette leçon est d'introduire à la CFJ sur la base du projet critique de Kant. On suivra pour cela essentiellement l'Introduction à la CFJ de Kant lui-même.

La troisième critique et l'extension du projet transcendantal

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Critique et métaphysique

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Étudier les conditions sous lesquelles la faculté de juger peut être soumise à une critique (dans le sens kantien) présuppose un réexamen de l’idée même de critique telle qu'elle opère dans les deux premières critiques kantiennes. Pour comprendre cette évolution de Kant, il faut partir de l’introduction de la Critique de la faculté de juger.

Dans cette introduction, Kant donne le tableau suivant :

Ensemble des facultés de l'âme Facultés de connaître Principes a priori Application
Faculté de connaître Entendement Légalité Nature
Sentiment de plaisir et de peine Faculté de juger Finalité Art
Faculté de désirer Raison But final Liberté

L'analogie est donc claire : l'entendement est au pouvoir de connaître ce que la raison est au pouvoir de désirer, bien que par ailleurs raison et entendement soient classés dans les pouvoirs de connaître.

La situation dans la deuxième ligne est importante. Elle suppose que la liberté, l'art et la nature fonctionnent de la même façon.

L'extension propre à la Critique de la faculté de juger est d'introduire de terme intermédiaire dans le projet transcendantal.

Mais dans quelle mesure peut-on définir pour la faculté de juger un domaine analogue à ce que sont :

  • la Nature pour l'Entendement
  • La Liberté pour la Raison

Autrement dit la faculté de juger institue-t-elle un domaine (de juridiction) dans lequel s'imposerait une légalité ?

Il s'agit d'évaluer cette prétention à la légitimité des règles de la faculté de juger, c'est-à-dire leur caractère de lois : quid juris ?. Notamment, il faut exclure la possibilité qu’elles soient des règles empiriques.

La notion de critique dans la Critique de la Raison pure
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La critique au sens kantien est essentiellement l'examen de la légitimité des règles, et il y a pour cela deux conditions :

  • il faut qu’elles soient a priori, donc qu’elles proviennent d'une déduction métaphysique comme la déduction des concepts purs de l'entendement dans la Critique de la raison pure.
  • il faut que cet a priori ait un champ d'application. Ce qui implique une déduction transcendantale : des objets auxquels s'appliquent les règles leur confèrent une valeur objective.

De ces conditions, Kant tire la formule : "l'Entendement donne ses lois à la Nature". Autrement, c’est l'Entendement lui-même qui est constitutif de l'objectivité.

La rupture avec la philosophie classique
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C'est dans la définition de ce domaine d'application des règles de l'Entendement que Kant se démarque de la philosophie classique héritée de Descartes, qui est une théorie de la représentation intellectuelle. Elle réduit les sensations à des modifications de la subjectivité. Le domaine d'application selon Kant ne se réduit pas à la sensibilité subjective, il procède d'un donné expérimental qui médiatise le rapport entre l'entendement et ses objets.

Cela ne signifie pas que toute représentation soit expérimentale chez Kant, il existe en effet des formes a priori de la sensibilité (l'espace et le temps). Ainsi, même si on ne peut pas avoir une image sensible d'un kilogone, (ce qui en philosophie classique l'exclut de la sensibilité), le même kilogone est sensible chez Kant, même s'il n'est l’objet d'aucune expérience, c'est-à-dire qu’il est pur. Il n'en est pas pour autant intellectuel.

Les concepts purs de l'entendement sont, quant à eux, intellectuels (c'est-à-dire discursifs, logiques) et non sensibles.

La question du donné
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On revient aux deux conditions :

  • a priori
  • cet a priori a un champ d'application.

Pour qu’il y ait quelque chose à quoi s'appliquent les concepts purs de l'Entendement, il faut que quelque chose soit donné. (Ainsi, dans la Critique de la faculté de juger, le plaisir esthétique vient de ce que l'œil voit précisément ce que l'esprit connaît).

