Recherche:Dialogues en picard dans le roman La Semaine Sainte (Aragon)

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Dialogues en picard dans le roman La Semaine Sainte (Aragon)

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Introduction[modifier | modifier le wikicode]

Recherche:Dialogues en picard dans le roman La Semaine Sainte (Aragon)
Aragon


La Semaine sainte est un roman de Louis Aragon, paru en 1958. Il est souvent dit historique, mais l'auteur lui même disait à son propos que « La Semaine sainte n'est pas un roman historique, c'est un roman tout court. »

La Semaine Sainte se passe pendant la semaine du 19 au 26 mars 1815. Napoléon a débarqué au Golfe Juan et remonte vers Paris pour reprendre le pouvoir (les Cent jours). Le roi Louis XVIII décide de fuir Paris avec l'ensemble de sa Maison. Le roman suit le roi, son entourage et son armée jusqu'à Béthune où le souverain décide de gagner la Belgique.

Dans ce roman, un personnage important est le peintre Théodore Géricault qui a renoncé à son art pour devenir militaire. Il accompagne le roi Louis XVIII dans sa fuite.

C'est un roman à résonance politique. Géricault et plusieurs autres personnages se posent une question politique et humaine:

  • est-il légitime de quitter le territoire national par fidélité au Roi ?
  • À qui convient-il d'être fidèle ?

À Béthune, les choix des personnages se fait sur cette ligne de partage des destinées. En particulier, Géricault fait le choix de la nation contre la fuite vers la frontière Nord.


des dialogues in picard:[modifier | modifier le wikicode]

Les numéros des pages correspondent à l'édition suivante = LA SEMAINE SAINTE, NRF, Gallimard (1958)

  • page 298 : Théodore Géricault est à Poix (Somme) et son cheval a perdu un fer. Il veut dormir chez le maréchal-ferrant mais toutes les chambres sont occupées.
« Ej' porré dormi nein ba dins ch'te challe, not' moît... » dit ch'garchon Firmin « chi mon lit, i n'est pas chufisamen gren por deux, i poront mett' la paliache por tère ... Mi j'm'in fous, i foit ben coeud dins ch'te challe. O pu point èles mett'édours, par ch'tan ! »
  • page 303: le Bernard cligna de l'oeil et récita :
« Eine jone fème - Du bos vert - Du pain ter - C'est la ruination - D'eine moëson. »
  • page 313 : Firmin :
« Iz écaperont point... èj' chais ousqu' is sont ! »
  • page 317 :
« Faut avoèr du comprinds-tu, » - criait quelqu'un, - « commin qu' tu treuverais ed l'ouvrache, si les paysans tretous i s' font tissiers ? »
  • page 317 :
« El roué comme Napolion, » - dit-il - « ch'est toudis el' ju de fiquencul... »

il était demeuré « jone homme ». Lui, il n'avait point le temps de faire tisserand, « le tissier », il n'avait femme ni enfant à donner à la filerie, mais, avec Napolion ou el' roué, il savait bien une chose : c'est ceux qui ont la terre qui vous font crever, et on se liguait vingt, vingt-trois ans plus tôt dans son village, quand les beaux messieurs, les avocats d'Amiens ou d'Arras, ils venaient vous dire qu'on allait partager les terres, les donner aux uns et aux autres, parce que, nous, on le savait bien, dès qu'on aurait un bout de terre, il faudrait ci, il faudrait ça, et si tu es malade ? qui payera les semences ?

