Cendrillon (Arthur Rackham)/Le bal

Leçons de niveau 5
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Le bal
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Chapitre no 8
Leçon : Cendrillon (Arthur Rackham)
Chap. préc. :La marraine fée
Chap. suiv. :La seconde nuit
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Le carrosse s'ébranla, franchit la porte ouverte et s'engagea sur la grande route solitaire qui menait à la ville. Les six chevaux gris piaffaient aussi fièrement que s'ils sortaient de l'écurie royale ; le cocher sur le siège avait la dignité d'un empereur et les six laquais criaient aux passants : « Gare ! Gare ! »
En traversant la ville, ils ne cessèrent pas leurs cris, au grand amusement et à la grande joie du peuple. Les femmes se mettaient aux fenêtres, les hommes agitaient leur chapeau en l'air en poussant des exclamations : « Bravo ! Bravo ! »
Tous pensaient que Cendrillon était une princesse, ou tout au moins une duchesse. Ce fut aussi vraisemblablement l'opinion des gardes lorsque le carrosse s'arrêta aux portes du Palais. Des huissiers sortirent pour demander le nom de la nouvelle invitée, mais Cendrillon dit à ses laquais de répondre qu'elle désirait que son nom restât secret.
Les huissiers parurent interloqués, et, ne sachant à quoi se résoudre, s'adressèrent au Chambellan de la cour qui vint avec sa canne d'or à la main, mais il dut lui aussi s'en retourner sans être plus renseigné.
À son tour, le grand Chambellan informa le jeune Prince de ce qui se passait. La curiosité du Prince fut tellement aiguisée qu'il descendit en personne pour voir qui pouvait être la mystérieuse invitée.

Aussitôt qu'il aperçut Cendrillon, il fut frappé de sa beauté et oublia tout le reste ; il l'aida à descendre du carrosse et la conduisit à son bras dans la salle du bal.
Quelle magnificence s'étalait devant les yeux de Cendrillon. Depuis le jour où elle avait entendu parler pour la première fois de ce bal, elle avait essayé de se représenter ce que pouvait être pareille fête, mais la réalité était mille fois plus belle que ses rêves. Des milliers de bougies supportées par des lustres de cristal scintillant et tout rayonnant des couleurs de l'arc-en-ciel éclairaient la grande salle des fêtes. Celle-ci était si vaste qu'on n'en pouvait apercevoir l'extrémité, et le parquet était si brillant qu'il reflétait les lumières des bougies et les nuances éclatantes des costumes des danseurs et des danseuses.
Tous les invités étaient arrivés, les violons jouaient gaiement et, déjà, le Roi et la Reine ouvraient le bal.

L'entrée de Cendrillon au bras du Prince royal fit sensation. Les danses s'arrêtèrent, les violons cessèrent de jouer ; chacun était émerveillé devant cette éblouissante princesse. Le Roi même, tout vieux qu'il fût, ne se lassait pas de la regarder et confiait tout bas à la Reine que, depuis longtemps, il n'avait vu si belle et si aimable personne.
« Voulez-vous me dire votre nom, belle dame ? » murmura le Prince lorsqu'il arriva devant son père et sa mère.
Mais Cendrillon secoua la tête et lui répondit que cela était impossible ; alors, très courtoisement, le Prince n'insista pas. Il songea que ce devait être une grande dame, une très grande dame, car seule une personne de très haut rang pouvait se permettre le luxe d'un si splendide attelage et d'une si riche toilette. Sa grâce et la noblesse de sa démarche témoignaient d'ailleurs de sa haute naissance.
Le Prince la présenta au Roi et à la Reine sous un nom qu'il inventa. Leurs Majestés, ravies, lui adressèrent la parole avec beaucoup d'affabilité. Alors, la musique se fit à nouveau entendre, et le Prince s'inclinant devant Cendrillon lui demanda l'honneur de danser avec elle.
C'est alors que Cendrillon sut mettre à profit les leçons que, jadis, lui avait données le maitre à danser de sa pension. Aucune invitée ne dansait avec autant d'agrément qu'elle. Ses petits pieds enfermés dans les pantoufles de vair marquaient merveilleusement la mesure. C'était une joie de la voir et tout le monde se demandait :
« Oh ! Qu'elle est belle ! Qui peut-elle être ?
– Sans doute, c'est une princesse étrangère, car elle n'appartient à aucune famille du pays.
– Dites à un laquais d'aller regarder les armoiries de son carrosse, cela nous donnera une indication. »
Ainsi fut fait, mais les panneaux de la voiture ne portaient ni armes, ni devise, et la curiosité des assistants fut déçue.
Toutes les dames considéraient avec attention la coiffure et la robe de Cendrillon.
« Qui peut l'habiller ? se demandaient-elles. Nous n'avons jamais vu d'aussi délicieux arrangements. Je veux copier sa toilette pour le prochain bal, bien que je doute pouvoir trouver des étoffes aussi belles et des ouvrières aussi habiles. »
Au milieu de l'étonnement général et des chuchotements, Cendrillon demeurait si simple et si naturelle qu'elle attirait tous les cœurs.
Au moment où elle était entrée dans la salle de bal, elle avait aperçu ses sœurs qui tendaient curieusement leur cou derrière une rangée d'invités. Plus tard, elle les revit assises et faisant tapisserie, vexées que personne ne songeât à les inviter à danser.
Les danses succédaient aux danses, et le Prince ne se résignait pas à se séparer de Cendrillon. Il semblait n'avoir d'yeux que pour elle et ne s'occupait plus du tout des autres dames. Vers le milieu de la soirée, Cendrillon lui dit :
« Dites-donc, Prince, quelles sont ces deux demoiselles assises là-bas auprès de cette colonne ? Pauvres filles, personne ne les a invitées à danser jusqu'ici ! J'en suis fâchée pour elles. »
Le Prince jeta un regard indifférent du côté de Charlotte et d'Euphrasie qui, en effet, avaient l'air de lamentables abandonnées.
« J'ignore leur nom, dit-il, mais ce sont sans doute les filles d'un gentilhomme des environs. Si vous le désirez, je vais charger le Maitre des Cérémonies de leur envoyer des cavaliers.
– Je vous en prie, reprit Cendrillon, car je suis sûre qu'elles ne s'amusent pas du tout, et leur vue me rend toute triste au milieu de ce bal.
– Votre cœur est aussi compatissant que vous êtes belle ! » s'écria le Prince, et il donna les ordres nécessaires.
Ainsi, grâce à l'intervention de Cendrillon, Euphrasie et Charlotte trouvèrent des cavaliers, mais elles ne surent jamais à qui elles devaient cet honneur. Leurs figures maussades brillèrent de plaisir lorsque deux nobles gentilshommes s'inclinèrent devant elles et leur demandèrent de danser le cotillon avec eux. Bien qu'à vrai dire, elles fussent de très médiocres danseuses, leurs partenaires étaient beaucoup trop polis pour manifester leur ennui et leur mécontentement.