Ce donné est contingent, et n’est pas déterminé par l'Entendement. La tâche de la critique peut donc se parcourir dans les deux sens :

  • en partant du champ d'application et en y cherchant des règles qui ont valeur de loi. C'est la méthode analytique des Prolégomènes qui posent la question : à quelle conditions les sciences (mathématiques et physiques) sont possibles ? (L'espace et le temps sont leurs conditions de possibilité).
  • En partant des principes a priori dont les éléments se mêlent dans une synthèse qui a valeur de loi (à quelle condition ce donné serait-il donné ?). C'est la méthode synthétique de la Critique de la Raison pure.

La méthode analytique

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Matériellement, la nature est "l'ensemble de tous les phénomènes, c'est-à-dire de tous les objets que nous connaissons par l'expérience". Mais il y a des principes d'unité et d'identité de l’objet qui ne sont pas fournis par l'expérience. La découverte de ces principes est l'objectif de la "déduction transcendantale", et c’est ce qui manque selon Kant à la philosophie de Hume : comment expliquer les "retrouvailles avec l'objet" sans principe d'identité ? On trouve également ce problème dans les Méditations de Descartes avec l'exemple du morceau de cire : "Est-ce bien la même cire qui demeure ?".

Mais ce qui est intuitif chez Descartes (la reconnaissance étant une intuition intellectuelle impliquant la sensibilité) est discursif chez Kant, c'est-à-dire d'ordre logique, impliquant l'Entendement.

le simple fait que l'expérience soit cohérente et régulière demande de chercher le fondement de cette légalité, ce que la science ne fait jamais dans la mesure où elle présuppose la légalité.

Pour Kant, nous vivons dans un espace euclidien, celui de la physique newtonienne qui joue donc un rôle fondamental dans la fin d'une conception aristotélicienne du monde fini dans la philosophie classique (même Galilée continuait à penser que le mouvement des planètes était circulaire, parfait, autonome). C'est la physique qui nous indique dans quelle nature nous vivons.

Mais la science ne permet pas de justifier l'identité entre le monde physique et celui dans lequel nous vivons, car elle présuppose cette identité.

La déduction transcendantale
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Les régularités (ou règles) de la physique sont donc soit des faits (ce que Hume ne conteste jamais), soit les lois. Mais dans ce dernier cas elle ne peuvent provenir ni de l'imagination ni de l'expérience, mais d'une légalité plus générale dont il faut rechercher le principe. Comment se fait-il que l’objet puisse être soumis à des lois ? Qu'est-ce qui rend la physique possible ?

La légalité (la causalité par exemple) s'explique donc par le fonctionnement de l'Entendement lors de la constitution des phénomènes.

Il y a donc autre chose que la simple cohérence et la répétition des phénomènes. C'est pour cela que Kant distingue entre l'erscheinung sensible et le phaïnomenon construit par l'Entendement. Seul ce dernier est soumis à la légalité, et c’est pour cela que lui seul pour être objet d'expérience.

La légalité des Concepts purs de l'Entendement est donc la condition de l'expérience même, ce qui constitue la "révolution copernicienne" opérée par Kant. Les Concepts purs de l'Entendement déterminent l'objet.

On a donc répondu au problème du passage de la Nature à l'entendement, qui fait l’objet des Prolégomènes. Le moment le plus important de la connaissance est le concept, qui fonde la cohérence de l'expérience, et qui est à distinguer du simple jugement de perception.

La méthode synthétique

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Kant procède dans la Critique de la Raison Pure en sens inverse de la démarche précédente, puisqu’il part des jugements et en dérive les Concepts purs de l'Entendement. La question qui se pose alors est celle de la légitimité de ces règles. Dans quels cas peuvent-elles devenir des lois de la Nature ?

Or ce qui leur donne cette légitimité, c’est ce qui en même temps limite cette légitimité, c'est-à-dire l'expérience elle-même. Autrement dit les règles de l'Entendement ne peuvent s'appliquer qu'aux objets de l'expérience. Kant fonde la connaissance en la limitant.

