Théorie des groupes/Groupes commutatifs finis, 1

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Groupes commutatifs finis, 1
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Chapitre no 20
Leçon : Théorie des groupes
Chap. préc. :Groupes nilpotents
Chap. suiv. :Groupes commutatifs finis, 2

Exercices :

Groupes commutatifs finis, 1
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Théorie des groupes/Groupes commutatifs finis, 1
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Dans tout ce chapitre, les groupes commutatifs seront notés additivement. L'élément neutre sera donc noté 0; le symétrique d'un élément x sera noté - x et appelé l'opposé de x; enfin, n étant un entier rationnel, on écrira nx au lieu de xn.

Ordre d'un composé d'éléments et ordre d'un composé de sous-groupes dans un groupe commutatif fini[modifier | modifier le wikicode]

Début d'un lemme
Fin du lemme

Démonstration. Vu l'associativité du ppcm, il suffit de le démontrer dans le cas n = 2, le cas général s'en déduisant par récurrence sur n. Pour le cas n = 2, voir un problème de la série Groupes monogènes, ordre d'un élément.

Soit G un groupe. Le sous-groupe de G engendré par une famille de sous-groupes de G est parfois appelé le composé de ces sous-groupes. Nous adopterons cette expression, qui rend les expressions un peu moins lourdes.

Début d'un lemme
Fin du lemme

Démonstration. Comme tout sous-groupe d'un groupe commutatif est distingué, c’est un cas particulier d'un théorème démontré pour les sous-groupes distingués. On peut évidemment le démontrer sans utiliser la notion de sous-groupe distingué. (Laissé au lecteur.)

Début d'un lemme
Fin du lemme

Démonstration. Ici encore, c’est un cas particulier d'un théorème relatif aux sous-groupes distingués, mais nous allons le démontrer sans utiliser la notion de sous-groupe distingué. Il suffit de démontrer l'énoncé dans le cas n = 2, le cas général s'en déduisant par récurrence sur n. Soient donc H1 et H2 deux sous-groupes de G; il s'agit de prouver que l’ordre du composé de H1 et H2 divise . D'après le précédent lemme, le composé de H1 et H2 est l’ensemble H1 H2 et d’après la formule du produit (démontrée au chapitre Produit de groupes), le cardinal de cet ensemble divise .

Théorème de Cauchy[modifier | modifier le wikicode]

Pour rendre ce chapitre aussi autonome que possible, on va démontrer le théorème de Cauchy pour les groupes commutatifs par une méthode qui ne fait intervenir ni les théorèmes de Sylow ni les opérations d'un groupe sur un ensemble.

Début d’un théorème
Fin du théorème

Démonstration. Soient x1, ..., xn les éléments de G. Pour chaque i, désignons par <xi> le sous-groupe de G engendré par xi. Il est clair que G est égal à l’ensemble <x1> ... <xn>. D'après le lemme précédent, il en résulte que l’ordre de G divise . Puisque p divise l’ordre de G, p divise donc l’ordre d'au moins un <xi>, ce qui revient à dire que p divise l’ordre d'un élément x de G. Soit rp l’ordre de x, avec r naturel. Alors rx est d'ordre p, ce qui prouve l'énoncé.

Composantes primaires d'un groupe commutatif fini[modifier | modifier le wikicode]

Soient G un groupe commutatif fini et p un nombre premier. Il résulte du théorème de Cauchy que les deux conditions suivantes sont équivalentes :
1° l’ordre de G est une puissance de p;
2° tout élément de G a pour ordre une puissance de p.

Remarque. Il est clair qu'un groupe fini est p-primaire si et seulement si c’est un p-groupe commutatif. Quand on traite de groupes commutatifs, on préfère parler de groupes p-primaires plutôt que de p-groupes.

