Recherche:Sur l’extension des genres grammaticaux en français/Remarques sur d’autres formes lexicales balbutiantes

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Cette section rend compte et expose de réflexions autours d’approche qui ont émergé contemporainement à la rédaction de ce projet, sans que ces pratiques aient été intégrés dans les propositions qui y sont soutenues.

Les abréviations conglomérantes[modifier | modifier le wikicode]

Une des approches en vogue dans les communications écrites est d'employer le point médian (·) pour mixer des morphes suffixaux, par exemple en employant le terme auteur·ice[1]. Cette pratique si elle relativement récente avec ce signe typographique repose sur le même mécanisme usé de longue date mais qui lui préférait la barre oblique (/) avec ou sans parenthèses. Il était notamment déjà largement courant dans les annonces d'emploi pour rendre compte du fait qu'un poste était à pourvoir en stipulant de manière concise l'ouverture des candidatures indifféremment aux types gonadiques, par exemple conducteur/trice[2]. Les promotaires du point médian y voit un signe plus propice à porter une valeur axiologique d'égalité entre les humains, là où dans leur perspective les parenthèses sont appréhendées en tant que symbole de mise au rebut au rang de sujet secondaire, et la barre oblique comme stigmate de scission, confer son emploi en arithmétique comme opérateur de la division[3]. Cependant cette approche à plusieurs défaillances par rapport au but annoncé d'écriture inclusive et égalitaire.

Tout d'abord, d'un point de vue purement pragmatique elle est difficile d'emploi tant pour sa rédaction que sa lecture. Pour commencer le point médian n'est pas forcément facile d'accès sur les périphériques de saisie des locutaires francophones. Et quand bien même les personnes peuvent le saisir, tout comme c'était déjà le cas avec la barre oblique et les parenthèses, il n'y a pas de forme consensuelle pour rendre ces termes et la segmentation qu'ils exigent, si bien que conducteur·rice[4], conducteur·trice, conducteur.trice[5], ne font que s'ajouter à côté de conducteur(trice)[6], conducteur(trice)[7], conducteur trice[8], conducteur /trice[9], conducteur conductrice (F/H)[10]. Dans tous les cas l'idée est donc plutôt de rendre une abréviation, donc à lire comme conducteur conductrice, ce qui n'est pas nécessairement su et respecter de tout à chacun. En outre, comme le montre l'exemple sus-cité, même quand le titre du poste est exprimé par un binôme en toutes lettres, l'usage d'une abréviation dans son sillage parvient à générer un imbroglio avec la mention des initiales de femme et homme, ici en discordance avec la séquence suggérée par conducteur conductrice.

Tous ces problèmes de forme restent cependant probablement minimes pour les locutaires médians. Ils sont en revanche vraisemblablement plus problématiques pour les personnes dyslexiques ou celles qui recourent à un synthétiseur vocal pour retranscrire oralement des textes. Cela entraîne aussi une difficulté nettement accrue pour les lexicographes qui souhaiteraient couvrir toutes les variantes d'un mot de manière exhaustive, et pour toute personne souhaitant recherche les entrées pertinentes dans un dictionnaire. À cela s'ajoute le parti pris de considérer que l'égalité devrait s'obtenir par amalgame de binômes suffixaux qui devraient de surcroît systématiquement être considérés comme pouvant exclusivement désigner quelque individu femelle ou mâle. Il est trivial de mettre en évidence que ces présomptions sont impuissantes à rendre compte de certains usages ordinaires de la langue, en effet un conducteur peut tout à fait désigner une femme[11]. De plus, cela exclu implicitement toute personne pour qui cette dichotomie sexuelle est inapte à exprimer leur genre ou qui le considère explétif.