La question qui se pose alors est : la philosophie s'arrête-t-elle à la critique ? La réponse kantienne est négative, car il existe une métaphysique kantienne (des mœurs, de la nature) mais il faut qu'un minimum soit donné. Dans ce cas, on est dans une métaphysique qui n’est pas vide, comme celle qui est critiquée dans la dialectique transcendantale, et qui s'oppose à la méthode transcendantale de Kant.

Il faut donc garder présent à l'esprit ce double sens du mot "métaphysique" chez Kant, en cherchant toujours l'autre membre du couple :

métaphysique (classique, illégitime)/philosophie transcendantale
métaphysique(des mœurs par exemple,légitime)/critique

Extension du projet transcendantal

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Le tableau de l’introduction de la CFJ rend également compte du développement de la pensée de Kant.

Ensemble des facultés de l'âme Facultés de connaître Principes a priori Application
Faculté de connaître Entendement Légalité Nature
Sentiment de plaisir et de peine Faculté de juger Finalité Art
Faculté de désirer Raison But final Liberté

Kant tire en effet cette division d'un ordre anthropologique ancien : la séparation entre aspects théorique et pratique.

Dans les critiques antérieures, il n'était question que de deux pouvoirs législateurs, entendement et raison, dont sont tirés les contenus de toute métaphysique possible (des mœurs, de la nature).

On parle donc d'extension du projet transcendantal dans la CFJ car :

  • Le pouvoir pratique ne nécessite pas au départ de critique. La question "Que dois-je faire" n’est pas jugée problématique. Ce n'est qu’à partir de 1785 (Métaphysique des mœurs) que le projet de la critique de la raison pratique naît, pour étudier la manière dont l’intérêt pratique influe sur l’intérêt théorique (existence de Dieu, immortalité de l'âme, liberté. Ce sont les postulats de la raison pratique).
  • L’idée de la Critique de la faculté de juger est d'asseoir sur la division des pouvoirs de l'esprit le projet critique en introduisant le sentiment. En effet, la raison pratique a été purifiée du sentiment dans la critique de la Raison pratique.

La CFJ met donc la dernière main à l'architectonique critique en traitant de ce qui est donateur de principe dans l’ordre du sentiment.

La question de la finalité

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La question de l'être n’est pas étudiée dans la Critique de la Raison pure et dans la Critique de la Raison pratique car cette contingence là (l'être est toujours un donné) échappe à la raison.

C'est donc une question de finalité :

  • Il y a de l'être alors qu’il pourrait ne pas y en avoir.

C'est la finalité qui permet de faire le lien entre les principes de la Raison :

  • L'être est étonnant c’est donc pour cela que rien qu'en ouvrant les yeux, on peut le trouver beau.

C'est le seul fait de voir qui donne la beauté.

La raison et la foi

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S'il y a une positivité (une analytique) dans le champ de l'expérience, on pourrait conclure qu’il n'y a rien dans le reste. En effet, la Raison produit des Idées donc :

  • Il ne faut jamais se risquer avec la Raison spéculative au-delà des limites de l'expérience.
  • La prétention à connaître des Idées est donc vaine.

mais la Critique de la Raison pure n'établit cette impuissance que dans la mesure où elle montre aussi que ces idées ont un rôle positif dans l’ordre pratique.

En libérant les idées de la prétention illégitime à la connaissance, la critique libère la morale du dogmatisme de la métaphysique. Ainsi, la morale n'a plus besoin de l'appareil métaphysique pour être fondée. Car la critique n'enlève rien à la valeur pratique des idées. (cf Préface 3,16 de la deuxième édition).

Dès que l’on est convaincu (c'est-à-dire que l’on a une foi subjective) qu’il y a un usage pratique nécessaire en morale, cet usage pratique de la Raison a sa légitimité en lui-même car il n'a pas besoin d’être fondé. La métaphysique dogmatique n'est donc plus la discipline qui donne une assise à la morale.

En restreignant l'usage spéculatif de la Raison et des Concepts Purs de l'Entendement, on en a donc libéré l'usage pratique comme champ d'action pour une morale.

L'enjeu de cette restriction est aussi de trouver une place pour la foi (puisqu'on ne peut pas connaître Dieu par la Raison, comme pensaient le faire les scolastiques catholiques).