Soient G un groupe commutatif fini et p un nombre premier. Puisque G est commutatif, tous ses sous-groupes sont distingués. Il en résulte que G admet un seul p-sous-groupe de Sylow, soit P. Puisque tout p-sous-groupe de G est contenu dans un p-sous-groupe de Sylow de G, il est clair que P est l’ensemble des éléments de G dont l’ordre est une puissance de p. Donc, si G est un groupe commutatif fini et p un nombre premier, l’ensemble des éléments de G dont l’ordre est puissance de p est un sous-groupe de G. On rendra cependant le présent chapitre indépendant de la théorie des sous-groupes de Sylow, car on peut le faire à très peu de frais et les théorèmes sur la structure des groupes commutatifs finis (ainsi que certaines de leurs généralisations immédiates) sont utilisés dans des domaines où la notion de sous-groupe de Sylow n'intervient pas.

Début d’un théorème
Fin du théorème

Démonstration (indépendante de la théorie des sous-groupes de Sylow) : voir exercices.

Si G est un groupe commutatif fini et p un nombre premier, le sous-groupe de G formé par les éléments ayant pour ordre une puissance de p est évidemment p-primaire.


Le théorème qui suit explique cette dénomination.

Début d’un théorème
Fin du théorème

Démonstration. C'est un cas particulier d'un théorème que nous avons démontré pour les groupes nilpotents finis, mais, pour rendre ce chapitre aussi autonome que possible, nous allons donner une démonstration indépendante de la théorie des groupes nilpotents. Soit G un groupe commutatif fini, soit n son ordre, soient p1, ..., pr les différents facteurs premiers de n. Pour chaque i ( 1 ≤ i ≤ n ), désignons par

la composante pi-primaire de G.
Il s'agit de prouver que G est la somme directe

C'est banal si G est réduit à l'élément neutre. Nous supposerons donc qu’il ne l'est pas, d'où r ≥ 1.
Commençons par prouver que tout élément x de G peut s'écrire

avec

pour tout i.
Soit

la décomposition de n en facteurs premiers.
Pour chaque i, posons

Les ni sont premiers entre eux dans leur ensemble. En effet, puisque nous supposons r ≥ 1, un facteur premier commun à tous les ni diviserait au moins un ni, donc diviserait n, donc serait égal à un pj. Mais pj ne divise pas nj, donc les ni sont premiers entre eux dans leur ensemble comme annoncé. D'après le théorème de Bézout, il existe donc des entiers rationnels c1, ... , cr tels que

d'où

Pour chaque i, ci ni x appartient à , car : La relation (2) prouve donc notre thèse (1).
Prouvons maintenant que la décomposition (1) de x en somme d'éléments des composantes primaires de G est unique. Il revient au même de prouver que si

avec

pour tout i, alors

Pour tout indice j, la relation (3) peut s'écrire

.

Chaque terme - xi du second membre a pour ordre une puissance de pi et est donc d'ordre premier avec pj. D'après un précédent lemme, il en résulte que l’ordre du second membre, et donc aussi l’ordre du premier membre, est premier avec pj. Puisque le premier membre est égal à xj et a donc pour ordre une puissance de pj, l’ordre de xj est à la fois puissance de pj et premier avec pj, donc est égal à 1, donc xj = 0. Ceci étant démontré pour tout indice j, notre thèse (4) est démontrée.

Démonstration. C'est banal si p ne divise pas l’ordre de G, donc nous supposerons qu’il le divise. Soient n l’ordre de G, soient p1, ... , ps les différents facteurs premiers de n et, pour chaque i, soit la plus grande puissance de pi qui divise n. Donc

.

D'autre part, l’ordre de la composante pi-primaire de G est de la forme , d'où, d’après le théorème précédent,

.

La comparaison de (1) et (2) montre que fi = ei pour tout i. Comme p est un des pi, ceci démontre l'énoncé.

Démonstration. Soit la décomposition de a en facteurs premiers, soit celle de b. Puisque a et b sont premiers entre eux, la décomposition de ab en facteurs premiers est . Donc G est somme directe , où, pour chaque i, Hi est d'ordre et où, pour chaque j, Kj est d'ordre . Posons et . Alors A est d'ordre a, B est d'ordre b et G est somme directe de A et de B, ce qui prouve l'énoncé.
Remarque. Sous les hypothèses du corollaire 2, G admet un et un seul sous-groupe d'ordre a, qui est l’ensemble des x tels que ax = 0. Voir les exercices.