  • page 318 : Mais l'essentiel, c'était de chasser les nobles, c'était toujours de chasser les nobles...
« Et qui ch'est qui les a rappelés, - cria une voix furieuse -, si ch'est pas t'n'impéreu ?  »
  • page 319 :
«  Napolion, ch'est el pain à trinte sous, comme in 1812 !  »
  • page 321 :
« Eh ben, - lui cria quelqu'un, - tu t'es ingaché ?  »
  • page 328 : « Il faut bien, - s'exclama l'avocat d'Arras, - que les rapports de maître à compagnon soient placés sous le signe de la bonne foi! D'ailleurs, pour la loi, le maître est cru sur son affirmation pour la quotité des gages, le paiement de l'année échue et les acomptes donnés pour l'année courante...»
« L'est creu? - cria l'un des tissiers d'Abbeville. - Et mi, ch' sus creu quand éj' dis qu'i m' vole?  »
  • page 333 :
« Frappez point... ch'est mi, Firmin!  » [...] « Faut aller quère la garde...  » [...] « Mordreux!  »
  • page 388 : Fuche! Tin nez branle, erluque chés bros, s'is sont acagnardis!
« Atteins voër, qu'èj' t'escarpogne ! »
  • page 393 : Mais pour ce qui était du désordre, alors pour ce qui était du désordre...
eine bande ed' guerdins à caricouillette, eine bataclan de holaqueux enraqués, imbarnaqués dins l'ordière...
(une bande de gredins à califourchon, un bataclan de laquais enfoncés, embourbés dans l'ornière...)
  • page 479 : Eloy Caron criait à Jean-Baptiste,
« ho, aide donc un pu, luronier !  »
  • page 503 : Marmont entra dans l'auberge où il demanda des oeufs sur le plat et du jambon.
« L'Venderdi Chaint ?  » s'écria la serveuse.

Le picard d' Aragon[modifier | modifier le wikicode]

La famille d'Aragon est originaire du sud de la France. À priori, Aragon n'a pas été en contact avec des locuteurs picards dans sa jeunesse.

Dans les années 1950, le picard ou tout au moins un dravie franco-picard était encore très utilisé en Picardie et dans le Nord.

Quelles sont les sources utilisées par Aragon pour écrire ces dialogues ?

Aragon connait assez bien le Nord de la France qu' il a parcouru comme militaire pendant la débâcle de 40 et après la guerre, comme journaliste, homme politique et écrivain.

Le vocabulaire utilisé[modifier | modifier le wikicode]

  • èles mett'édours = les mettre dehors
  • el' roué
    • Kant éch roué Erod ô aprin chô, i nn' ô tè ébeubi é pi tou l' vil éd Jéruzalinm ave li. (Edouard PARIS[1])
    • en picard, les mots les plus courants sont = ch' roé ou ch' roè
    • Apré l'bieule victoère-lo, ch'roè Louis XI il o foèt d'l'affute à chés Bieuvaisiens. (François BEAUVY[2])
  • ju de fiquencul = jeu de quille-en-cul où le gagnant court après le perdant pour le frapper au derrière avec une quille
  • tretous = en picard, la forme la plus courante est tertous (tous)
    • Le mot tous que, dans certaines contrées de la France, on prononce tretous, fait ici tertous (prononcez : teurtou). (Alexandre DESROUSSEAUX[3] )
    • Si-tôt que no Roy l'a owy, Il a queminché à sourir, Un aime tretous à s'agrandir. Quoi-che qu'un dira de nos gens d'armes, Ne sçettent'y point ouvrés en charmes; Vêant tous ches Villes claquer le biecque, BOURBON fet dire à se n'Evesque Qu'il aroit eu à ordonné, Que tous les Prétes aroint cantés, Le Te Deum Laudamus, Aveuq de z'autes Oremus ; (Jacques DECOTTIGNIES[4])
  • t'n'impéreu = ton empereur
  • el pain à trinte sous = le pain à trente sous
  • quère la garde... = va chercher la garde
  • Mordreux ! = Aragon traduit par assassin !
    • mordreux : méchant. (Georges GRY[5] )
    • Cré nom des zaulx d' mordreux, J' vas l' saquer pa ses ch'veux ! (Jules MOUSSERON[6] )
  • is sont acagnardis (Aragon traduit par = ils sont paresseux)
    • acagnardi(e) : amolli(e) par la paresse, par l'âge. (Edouard DAVID[7] )
  • Fuche ! = Aragon traduit par Sans blague !
    • sens 1 = fuche est le subjonctif du verbe être,
    • Dépétcheu vous dvant qu'i fuche trop tèrd (Armel DEPOILLY[8] )
    • o souhaiterons pour qu'éch l'énèe a fuche boéne ? (Gaston VASSEUR[9])
    • sens 2 = Picard, ta maison brûle ! - Fuche ! J'ai l'clé dains m'poque ! " (" - Qu'importe ! J'ai la clé dans ma poche ! "). (Marie-Madeleine DUQUEF[10])
    • Ch'cailleu il a vnu un bieu jour, j'én sais pu doù ni quantéche. Fuche. Il étoait lo. Au vrépe in inlvant mes coeuchures j'ai du croére qu'i s'avoait in-allè tout seu. (Jean-Luc VIGNEUX[11] )
  • èj' t'escarpogne = je te fiche une baffe
  • guerdins à caricouillette = gredins à califourchon
    • en picard, en général, un guérdin est un jardin.
    • ch'est ch'qu'oz appelle éch "Guèrdin des Tuileries". Est bieu, hein ? (Armel DEPOILLY[12] )
  • eine bataclan de holaqueux enraqués = un bataclan de laquais enfoncés
    • et pis tout l'bataclan, o n'ons prins inne telle panchie qu'à la fin o mélanjoémes toute. (Régis DELICOURT[13])
    • Grands, moyens et pis ptchots, mionnair's, holaqueux, Bien rad' défulez-vous ch'est ch' car d'ein pauv' qui passe. (Gaston BOURDON[14] )
  • imbarnaqués dins l'ordière = embourbés dans l'ornière
    • Affalé d'susein' cayère, derrire euch cassis, J'arvette eul ciel imbarnaqué et bin gris. (Louis CLIQUENNOIS[15])
    • Bon, o voéyez qu'o n'srons point imbérnatchès pér chés diffitchultés lindjuistiques. (Jean-Marie FRANCOIS[16] )
  • luronier =
    • - luron-neux (euse) = badaud(e), flâneur(euse), lambin(e). - luron•nache = flânerie, errance - luron•ner = musarder, flâner. (Marie-Madeleine DUQUEF)
  • L'Venderdi Chaint = Le Vendredi Saint