La troisième question kantienne du Canon est donc déjà en jeu : "Que m'est-il permis d'espérer?".

La leçon kantienne est donc que la Raison produit une foi et non une connaissance.

C'est vers cette articulation fondamentale de la pensée kantienne que tout converge, dès la Critique de la Raison pure.

La religion rationnelle kantienne, c’est l'ouverture au suprasensible rendue possible par la Critique de la Raison Pratique, dans ses postulats de l’existence de Dieu, de l'immortalité de l'âme et de la liberté.

Le bonheur n'est donc pas la fin de la Raison pratique, il s'agit certes de se rendre digne d’être heureux par la morale, mais également de penser un ordre du monde dans lequel les lois de la nature serait en accord avec ce bonheur.

Le bonheur est en effet pour Kant purement sensible et non rationnel. Il n'est donc pas permis d'espérer la chance : être moral n'a jamais rendu personne heureux. Il manque encore l'espérance.

Il faut donc penser l'accord entre la sensibilité (état du bonheur ressenti ) qui appartient à un ordre de causalité mécanique, avec la moralité. La seule façon pour ce la est de postuler la convergence en Dieu.

Le problème de l'entreprise critique est donc celui de l'unité de la Raison, c'est-à-dire de penser l'un à partir de l’opposition entre Raison et Sensibilité.

Comment produire cette unité ? Il faut pour cela faire intervenir du théorique et du pratique. Mais il faut dès à présent noter que Kant ne sortira jamais vraiment de la dualité dans le sens où la synthèse ne sera jamais qu'asymptotiquement réalisée. ceci l'oppose aux idéalistes allemands comme Fichte ou Hegel.

le but est donc d'arriver aux postulats de la Raison pratique, toute la critique n'étant qu'un moyen pour cela. L'objet le plus élevé de la métaphysique ne relève donc ni du théorique, ni du pratique, c’est le souverain bien, qui doit être pensé comme fil conducteur des trois critiques, comme passage (übergang) de la nature à la liberté (cf $2, 3, 5, 9 de la CFJ).

Comment penser ce passage ? C'est précisément la problématique de la CFJ qui est l'aboutissement mais aussi le déplacement de la pensée critique.

La Raison est législatrice dans le domaine de la Liberté. Ce qui signifie "constituante", par opposition à "régulatrice", de la même façon que les Concepts purs de l'entendement sont constituants dans le domaine de l'expérience.

Mais la positivité ne se limite pas à la constitution car il y a aussi une positivité de la régulation(cf Appendice de la Dialectique Transcendantale : De l'usage régulateur des Idées).

Il faut donc étudier cette notion de régulation dans la CFJ, dans sa formulation :

  • Usage déterminant/Usage réflexif.

Evaluation par Kant de son propre travail

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La critique possède donc une double utilité :

Une utilité négative, qui évite d’utiliser la métaphysique dogmatique au-delà de l'expérience en délimitant un usage légitime et un usage illégitime de l'entendement.

La limite (grenze=frontière) définit un domaine d'application, dont les modalités sont définies par la déduction transcendantale, répondant à la question Quid Juris.

Kant montre ainsi une source du droit qui possède deux versants :

  • Elle est a priori, c'est-à-dire non fondée sur l'expérience
  • Elle est transcendantale, c'est-à-dire qu'elle définit les conditions de possibilité de l'expérience elle-même, opérant la distinction entre l'objectif et le subjectif (limité à la perception).

Mais qu'y a-t-il au-delà de ce domaine d'application ?

Une réponse lié à l'humain

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La réponse kantienne est liée aux capacités de l'entendement humain, qui n'a pas accès aux archétypes, aux idées innées, aux choses mêmes, à la présence de ces choses.

"Toute intuition est sensible".

Ceci s'oppose au sujet purement connaissant "mens" de la métaphysique dogmatique. Mais aussi chez Spinoza à la vision de l'esprit humain comme partie de l'esprit de Dieu.