Les groupes commutatifs d'exposant premier comme espaces vectoriels[modifier | modifier le wikicode]

Dans cette section, on va utiliser, en les supposant connues du lecteur, les notions les plus classiques sur les espaces vectoriels (bases, dimension). Ces notions et propriétés interviendront encore dans la suite du chapitre.

S'il existe un nombre naturel non nul n tel que le groupe G soit d'exposant n (ce qui est forcément le cas si G est fini, car alors l'ordre de G convient comme nombre n), il existe un plus petit nombre naturel non nul, soit n0, possédant cette propriété. On montre facilement que n0 divise tout nombre naturel n tel que G soit d'exposant n.


Soit G un groupe. S'il n'existe pas de nombre naturel non nul n tel que le groupe G soit d'exposant n (ce qui entraîne que G est infini), on définit l'exposant de G comme égal à ∞ (l'infini). (Cela n'importe guère dans le présent chapitre, où tous les groupes considérés sont finis.)

Remarque. Certains auteurs[1] usent d'une autre terminologie. Pour eux, dire que G est d'exposant n revient à dire que n est l'exposant de G.

Début d’un théorème
Fin du théorème

Démonstration. Par hypothèse, nous avons p x = 0 pour tout élément x de G. Si r et s sont deux entiers rationnels congrus entre eux modulo p, il est clair que r x = s x. On en tire facilement qu’il existe une (et une seule) application de Z/pZ × G dans G qui, pour tout entier rationnel r et tout élément x de G, applique (r + pZ, x) sur r x. Comme on le vérifie, on munit ainsi G d'une structure d'espace vectoriel sur le corps Fp = Z/pZ, pour laquelle l'addition des vecteurs est la loi de groupe de G. (Pour la structure de corps de Z/pZ, voir le chapitre Sous-groupes de Z, divisibilité dans N et dans Z.) Cette structure est unique car si * est la loi externe d'une telle structure d'espace vectoriel et si, de façon générale, [n] désigne la classe résiduelle de n modulo p, on doit avoir [1] * x = x pour tout x dans G, d'où, par récurrence sur n,

[n] * x = n x pour tout x dans G.

Comme tout espace vectoriel, l'espace vectoriel G ainsi défini admet une base, ce qui entraîne que le groupe additif de cet espace vectoriel, autrement dit le groupe additif G, est somme directe d'une famille de groupes isomorphes au groupe additif du corps Fp, autrement dit au groupe , ce qui achève la démonstration.

Remarques. 1° De façon générale, soit un groupe, soit un élément de ; notons l'homomorphisme de dans Si satisfait aux hypothèses du théorème qui précède, le sous-groupe de est contenu dans le noyau de , donc, d'après un énoncé que nous avons appelé « variante du premier théorème d'isomorphisme » (chapitre Sous-groupe distingué et groupe quotient), il existe un et un seul homomorphisme du groupe dans tel que, pour tout dans , Alors la loi externe et l'addition dans font de un espace vectoriel sur le corps . C'est une rédaction un peu plus « professionnelle » du début de la démonstration du théorème qui précède.

2° Le fait qu'un groupe abélien d'exposant premier p soit un espace vectoriel sur le corps à p éléments peut se mettre en rapport avec un fait plus général concernant les modules. On a vu au chapitre Groupes, premières notions qu'un groupe abélien G est (d'une et une seule manière) un ℤ-module. De façon générale, si A est un anneau et M un A-module à gauche, l'ensemble des éléments a de A tels que ax = 0 pour tout élément x de M est un idéal bilatère de A, appelé l'annulateur de M. Pour tout idéal bilatère J de A contenu dans l'annulateur de M, M se munit de façon évidente d'une structure de (A/J)-module[2]. Si on prend pour A l'anneau ℤ et pour M le ℤ-module G, le fait que G soit d'exposant p revient à dire que l'idéal pℤ de ℤ est contenu dans l'annulateur du ℤ-module G, donc G se munit d'une structure de (ℤ/pℤ)-module, autrement dit d'une structure de -espace vectoriel.

3° On peut ajouter que dans l'espace vectoriel G, comme dans tout espace vectoriel, toute famille libre peut être complétée en une base et deux bases ont toujours le même cardinal. On vérifie facilement que les sous-groupes de G sont exactement ses sous-Fp-espaces vectoriels.

