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FRA3826/EDN6001-ProjetEditionNumerique-L'Arithmétique de Jordanus de Nemore, compilation retravaillée de manuels d'arithmétique de l'Antiquité

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ProjetEditionNumerique

L’Arithmétique de Jordanus de Nemore, une compilation retravaillée de manuels d’arithmétique de l’Antiquité
Nadiejda Tamitegama
17/12/2021
Université de Montréal
fr
Résumé : Ce projet a pour objectif d'analyser la structure et l’originalité de l’Arithmétique de Jordanus de Nemore à partir d’une visualisation des liens entre cette oeuvre et ses textes-sources.
Mots-clefs : édition numérique, arithmétique, philologie, analyse de corpus textuels



Corpus : De elementis aritmetica artis par Jordanus de Nemore en 13ème siècle
Outil : TXM par IHRIM, ELLIADD (2007)
philologie numérique
mise à jour en : juin 2020


Ceci est la page du projet d'édition numérique L'Arithmétique de Jordanus de Nemore, compilation retravaillée de manuels d'arithmétique de l'Antiquité, conçu par Nadiejda Tamitegama dans le cadre du cours FRA3826/EDN6001 Théories de l'édition numérique.

Présentation du corpus

Page de l'Arithmétique de Jordanus, édition de Lefèvre d'Étaples

Le texte principal de notre corpus est le De elementis arithmetice artis de Jordanus de Nemore, sous la forme de l’édition critique publiée par Busard en 1991. Il sera étudié aux côtés des Livres VII-IX des Éléments d’Euclide (Adelard II) et du De institutione arithmetica de Boèce, puis comparé aux livres VII-IX de l’édition des Éléments de Campanus de Novare.

Le De elementis arithmetice artis de Jordanus de Nemore est un traité d’arithmétique du XIIIème siècle qui a été utilisé comme manuel d’arithmétique dans un nombre d’universités européennes jusqu’au XVIème siècle. Ce texte vise à fournir une base théorique complète et solide de l’arithmétique connue à l’époque de son auteur, construite à partir des livres arithmétiques des Éléments d’Euclide et du De institutione arithmetica de Boèce. Il est organisé selon le modèle de rigeur mathématique établi par Euclide dans les Éléments, c’est à dire que chaque livre commence par des définitions, axiomes et postulats à partir desquels toutes les propositions se déduisent. La manière dont Jordanus manie ses sources résulte en un travail original dépassant la simple compilation de textes arithmétiques puisqu’il présente dans un nouvel ordre les propositions qu’il tire de ses sources, retravaille les preuves présentées et rajoute ses propres propositions pour combler les lacunes d’Euclide et de Boèce.

Sa relation avec l’édition des Éléments de Campanus de Novare est encore à élucider car bien que ces deux textes soient très proches, nous n’avons aucune information sur la vie de Jordanus de Nemore donc son arithmétique aurait aussi bien pu précéder le traité de Campanus qu’en être inspiré.

Problématiques éditoriales

Ce projet vise à mettre en évidence les liens entre des textes sources et leur compilation réarrangée et augmentée afin de permettre l’analyse de la structure et de l’originalité du texte résultant. Ces résultats pourront ensuite servir de base pour déterminer s'il existe une relation de parenté entre le traité de Jordanus de Nemore et les livres arithmétiques de l'édition des Éléments de Campanus de Novare et si oui, à identifier l'ouvrage dérivatif. Enfin, il aura pour effet de montrer quelles sont les sections du De institutione arithmetica artis qui ont été rédigées par Jordanus sans aucune influence extérieure, ce qui sera utilisé pour déterminer si Jordanus maîtrisait les notions d'arithmétique présentées dans ce livre ou s'il n'était qu'un simple compilateur sans connaissances mathématiques.

Projet d'édition numérique

Objectifs

L'objectif principal de ce projet est de créer une visualisation des sections similaires des ouvrages du corpus sous la forme d'une édition numérique interactive. Nous produirons ainsi une version augmentée de l'édition critique de Busard (1991) dans laquelle chaque proposition sera accompagnée par les images et transcriptions des propositions équivalentes dans les autres manuscrits de notre corpus. Elle sera accompagnée par diverses fonctionnalités d'analyse de texte donnant aux lecteurs les outils nécessaires pour réaliser leur propre étude.