Subjectivité et objectivité

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Pour Kant, la subjectivité est liée à notre sensibilité, alors qu'est objectif ce qui est fondé sur l'entendement.

Ainsi, l'erscheinung fait apparaitre une chose (d'ailleurs inconnaissable). Le réalisme empirique est donc une conséquence de l'idéalisme transcendantal.

L'objectivité est au contraire fondée sur l'entendement qui fournit la synthèse de la diversité des perceptions. L'objet n'est donc pas la chose.

Mais l'aperception (le "je pense") accompagne mes perceptions, ce qui fait de toute perception une synthèse. La recognition dans le concept vient de l'expérience, mais nécessite des principes purs d'identité et d'anticipation.

Les catégories (concepts purs de l'entendement) ne fournissent une connaissance qu'accompagnées d'expérience.

D'où viennent les catégories ?

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C'est une question fondamentale, par exemple chez Fichte, de la philosophie kantienne. En effet, si les catégories sont dérivées des jugements dans la Critique de la Raison pure, elles sont logiquement plus originaires.

Mais pour Kant, la question de la genèse des catégories est le retour du dogmatisme. On ne peut trouver cette source qu'asymptotiquement. Il évite donc cette question.

La réponse Fichtéenne, quant à elle, est que la source se trouve dans le "je veux", dans l'acte.

La notion de sujet chez Kant

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La notion de sujet est donc problématique chez Kant car le "je pense" des catégories n'est précisément pas subjectif. Le subjectif est toujours lié à la sensibilité pour Kant. Le terme de sujet est donc en ce qui le concerne à manipuler avec précaution.

Retour sur la question des limites

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Il y a aussi une utilité positive à la critique kantienne :

  • La fondation de l'expérience
  • La légitimation de la physique

Mais cette utilité n'est qu'un moyen en regard du véritable objectif de Kant, qui réside précisément dans l'au-delà de la limite de l'expérience. Dans cet au-delà, il n'y a pas de savoir ni de connaissance, mais il y a la Foi (=Glaube).

Il ne faut pas confondre la Foi kantienne avec la croyance ou l'opinion (wahrhalten) : dans la foi kantienne, il y a suffisance subjective justifiée par la Raison.

En effet, l’intérêt de la Raison est justifiée par trois questions :

  • Que puis-je savoir ? (théorique)
  • Que dois-je faire ? (Pratique)
  • Que m'est-il permis d'espérer ?

Et c’est précisément dans cette possibilité d'espérance que s'accomplit la Raison humaine, en joignant le théorique aux postulat de la Raison pratique (cf les Paralogismes dans la CRP "Le reste n'est qu'un moyen").

Ainsi, lorsque Kant s'intéresse à la métaphysique, il veut trouver la manière dont Dieu, liberté et âme peuvent avoir une réalité, pour en venir à définir la foi.

Cette dernière ne sera ni le religieux (on reste dans la Raison), ni le purement moral (elle n’est pas seulement pratique).

La Foi chez Kant signifie le "théorico-pratique" : le pratique ne peut conduire à l'espérance que s'il ouvre le théorique à la Foi.

Mais le théorique continue à être travaillé par le pratique (sauf dans le cas de la liberté qui est presque purement pratique).

L'objet ultime de toute critique est de définir des conditions de possibilité d'une telle Foi métaphysique. c’est en ce sens que la critique a essentiellement une utilité positive et propédeutique.

Il y a en cela trois étapes :

  • La méthodologie transcendantale qui traite de l'articulation théorique/pratique (ainsi en 1782, dans le projet de Kant il n'y a qu'une critique).
  • Dans la critique de la Raison pratique, Kant remet celà en question : il faut éviter que la Raison ne soit contaminée par du sensible. D'où le rejet du bonheur et un effet feedback sur la Critique de la Raion Pure.
  • Il faut alors une synthèse entre les deux types de Raison.

Mais ni dans La Critique de la Raison pure, ni dans la Critique de la Raison pratique, on a affaire à une raison réduite à un seul de ses usages. Dans la Critique de la Raison Pratique ($7 II.2.) Kant demande un élargissement de la Raison théorique qui ne soit pas un élargissement de la connaissance. Cet élargissement n'est donc pas purement pratique.