Chez certains auteurs[3], un groupe G est dit abélien élémentaire s'il existe un nombre premier p tel que G soit un p-groupe abélien élémentaire. Si G est non nul, ce nombre premier est défini de façon unique.

Décomposition d'un groupe commutatif fini en somme directe de groupes cycliques[modifier | modifier le wikicode]

Voir aussi « Module sur un anneau/Module sur un anneau principal » (appliqué à l'anneau ), qui offre même une décomposition de tout groupe abélien de type fini.

Nous allons démontrer le théorème de Kronecker, selon lequel tout groupe commutatif fini est somme directe de sous-groupes cycliques. Puisque nous avons démontré que tout groupe commutatif fini est somme directe de ses composantes primaires, il suffira de prouver que si p est un nombre premier, tout groupe (commutatif) p-primaire est somme directe de sous-groupes cycliques.


Remarque. À l'intention du lecteur qui connaît la notion de module sur un anneau, notons que la condition ai xi = 0 n'entraîne pas forcément ai = 0, de sorte que l'indépendance qu'on vient de définir n’est pas équivalente à l'indépendance linéaire dans le Z-module G.

Début d'un lemme
Fin du lemme

Démonstration. Voir les exercices.

Début d'un lemme
Fin du lemme

Première démonstration. D'après le lemme qui précède, x1, ... , xn d'éléments de G est une famille linéairement indépendante dans le -espace vectoriel G. D'après la théorie des espaces vectoriels, cette famille peut être étendue en une base du -espace vectoriel G. Puisque G est fini, cette base est évidemment finie et convient pour la famille x1, ... , xn, y1, ... , yr de l'énoncé. (La possibilité d'étendre une partie libre d'un espace vectoriel en une base n'étant pas limitée aux espaces de dimension finie, on voit que l'énoncé reste vrai, mutatis mutandis, si on supprime l'hypothèse selon laquelle G est fini.)

Seconde démonstration. Voici une démonstration qui évite le langage des espaces vectoriels. Il y a au moins une famille indépendante d'éléments de G qui prolonge x1, ... , xn, à savoir cette famille elle-même. Nous pouvons donc considérer, parmi les familles indépendantes qui prolongent x1, ... , xn, une famille x1, ... , xn, ... , xt pour laquelle t est maximal. Prouvons que

Désignons par H le second membre et supposons que, par absurde, H ne soit pas G tout entier. Il existe donc un élément y de G qui n'appartient pas au sous-groupe H. Prouvons que . Il est clair que y n’est pas nul, donc, puisque G est d'exposant p, y est d'ordre p. Donc l'image de y dans G/H a pour ordre un diviseur de p (voir un problème de la série Groupes monogènes, ordre d'un élément). Puisque y n'appartient pas à H, l’ordre de son image dans G/H n’est pas égal à 1 et est donc égal à p. Il en résulte que si s est un entier rationnel tel que s y appartienne à H, alors s est divisible par p, donc s y = 0, ce qui montre que comme annoncé. Donc H <y> est somme directe de H et de <y>, donc <x1> ... <xt <y> est somme directe

autrement dit (puisque y n’est pas nul) la famille x1, ... , xt, y est indépendante, ce qui contredit la maximalité de t. Cette contradiction démontre l'énoncé.

Démonstration. D'après le lemme précédent, la famille vide d'éléments d'un tel groupe, qui est indépendante, peut être prolongée en une famille indépendante x1, ... , xn telle que

Début d'un lemme
Fin du lemme

Démonstration. Soient a1, ..., ar des entiers rationnels tels que

(1) a1 x1 + ... + ar xr = 0.

Il s'agit de prouver que

(2) ai xi = 0 pour tout i.

De la relation (1) résulte

p(a1 x1+ ... + ar xr) = 0,

ce qui peut s'écrire

a1 px1+ ... + ar pxr,

d'où, puisque la famille (px1, ..., pxr) est supposée indépendante,

ai pxi = 0 pour tout i.