Outil numérique

Nous utiliserons le logiciel de textométrie TXM (open-source et gratuit sous licence GNU GPL v3) conçu pour analyser les corpus de textes écrits et les corpus de textes parallèles, notamment sous la forme d’images de fac-similés comme les manuscrits médiévaux dont nous disposons. C'est un logiciel puissant utilisé autant en sciences humaines et sociales qu'en humanités numériques et qui intègre notamment un moteur statistique basé sur le logiciel libre « R » et un moteur de lemmatisation basé sur TreeTagger[1]. En effet, TXM nous permet de reconnaître les unités structurelles d'un corpus de textes, de construire une édition HTML pour chacune d'entre elles et de créer des rapports d'analyses de textes à partir de fonctionnalités hautement configurables pour un utilisateur informaticien expérimenté.

Méthodes

Notons que tous les textes en question ont été numérisés et peuvent être obtenus en format .PDF (images + transcription) ou .TXT (texte seulement) sauf le De elementis arithmetice artis. Dans un premier temps, il faudra donc numériser le De elementis arithmetice artis. Puis il sera nécessaire d'adapter les fichiers de scans des manuscrits du corpus obtenus en format .PDF aux formats d'import de corpus acceptés par TXM, c'est à dire en les convertissant en fichiers .XML (ou XML-TEI lorsque possible) et en associant les images de chaque page à leur transcription.

Nous nous servirons ensuite de TXM pour identifier les propositions du texte de Jordanus qui proviennent des autres ouvrages du corpus étudié. Nous découperons donc chaque texte de notre corpus selon leurs unités structurelles — leurs définitions, postulats, axiomes et propositions. Puis pour chaque unité structurelle présente dans le De elementis arithmetice artis, nous créerons un sous-corpus dans lequel elles sont alignées avec les unités structurelles leur correspondant dans les textes-sources de notre corpus. Le résultat mettra en valeur les variations dans chaque unité structurelle, ce qui nous permettra d’évaluer à quel point Jordanus reste fidèle à ses sources et de comparer les preuves présentées par chaque auteur.

Enfin, nous appliquerons les fonctionnalités d’analyse lexicale et de visualisations graphiques de TXM aux termes latins désignant les notions mathématiques présentées à travers le De elementis arithmetice artis pour mettre en évidence la structure logique de ce texte. De la même manière, nous identifierons quelles sont les propositions référencées dans les preuves des propositions suivantes et nous présenterons ces résultats sous la forme d'arbres représentant la structure déductive de ce texte, puis la structure déductive de chacun des dix livres de l'ouvrage.

Réalisation

Résultats attendus

Nous aurons construit à l'aide du logiciel TXM une édition numérique inédite du De elementis arithmetice artis qui place les unités structurelles du texte vis à vis de celles dont elles sont inspirées, mettant ainsi en valeur le travail de compilation de Jordanus.

Puisque l'outil numérique en question est un outil spécialisé, il est particulièrement compliqué à utiliser et nous aurons besoin d'une période d'apprentissage avant de pouvoir avancer le projet de manière régulière. Il nous faudra donc compter 6-10 mois afin d'adapter les textes sources au logiciel TXM et construire un prototype d'édition numérique satisfaisant, à partir de quoi nous pourrons commencer à rajouter des fonctionnalités adaptées à l'étude de nos problématiques.

Perspectives

Ce projet aura donc produit un outil adapté à l'étude des problématiques présentées ci-dessus. Cet outil aura surtout l'avantage d'être réutilisable puisqu'il pourra servir de support, sinon de prototype, dans des projets similaires d'analyse de textes de compilation ou dans d'autres projets portant sur l'arithmétique de Jordanus. Ainsi, cette édition numérique pourra servir de support à une comparaison entre les propositions du De elementis arithmetice artis et celles de l'édition des Éléments de Campanus de Novare pour établir une parenté entre ces deux ouvrages, ou encore à comparer les manuscrits de Jordanus à l'édition imprimée en 1496 qu'en fait Lefèvre d'Étaples, conservant les énoncés des propositions et remplaçant les preuves de Jordanus par les siennes.

De même, elle pourra servir de base à la production de la première traduction française du texte de Jordanus ou être adaptée à la production d'une édition critique moderne avec un simple rajout des transcriptions des divers manuscrits afin d'avoir accès à toutes les variations enregistrées des éléments du texte, ce qui permettrait aussi de produire une classification en familles des manuscrits du De elementis arithmetice artis. Enfin, il serait tout aussi intéressant d'étudier la diffusion de l'Arithmétique de Jordanus en comparant son texte aux ouvrages et manuels d'arithmétique publiés jusqu'à la Renaissance, afin d'identifier des passages similaires et d'établir une sorte de complément à la tradition manuscrite et l'histoire du texte.