C'est précisément de cet élargissement qu’il faut extraire la problématique de la Critique de la Faculté de Juger.

Problématique de la Critique de la Faculté de Juger

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On s'interroge sur l’existence d'une nature qui puisse se concilier avec la liberté. La nature étant le domaine de l'entendement, l'action dans la nature nécessite une convergence entre entendement et liberté. Le fait qu’il puisse exister une telle nature n'a pas été pris en considération dans les précédentes critiques. Kant cherche une confirmation de son existence dans les notions de beau et de vivant.

Cela nécessite de passer de la nécessité à la contingence dans la nature pour se donner des raison d'espérer. Tout se passerait alors comme si la Foi était justifiée, bien qu'elle soit déjà fondée dans la critique de la Raison pratique.

Kant ne peut pas aller plus loin que cet "avant-goût du paradis", car il lui manque la considération de la jouissance et de l'entendement intuitif.

Retour à la critique de la Raison pure : appendice à la dialectique transcendantale

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Dans cet appendice, Kant pose la question de l'usage positif de la Raison. La Raison ne peut en effet pas produire de synthèse avec ses idées car elle n'en a pas l'intuition (III. 254). Donc les idées ne peuvent pas donner de véritables connaissances comme synthèses d'intuition et de concepts.

Les idées n'ont donc pas de fonction constitutives à l'instar des concepts. Leur rôle ne peut être que régulateur.

Une idée régulatrice sert à mettre de l'unité dans les connaissances particulières et à rapprocher la règle de l'universalité. (CRP III. 429).

Ainsi l’idée de Dieu sert à mettre de l'unité dans des connnaissances, et non dans des représentations. Le monde prend donc un sens grâce aux idées régulatrices.

Mais cette unité n’est pas synthétique, mais systématique. Le système est ce vers quoi on tend, il n’est pas actuel car on n'en a pas d'intuition.

La raison projette une unité systématique dans laquelle s'insèrent des connaissances particulières.

Cet usage régulateur de la Raison fait le lien entre la particularité empirique et l'unité de la Raison. Par la médiation de l'Entendement, la Raison organise un système de l'expérience.

Par exemple, la matérialité qui est donnée par l'Entendement, mais l'organisation des objets particuliers est de l’ordre du système.

Ainsi la classification des espèces biologiques vient de la Raison, elle n’est pas une loi de la Nature.

La Raison a ainsi un usage régulateur même par rapport à l'expérience.

La science, à la différence de la simple connaissance, présuppose l’idée de système.

Le constituant et le régulateur

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Dans l’appendice à la dialectique transcendantale (CRP), Kant montre le point d’ancrage de la CFJ dans la CRP : sans la raison, la science se ferait seulement au cas par cas, l’entendement étant seulement capable de ramener l’individu à l’espèce. Le genre, quant à lui, est un produit de la raison dans la mesure où il revient à penser un ordre sans savoir au préalable si ça correspond bien à la nature.

Ainsi, chez Kant, l’expérience n’est plus opposée à la Raison comme cela se passe chez les rationalistes (Leibniz, Descartes) et les empiristes (Locke, Hume). L’expérience doit être structurée en regroupant les espèces par affinité (ressemblance, dissemblance), et ceci n’est pas déterminé par l’entendement.

Cette tendance au système est ce que Kant appelle « rôle régulateur des idées de la raison pure ». Elle est antérieure à toute science.

Dans III, 248 CRP, Kant emprunte le mot « Idée » à Platon plutôt qu’à Descartes. L’idée correspond en effet pour lui davantage à un ordre qu’à une intuition (il n’y a pas d’intuition intellectuelle chez Kant). Lorsqu’un phénomène ne se comprend que par le tout alors que nous ne connaissons (au sens de l’entendement) que les parties, on parlera d’organisme (organisé en vue d’une fin) : c’est une idée de la Raison. Ainsi, l’entendement ne peut pas comprendre la vie. Si l’on veut penser la nature en termes de système, on a besoin des idées. Par exemple, il faut une idée du mammifère pour définir ce genre, l’expérience ne permet pas à elle seule de le faire. L’idéal de la Raison pure (Dieu) correspond au maximum de détermination rassemblé dans un tout. Cela montre que nous classons nos connaissances avant même de savoir si elles peuvent être classées (les concepts au contraire sont nécessaires pour connaître).