Donc l’ordre de pxi divise ai. Si, pour un i, ai était non divisible par p, l’ordre de pxi serait donc non divisible par p. Puisque l’ordre de pxi (comme l’ordre de tout élément de G) est une puissance de p, l’ordre de pxi serait donc égal à 1, donc pxi serait nul, ce qui (par définition d'une famille indépendante) contredit l'hypothèse selon laquelle la famille (px1, ..., pxr) est indépendante.
Nous avons donc prouvé que, dans la relation (1), tous les ai sont divisibles par p. Posons ai = p bi, avec bi entier rationnel. La relation (1) s'écrit

b1 p x1 + ... + br p xr = 0,

d'où, puisque la famille (px1, ..., pxr) est supposée indépendante,

bi p xi = 0 pour tout i,

autrement dit

(2) ai xi = 0 pour tout i,

ce qui est notre thèse (2).

Début d'un lemme
Fin du lemme

Démonstration. Nous savons déjà, par hypothèse, que les ci xi sont non nuls. Il reste donc à prouver que si a1, ..., ar sont des entiers rationnels tels que a1 c1 x1 + ... + ar cr xr = 0, alors ai ci xi = 0 pour tout i. Cela résulte immédiatement du fait que les xi forment une famille indépendante.

Début d’un théorème
Fin du théorème

Démonstration. D'après un précédent théorème, tout groupe commutatif fini est somme directe de ses composantes primaires. Il suffit donc de prouver que pour tout nombre premier p, tout groupe p-primaire est somme directe de sous-groupes cycliques.
Soit G un groupe p-primaire. Il existe un nombre naturel n tel que G soit d'exposant pn, par exemple le nombre naturel n tel que G soit d'ordre pn. Notre thèse peut s'exprimer comme suit : tout groupe p-primaire d'exposant n est somme directe de sous-groupes cycliques. Nous allons prouver cet énoncé par récurrence sur n. C'est banal si n = 0 car alors G est réduit à l'élément neutre et est par exemple somme directe d'une famille vide de sous-groupes cycliques. Si n = 1, notre thèse est l'énoncé d'un lemme démontré ci-dessus. Supposons que n soit un nombre naturel ≥ 2 tel que notre thèse soit vraie pour tout groupe p-primaire d'exposant pn-1 et prouvons qu'elle est vraie pour tout groupe p-primaire d'exposant pn.

Soit donc G un groupe p-primaire d'exposant pn. Il s'agit de prouver que G est somme directe de sous-groupes cycliques. Désignons par l’ensemble des éléments de G de la forme p x avec x dans G, et par Gp l’ensemble des éléments x de G tels que p x = 0. Il est clair que p G est un groupe d'exposant n - 1 et Gp un groupe d'exposant p. Par hypothèse de récurrence, p G est somme directe de sous-groupes cycliques, donc il existe des éléments x1, ... , xr de G tels que

Nous pouvons évidemment choisir les xi de sorte que tous les p xi soient non nuls. La relation (1) montre alors que les p xi forment une famille indépendante d'éléments de G. D'après un précédent lemme, les xi forment eux aussi une famille indépendante. Donc le sous-groupe X de G engendré par les xi est somme directe des <xi> :

Pour chaque i, désignons par ci l’ordre de p xi. Prouvons que l’ordre de ci xi est égal à p. Nous avons

p ci xi = 0,

donc ci xi est d'ordre 1 ou p. S'il était d'ordre 1, c'est-à-dire s'il était nul, on aurait

D'autre part, puisque les p xi ont été choisis non nuls, les ci sont tous distincts de 1. Puisque tout élément de G a pour ordre une puissance de p, les ci sont donc tous divisibles par p. Posons ci = p c'i. La relation (2) peut s'écrire

avec 0 < c'i < ci, ce qui contredit le fait que p xi est d'ordre ci. Nous avons donc prouvé que, pour tout i, ci xi est d'ordre p, autrement dit que ci xi appartient à Gp et est non nul. D'après un précédent lemme, il en résulte que les ci xi forment une famille indépendante d'éléments de Gp (et donc une famille libre dans le Fp-espace vectoriel Gp). D'après un autre lemme démontré plus haut, cette famille peut être étendue en une famille indépendante qui engendre Gp (autrement dit en une base du Fp-espace vectoriel Gp). Choisissons une telle famille c1 x1, ... , cr xr, y1, ... , ys. Désignons par Y le sous-groupe de Gp engendré par les yj. Puisque les yj font partie d'une famille indépendante, ils forment eux-mêmes une famille indépendante, donc Y est somme directe des <yj> :

.