Sans mettre en doute la légitimité des sujets qui ont suscité sa proposition, sa promotion et son adoption, il serait trompeur de prétendre que l'emploi du point médian représente une solution pertinente aux problèmes qu'il tente de résoudre : loin de se montrer fidèle à l'étendard de l'inclusivité sous lequel il est généralement présenté, il se révèle être un outil qui accentue insidieusement une partition binaire du genre social ségréguant tout autre forme ontologique au néant, détériore l'accessibilité des documents et donc celle de la vie des personnes pour qui elle est indispensable, le tout couplé à une disparité de graphies qui dessert l'alliance des diversités en la noyant dans une division de variétés superficielles. Aussi il sera judicieux de recommander à toute personne ayant à cœur de favoriser l'accessibilité, la diversité et l'inclusion d'éviter l'emploi de ces formes abrégées, que ce soit par l'usage de point médian, de barre oblique ou de parenthèse.

Suggestivité des alternances[modifier | modifier le wikicode]

Si la conglomération aléatoire des suffixes existant ne représente pas une approche jugée assez probante dans la perspective adoptée dans le cadre de cette recherche, elle a au moins le mérite de mettre en exergue un déficit des alternances allusives existantes.

En effet certains suffixes connaissent des traits sémantiques dont l'actualité est totalement dépendante du contexte d'énonciation et même plus précisément du sens spécifique que souhaite faire passer le locutaire dans ce contexte précis. Ainsi les termes qui finissent -esse et -[t]rice ont le potentiel pour évoquer le trait femelle ou féminin, tandis que -eur suggère d'avantage le trait mâle ou masculin. La modularité de la prégnance de ces traits se manifeste plus clairement dans des termes épicènes comme banneresse, biesse, patrice[12][13][14], poturice, antichasseur et souffre-douleur, et elle a bien sûr cours dans tous les désignatifs personnels. Il convient cependant de noter que l'intensité de la prégnance de ces traits n'est pas égale entre tous les termes, ni même entre tous les suffixes. Ceci est possiblement lié à la fréquence d'emploi divergent de ces formes dans des contextes connotatifs différents voir confrontatifs. Quelle qu'en soit l'origine, il est clair par exemple qu'en l'état de la langue le suffixe -eur aura généralement une connotation de trait généricité pansexuelle plus prégnante par exemple que -esse. Au point d'ailleurs que le trait mâle ou masculin se trouve largement éludé de ce suffixe -eur, là où un suffixe comme -esse maintien en revanche assurément une prégnance prédominante du trait femelle ou féminin.

C'est pourquoi il paraît ici utile de fournir des alternatives d'alternances allusives :

  • un pendant pour le trait mâle ou masculin aux formes qui comme la terminaison -esse suggère prépondérément une allusion à un genre sexué spécifique, ce que -eur se révèle impuissant à faire ;
  • un pendant aux formes qui comme la terminaison -eur suggère prépondérément une allusion à une perspective pansexuée, ce que les formes comme -esse se révèlent impuissantes à faire du fait de la prégnance prédominante du trait femelle ou féminin.

Pour le premier c'est -eurde qui est suggéré ici. Outre le fait qu'il soit évite toute collision avec des termes existant, tout au moins dans le corpus considéré, il est homophone à la terminaison de nerd, dont le stéréotype est prépondérement masculin sans lui être pleinement exclusif.

Pour le second c'est -eurse qui est suggéré ici. Outre une queurse qui désigne une pierre ou un couteau, il n'entre en collision avec aucun vocable. Il est homophone à la terminaison de nurse, qui se graphie d'ailleurs aussi parfois neurse[15][16] et dont le stéréotype est prépondérement féminin sans lui être pleinement exclusif[17][18][19][20][21][22][23][24][25][26].

De façon tout à fait fortuite, tant nerd que nurse qui sont donnés comme point de comparaison phonétique sont des emprunts monosyllabiques à l'anglais commençant par n-, ce qui peut potentiellement servir comme moyen mnémotechnique

Ainsi pourra s’employer un conducteurde comme pendant à une conductrice et une conducteurse comme pendant de un conducteur, en plus de l'isonèphe conductaire.