Lorsque la Raison interroge la nature (ce que fait Galilée dans ces expériences de plans inclinés) sur ce qu’elle ne montre pas, elle présuppose que les concepts sont organisés en système.

Dans les Prolégomènes, Kant distingue entre Nature formelle (formaliter spectata : légalité, entendement, concept) et Nature matérielle (materialiter spectata : ensemble des phénomènes).Ces deux natures sont séparées dans la mesure où il est impossible de déduire l’une de l’autre (comme le montre la critique de la preuve ontologique de l’existence de Dieu). La Raison intervient dans l’ensemble des phénomènes pour les ordonner selon la finalité. Ceci a lieu car les choses pourraient être autrement (contingence). Le concept constitue le phénomène et les rapports entre phénomènes (causalité). Mais la Raison pense la nature comme si elle était conçue par une intelligence. Kant revient ainsi sur ce que Spinoza considérait comme une illusion purement négative : ce comme si fait la différence entre le déterminant (constituant) et le régulateur.

Une question architectonique

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Pour Kant, la métaphysique possible se divise en deux parties : la physique rationnelle et la métaphysique des mœurs. Cette division architectonique fournit le plan d’un système de la métaphysique. L’enjeu de la CFJ est donc architectonique mais si on ignore le moment critique, on passe sur l’examen de la portée de notre pouvoir de connaître. La condition critique est même tellement fondamentale qu’elle finit par tout contenir. L’opposition théorique /pratique est un effet du Pratique sur le théorique par l’intermédiaire des Idées : la Raison est fondamentalement désirante. Elle désire s’étendre et transgresser : ce désir est indéracinable, et la tendance à l’autonomie de la Raison peut la conduire à délirer (dogmatisme).

Or la CFJ ne débouche sur aucune partie nouvelle de la métaphysique. Voila qui pose une question architectonique qu’il faut élucider.

Séance 5 : Une refonte de la métaphysique moderne

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La question de la théologie et de l'ontologie

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La métaphysique classique, d'Aristote à Saint Thomas, présuppose la connaissance de la physique. La théologie n'est donc pas vraiment la science de l'être en tant qu'être, mais une façon de penser l'être à partir de l'un.

En revanche, chez les modernes, on pense l'être comme genre : c’est l'ontologie. Ceci est donc récent du point de vue de Kant. Mais bien sûr, pour lui, l'être échappe partiellement à la pensée, et c’est la raison pour laquelle il entend la critique comme une évaluation de notre pouvoir de connaître. La philosophie transcendantale n’est pas une ontologie, mais une analyse des conditions de l'ontologie. (Cf "Table des Nichts").

Pour cette analyse, la psychologie rationnelle moderne est insuffisante pour Kant, car on y arrive à un pur "je pense" que l’on ne peut connaître davantage (contrairement à ce que prétend Descartes). En revanche, l’objet suprême de la Raison se trouve bien du côté de la théologie rationnelle, avec les questions de Dieu, de la Liberté, de l'immortalité de l'âme. On peut imaginer les premiers principes d'une science de la nature à partir des CPE, peut-on de la même manière ramener la théologie à la morale ? Répondre par l'affirmative à cette question engage toute la compréhension de l'œuvre kantienne. En effet, dans ce cas, la théologie se réduit à presque rien, on réduit Kant lui-même à n'être que le philosophe du newtonisme.

Pourtant, les paragraphes 57 à 59 des Prolégomènes ouvrent la voie à une connaissance de Dieu par analogie. Comment ce projet initial évolue-t-il vers la CFJ ?