Prouvons que G est somme directe de X et de Y. Prouvons tout d’abord que Soit g un élément de Il s'agit de prouver que g est nul. Puisque g appartient à la fois à X et à Y, nous avons à la fois

et

Puisque g appartient à Y, qui est contenu dans Gp, p g = 0, donc

donc, puisque les p xi sont indépendants, ai p xi = 0 pour tout i. Puisque l’ordre de p xi est ci, il en résulte que, pour chaque i, ai est divisible par ci. Soit ai = a'i ci, où a'i est un nombre naturel. La relation (3) peut s'écrire

d'où, par comparaison avec (4)

Puisque la famille c1 x1, ... , cr xr, y1, ... , ys a été choisie indépendante, nous avons donc bj yj = 0 pour tout j, donc g = 0, ce qui prouve que Prouvons maintenant que X + Y = G. Soit g un élément de G. Il s'agit de prouver que g est somme d'un élément de X et d'un élément de Y. Puisque p g appartient à p G, il résulte de (1) qu’il existe une famille (ai) d'entiers rationnels telle que

On a alors

(5)

Puisque la famille famille c1 x1, ... , cr xr, y1, ... , ys engendre Gp, il résulte clairement de (5) que g appartient à X + Y, comme annoncé.

Début d’un théorème
Fin du théorème

Démonstration. Soient p1, ... , ps les différents facteurs premiers de l’ordre de G. Pour chaque i, désignons par Gi la composante pi-primaire de G. D'après des résultats précédents,

(1)

et chaque Gi est somme directe de groupes cycliques :

(2)

où, pour un i donné, chaque Ci, j est un sous-groupe pi-primaire de G. Étant donné un i, nous pouvons évidemment indexer les Ci, j de sorte que pour tout j tel que j < ri, l’ordre de Ci, j divise l’ordre de Ci, j + 1. De plus, quitte à ajouter des sous-groupes nuls au début de la décomposition de certains Gi, nous pouvons évidemment supposer que tous les ri ont une même valeur r. La relation (2) s'écrit alors

(3)

Pour tout j (1 ≤ j ≤ r), posons

(4)

De (1) et (3) résulte (compte tenu de l' « associativité » et de la « commutativité » de la somme interne)

(5)

D'après (4), chaque Hj est somme directe de groupes cycliques dont les ordres sont premiers entre eux deux à deux, donc chaque Hj est cyclique. De plus

(6)

Nous avons choisi les Ci,j de sorte que, si j < r, alors, pour chaque i, l’ordre de Ci,j divise l’ordre de Ci,j + 1. Il résulte donc de (6) que, si j < r, l’ordre de Hj divise l’ordre de Hj + 1. L'énoncé est donc démontré.


D'après le théorème précédent, tout groupe commutatif fini admet au moins une suite de facteurs invariants. Nous verrons plus loin que la suite de facteurs invariants d'un groupe commutatif fini donné est unique. Notons que les facteurs invariants sont les ordres de groupes non nuls, donc 1 ne figure jamais parmi les facteurs invariants.

Dans cette première partie du chapitre sur les groupes commutatifs finis, nous avons démontré des théorèmes d'existence relatifs à certains types de décompositions. Dans la seconde partie, nous démontrerons des théorèmes d'unicité relatifs à ces décompositions.

Notes et références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Par exemple W.R. Scott Ross, Group Theory, réimpr. Dover, 1987, p. 92. L'expression « l'exposant minimal » est conforme à J.J. Rotman, An Introduction to the Theory of Groups, 4e éd., tirage de 1999, p. 26 et 202.
  2. N. Bourbaki, Algèbre, I, Chapitres 1 à 3, Paris, Hermann, 1970, p. II.28, passage en petits caractères.
  3. Par exemple John S. Rose, A Course On Group Theory, 1978, réimpr. Dover, 1994, p. 142. W.R. Scott, Group Theory, 1964, réimpr. Dover, p. 92, donne un sens différent à l'expression.