Puis un magnifique souper fut servi dans la salle à manger du Palais. La fête fut splendide. Cendrillon n'avait jamais rien vu de pareil dans sa vie. La table était garnie avec la vaisselle la plus rare et la plus précieuse. Des hures de sangliers qui, avec leurs yeux ouverts et leurs crocs menaçants, semblaient encore animées par la vie, nageaient dans des sauces sur des riches plats d'argent. D’énormes quartiers de bœuf et de venaison voisinaient avec des pâtés d'où s'échappaient des oiseaux vivants quand on brisait la croûte. Il y avait aussi des gâteaux glacés ou couverts de crème en forme de châteaux forts ou de navires avec des amoncellements de fruits savoureux.
Cendrillon s'arrangea pour s'asseoir en face de ses sœurs, qui, l'ayant toujours vue vêtue de pauvres robes rapiécées, ne pouvaient la reconnaître sous sa somptueuse toilette. Un invité eût-il affirmé que la princesse et la malheureuse Cendrillon ne faisaient qu'une, elles auraient refusé de le croire.
Cendrillon se leva pour prendre place auprès de ses sœurs et leur fit mille honnêtetés. Euphrasie et Charlotte furent très fières de ces attentions. Beaucoup de jeunes filles, se souvenant de leurs méchancetés, auraient trouvé là l'occasion de se venger, mais le cœur de Cendrillon était généreux et elle ignorait la rancune.
« Ne voulez-vous pas de ces délicieuses oranges ? » leur disait-elle lorsqu'un laquais lui présentait un fruit, et toutes les fois qu'une friandise lui était offerte, elle insistait pour la partager avec ses sœurs.
Après le banquet, les danses recommencèrent. Le Prince, qui avait oublié de souper tant il était occupé à considérer la beauté de Cendrillon, renouvela ses assiduités auprès d'elle. Cendrillon était si heureuse que les heures passaient comme des minutes et qu'elle ne s'apercevait pas que la nuit s'avançait. Soudain, elle entendit une horloge qui sonnait onze heures trois quarts, et elle se souvint de la promesse faite à sa marraine. Elle se leva aussitôt, et, faisant une profonde révérence à toute la compagnie, elle annonça au Prince qu'elle devait partir. Il insista pour qu'elle restât une heure encore, cinq minutes, mais elle ne céda pas et, dégringolant les escaliers, elle sauta dans son carrosse qui l'attendait et donna l'ordre du départ. La voiture partit ; les chevaux qui galopaient comme le vent arrivèrent à la maison juste au moment où le premier coup de minuit sonnait.
Aussitôt le carrosse s'évanouit et il ne resta sur les dalles de la cour que l'écorce de la citrouille ; le cocher aux beaux favoris redevint le gros rat, les chevaux se changèrent en souris et les laquais en lézards. Les petites bêtes s'enfuirent dans toutes les directions et l'on ne vit même plus le moindre bout de queue. Cendrillon se retrouva dans sa cuisine avec sa vieille robe en loques.

Répondre à ces dix questions[modifier | modifier le wikicode]

  1. Quel est le rôle d'un huissier?
  2. Cendrillon prend l'initiative de garder son nom secret. Dans l'épisode précédent, à quel moment a-t-elle pris une initiative ?
  3. À quoi sert un chambellan dans une cour royale ?
  4. Plus belle que... appelle un adjectif ; si vaste que... et si brillant que... appellent une _______________ ?
  5. Pourquoi le Prince est-il persuadé que Cendrillon est une aristocrate ?
  6. Affabilité est un mot obsolète qui décrit quel comportement ?
  7. Faire tapisserie est une expression qui veut dire ?
  8. Compatissant est une qualité qui signifie ?
  9. Qu'est-ce qu'une hure de sanglier ?
  10. Assiduités est un mot dérivé de quel adjectif ?

Réponses[modifier | modifier le wikicode]