État de l'art

Ce projet a été inspiré par les travaux d'édition numérique interactive suivants dont il partage certaines caractéristiques:

  • l'édition numérique du Queste del saint Graal[2] publiée par la Base de Français Médiéval,
  • le projet Manuscrits de Stendhal[3] de la base CLELIA,
  • et le projet Renan Source[4] du Groupe Renan de l'ITEM.

En effet, ces projets abordent la question de production d'éditions numériques de trois façons différentes. Tandis que le projet Manuscrits de Stendhal met aussi en valeur les emprunts que Stendhal fait à ses sources et propose une mise en ligne de ses manuscrits, l'attrait principal du projet se trouve dans l'utilisation de la base documentaire CLELIA et des fonctionnalités y étant intégrées[5], développées spécifiquement pour faciliter l'étude des textes de Stendhal. Quant à l'édition numérique du Queste del saint Graal, elle permet à ses lecteurs de consulter trois versions du texte ("courante", "diplomatique" et "facsimilaire", classées en fonction de leur proximité avec le manuscrit original) tout en ayant accès à une traduction française moderne et aux photographies du manuscrit. Enfin, le projet Renan Source tente de construire une édition en fac-similé de plusieurs manuscrits d'Ernest Renan à partir de quoi une édition critique et une édition génétique de trois de ces manuscrits (Ernest & Béatrix, Patrice, Notes d'Italie) seront produites. Le choix d'outils d'édition numérique a manifestement été effectué dans l'optique de garder ouverte la possibilité de rajouter des éléments et des sources au corpus étudié et afin d'établir et de visualiser par la suite les liens entre les trois éditions d'un même texte.

Sources

BOÈCE, Institution arithmétique, Trad. Jean-Yves Guillaumin, Paris, Les Belles lettres, 2002, v, 252 p., (« Collection des universités de France », 0184-7155). 2

BOÈCE, De Institutione Arithmetica. Smithsonian Institution Transcription Center, Smithsonian Libraries. [En ligne: https://transcription.si.edu/project/7275]. Consulté le 15 décembre 2021.

BUSARD, H. L. L, Jordanus de Nemore, De elementis arithmetice artis : a medieval treatise on number theory, Stuttgart, F. Steiner, 1991.

BUSARD, H. L. L et FOLKERTS, Menso, Robert of Chester’s Redaction of Euclid’s Elements, the so-called Adelard II Version : Volume II, Basel, Birkhäuser Basel : Imprint : Birkhäuser, 1992, [En ligne : https://doi.org/10.1007/978-3-0348-8604-8].

BUSARD, Hubert L. L, Campanus of Novara and Euclid’s ”Elements”, Stuttgart, Steiner, 2005, [En ligne : http://mlat.uzh.ch/?c=23&w=CamIoh.EucElem].

« In hoc opere contenta. Jordani Nemorarii arithmetica, decem libris demonstrata (cum demonstrationibus Jacobi Fabri Stapul.). Jacobi Fabri Stapulensis musica, libris quatuor demonstrata. Ejusdem epitome in libros arithmeticos divi Severini Boethii. Ejusdem rithmimachie ludus, qui et pugna numerorum appellatur » [En ligne : https://commulysse.angers.fr/ark:/54380/a011590840534Te5BBE]. Consulté le 20 novembre 2021.

HEIDEN, Serge. Manuel de TXM. Version 0.8. ENS de Lyon. Avril 2020. [En ligne : https://txm.gitpages.huma-num.fr/textometrie/files/documentation/Manuel%20de%20TXM%200.7%20FR.pdf]. Consulté le 15 décembre 2021.

HEIDEN Serge, MAGUÉ Jean-Philippe, & PINCEMIN Bénédicte. (2010). TXM : Une plateforme logicielle open-source pour la textométrie – conception et développement. In JADT 2010 : 10th International Conference on the Statistical Analysis of Textual Data (pp. 12 p.). Rome, Italie. Retrieved from http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/54/97/79/PDF/Heiden_al_jadt2010.pdf

Notes et références

  1. « TXM », dans Wikipédia, (lire en ligne)
  2. « Portail BFM », sur portal.textometrie.org (consulté le 18 décembre 2021)
  3. « Les manuscrits de Stendhal en ligne », sur stendhal.demarre-shs.fr (consulté le 17 décembre 2021)
  4. « Item – Projet « Renan Source ». Une édition numérique des manuscrits d’Ernest Renan » (consulté le 17 décembre 2021)
  5. Cécile Meynard, « Réflexions sur la complémentarité des éditions numérique et papier », Recherches & Travaux, no  72, 2008-06-15, p. 171–184 (ISSN 0151-1874) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2021-12-18)]