Notes[modifier | modifier le wikicode]

  • Louis Aragon, LA SEMAINE SAINTE, nrf, Gallimard, 594 pages, (ISBN 2-07020-224-0), (1958)

Références[modifier | modifier le wikicode]

  1. Edouard PARIS, S'Sint Evanjil slon Matiu ,
  2. François BEAUVY, Acoute min tiot, Awen Ed. (2008)
  3. Alexandre DESROUSSEAUX, Œuvres tome 1- Toutes les œuvres en patois du chansonnier Desrousseaux, Edition du Syndicat d'initiative "Les amis de Lille" (1938)
  4. Vers naïfs, DECOTTIGNIES Jacques, CARTON Fernand(ed.) , coll. Age des lumières, Champion (2003)
  5. Georges GRY, Le patois picard et le Vermandois, (1955)
  6. Jules MOUSSERON, Dans nos mines de charbon - Mœurs et coutumes du pays noir, Imprimerie A. Plouvier et fils, Carvin (1946)
  7. Edouard DAVID, Mahiette, Société de linguistique picarde (1969)
  8. Armel DEPOILLY, Contes éd no forni et pi ramintuvries, Robert Baze maître-imprimeur (1969)
  9. Gaston VASSEUR Lettes à min cousin Polyte, Collection de la Société de linguistique picarde, t. XXIX (2002)
  10. Marie-Madeleine DUQUEF, Amassoèr (picard-français), Librairie du Labyrinthe (2004)
  11. Jean-Luc VIGNEUX, Cache-cailleu, Ch'Lanchron n° 100, novembre 2005
  12. Armel DEPOILLY, Contes éd choc crimbillie, Ch'Lanchron (1989)
  13. Régis DELICOURT, Ramintuvries d'piots et autres textes
  14. Gaston BOURDON, Un moment chez la muse picarde, coll. Bibliothèque picarde, Roger Léveillard Ed. (1929)
  15. Louis CLIQUENNOIS, Parlache
  16. Jean-Marie FRANCOIS, l'advilien , Abbeville Libre Ed. (1988)