Révision de l'articulation théorique/pratique

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Au début de la CRPQ, la CRP est qualifiée de Critique de la Raison pure spéculative, car dans le domaine pratique, il n'y a pas de transgression possible (du point de vue théorique). "La liberté pratique peut-être démontrée par l'expérience" comme un fait de la Raison (Canon).

Donc le concept de Raison est ambigu tant que l’on ne distingue pas la connaissance qui relève de l'entendement, de la spéculation qui relève de la Raison stricto sensu. C'est la confusion de la métaphysique classique, où les Idées de la Raison avaient valeur de concept. Les concepts sont objectifs car ils rendent l'expérience possible, alors qu'aux idées il ne correspond aucune expérience. (Par exemple quand on qualifie Dieu de cause).

Le théorique est donc ce qui relève de la connaissance, et le spéculatif de la raison. L'usage purement spéculatif de la Raison est pour Kant impossible (CRP p 423). Mais alors que devient la théologie ?

La nuance réside dans le "purement", par opposition à "pratiquement". Il est en effet possible de se servir des lois morales, où la possibilité n'entre pas en ligne de compte.

Mais la question de l'articulation théorique/pratique se pose à nouveau, car comme on ne peut pas introduire de finalité dans la valeur morale, on doit l'envisager à un autre niveau. Il faut que ce soit le même être qui ait fait à la fois la morale et la nature. C'est l’existence même de la morale qui impose de penser les conditions de réalité de cet être.

Mais l'usage pratique de la Raison ne détermine pas cet être, c’est donc dans la théologie que sont résumée les intérêts essentiels de la Raison.

La théologie est du spéculatif animé par du pratique

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Comment en effet atteindre le bonheur en se conformant aux lois morales ? Comment penser l'accord de la Nature avec la morale ? La CRP est insuffisante pour répondre à cette question de l'effet du pratique sur le théorique, car elle ne fonde que la physique rationnelle , en évaluant notre pouvoir de connaître. Pour rendre possible une vraie métaphysique, il faut penser cette articulation, ce qui ne constituera pas une connaissance au sens strict, mais une spéculation légitime. C'est la problématique de la CRPQ. La métaphysique des mœurs (éthique) ne pose pas problème car la légitimité de la Raison en morale n’est pas à fonder. (CF Lettre à Lambert 1790).

L'antinomie de la Raison pratique

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En revanche dans les Fondements de la métaphysique des mœurs, Kant développe une redéfinition du problème de la philosophie pratique en dissociant radicalement le bonheur de la moralité, notamment à travers l’opposition pratique/pragmatique.

Le point de départ de Kant est que la moralité n'a de sens pour le philosophe qu'en ce sens qu'elle permet d'évaluer la dignité qui est la condition du souverain bien (contre Épicure)(cf le canon de la RP). Mais à partir des Fondements de la Métaphysique des mœurs, cette opposition fait bien problème : la morale ne demande pas le bonheur pour être dite, mais elle le demande pour être faite. ceci appelle la Critique de la Raison Pratique , c’est une antinomie de la Raison pratique.

Le factum rationis

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Elle doit sauver le Souverain bien comme l'analytique de la Raison pure sauve le pouvoir de connaître. Le noyau du problème est l'expérience de l'impératif catégorique qui contraint le plaisir au respect (FMM). C'est le factum rationis.

Il faut pouvoir fonder la moralité sans le bonheur, pour ne plus régler la faculté de désirer sur le souverain bien (comme le fait Aristote dans L'Éthique à Nicomaque).

Ce n'est alors plus l’objet qui détermine le désir, mais l'inverse (révolution copernicienne en morale). La faculté de désirer pure est la volonté. Si l’objet détermine le désir, alors il s'agit d'un désir non pur.

Il y a donc un ordre propre au devoir-être chez Kant, où la moralité est la législation de la volonté, et ne consiste plus à distinguer le vrai bien du faux (contre l'eudémonisme). "La volonté est la seule chose bonne en soi" (FMM). Cette spontanéité de la volonté est travaillée dans la CRPQ, de la même manière que la spontanéité de l'entendement est travaillée dans la CRP. La spontanéité ici s'oppose à la réceptivité des sens et de l'inclination.