Notes[modifier | modifier le wikicode]


Références[modifier | modifier le wikicode]

  1. « Droit d’auteur·ice et pratiques collaboratives : comment s’émanciper de la figure conservatrice de l’artiste solitaire – Emmanuel Simon », sur Documents d’artistes Occitanie (consulté le 13 mai 2024)
  2. « offres d'emplois en Interim, annonce emploi à () recrutement CONDUCTEUR /TRICE DE LIGNE POLYVALENT(E) », sur www.arveinterim.fr (consulté le 13 mai 2024)
  3. Bruno, « Pourquoi utilise-t-on le point milieu dans l'écriture inclusive ? », sur Le Conjugueur Blog, (consulté le 13 mai 2024)
  4. « Conducteur·rice chez Transdev », sur Transdev, the mobility company (consulté le 13 mai 2024)
  5. « Recherche emploi | Apec », sur www.apec.fr (consulté le 13 mai 2024)
  6. « Offres d'emploi Conducteur de bus ou d'autocar - Logistique et transport | France Travail », sur candidat.francetravail.fr (consulté le 13 mai 2024)
  7. « Offres d'emploi Conducteur receveur - Logistique et transport | France Travail », sur candidat.francetravail.fr (consulté le 13 mai 2024)
  8. « Recherche emploi | Apec », sur www.apec.fr (consulté le 13 mai 2024)
  9. « offres d'emplois en Interim, annonce emploi à () recrutement CONDUCTEUR /TRICE DE LIGNE POLYVALENT(E) », sur www.arveinterim.fr (consulté le 13 mai 2024)
  10. « - Recherche d'offres d'emploi », sur travaillerpourparis.offres.paris.fr (consulté le 13 mai 2024)
  11. Camille, « Assurer la sécurité des passagers dans le véhicule - Code de la route », sur Permisécole, (consulté le 13 mai 2024)
  12. Livy, Les concions et harengues de Tite Live, nouvellement traduictes en François [by I. de Amelin]. MS. notes, M. de Vascosan, 1554 [lire en ligne] 
  13. Fanny Nusbaum, L'art de l'excellence, Alisio, 2023-05-10 (ISBN 978-2-37935-375-8) [lire en ligne] 
  14. Odile Weulersse, La Poussière et la Pourpre, Univers Poche, 2015-04-16 (ISBN 978-2-8238-2123-9) [lire en ligne] 
  15. Christophe Debout, « Nursing (soins infirmiers) », dans Les concepts en sciences infirmières, Association de Recherche en Soins Infirmiers, coll. « Hors collection », (ISBN 978-2-9533311-3-4, DOI 10.3917/arsi.forma.2012.01.0222, lire en ligne), p. 222–226
  16. Narcisse-Eutrope Dionne, « Le Parler populaire des Canadiens français », dans {{Chapitre}} : paramètre titre ouvrage manquant, Laflamme & Proulx, (lire en ligne), p. 457–465
  17. « Épisode Une amitié particulière S02E19 - The Nanny Saison 2 » : « Grace a un nouvel ami, dont la nurse est un homme, Kurt. »
  18. (en) « Les infirmiers - Nursing the Future », sur nursingthefuture.ca, (consulté le 14 mai 2024)
  19. Bernard Roy, Dave Holmes et Vincent Chouinard, « Contribution à une éthique de la sollicitude - Masculinités et genre dans la profession infirmière: », Recherche en soins infirmiers, vol. N° 107, no  4, 2011-12-01, p. 38–48 (ISSN 0297-2964) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2024-05-14)]
  20. « La série THE NURSE, analysée par un NURSE » (consulté le 14 mai 2024)
  21. « Cherchez le nurse (1981) | Adulte » (consulté le 14 mai 2024)
  22. (en) Miles Kington, Let's parler Franglais again!, Canelo, 2015-12-07 (ISBN 978-1-910859-11-7) [lire en ligne] 
  23. Stéphane Collaro, Le Petit Collaro, FeniXX, 1988-01-01 (ISBN 978-2-402-63781-7) [lire en ligne] 
  24. Patricia Niedzwiecki, Au féminin!: code de féminisation à l'usage de la francophonie, la Manutention, 1994 (ISBN 978-2-7078-1178-3) [lire en ligne] 
  25. Gérard Périot, Dans la nuit des grands arbres: à 19 ans, seul, au coeur du Libéria interdit, Plon, 1959 [lire en ligne] 
  26. Dictionnaire féminin-masculin des professions, des titres et des fonctions, Métropolis, 1991 (ISBN 978-2-88340-012-2) [lire en ligne]