Mutations des sociétés depuis 1850/Une étude : l'immigration et la société française au XXe siècle

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Une étude : l'immigration et la société française au XXe siècle
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Chapitre no 2
Leçon : Mutations des sociétés depuis 1850
Chap. préc. :La population active, reflet des bouleversements économiques et sociaux : l'exemple de la France depuis les années 1850
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La France a toujours été une terre d'immigration, nous pouvons même dire qu'elle est le produit de 900 000 ans de vagues migratoires. Mais l'immigration connaît une forte augmentation à partir du milieu du XIXe siècle avec l'accroissement de la demande en main d'œuvre. À l'inverse, le ralentissement de la croissance depuis les années 1970 a encouragé l'État à la limiter. L'immigration en France est aujourd'hui une question politique majeure.

Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, une immigration de plus en plus importante et essentiellement européenne[modifier | modifier le wikicode]

La France choisit à la fin du XIXe siècle une politique migratoire originale, par rapport à ses voisins européens : elle fait le choix de l'immigration pour pallier le manque de main d'œuvre généré par l'augmentation du nombre d'emplois (industrialisation) et par la baisse de la natalité (en particulier après 1914-1918). Pour ce faire, les gouvernements français n'hésitent pas à faire voter des lois pour favoriser l'intégration des étrangers sur le sol français. C'est ainsi que le droit du sang (nationalité héréditaire) est complété par le droit du sol (la nationalité française est donnée aux enfants nés sur le sol français). La France mène une politique d'intégration active des étrangers sur son territoire en formant à l'école de la République les enfants d'immigrés et en les baignant dans une culture républicaine.

Les premiers immigrés viennent essentiellement des pays limitrophes : Italie, Belgique, Allemagne. La Première Guerre mondiale ayant eu des conséquences catastrophiques sur la démographie française (18 % de la population active est décédée, il y a un important déficit de naissances et donc des classes creuses), les entreprises et l'État font venir davantage d'Italiens mais aussi de Polonais. La loi de 1927 donne la nationalité française aux étrangers qui épousent des veuves de guerre et à leurs enfants.

En 1936, il y a 2,2 millions d'étrangers en France. Ils sont principalement installés dans les régions minières du nord et de l'est de la France, mais aussi dans le sud où ils occupent les emplois les plus durs et les moins bien payés de l'agriculture et de l'industrie. Ils participent aux mouvements sociaux. Dans les années 1920 et 1930, la France accueille également des réfugiés politiques fuyant la Révolution bolchévique (« Russes blancs » à Paris), ou les régimes fascistes, nazis et franquistes (après la guerre civile espagnole).

L'attitude de la population française vis-à-vis des immigrés est variable et dépend fortement du contexte économique et social. D'une manière générale, les immigrés sont acceptés dans la mesure où ils occupent des emplois peu intéressants pour les Français. Mais en situation de crise économique, ils deviennent facilement des boucs émissaires, accusés de prendre les emplois des Français de souche. Les poussées de xénophobie contre les Italiens, les Grecs, les Arméniens, les Polonais, sont particulièrement fortes avec la crise des années 1930 : les Polonais sont expulsés de France pendant que l'antisémitisme des ligues et des journaux d'extrême droite s'abat sur les juifs qui ont fuit les pays de l'Est. L'immigration est alors stigmatisée comme sous le régime de Vichy.

Pendant les Trente Glorieuses, une immigration voulue et internationale[modifier | modifier le wikicode]

Retombé à 1,7 millions en 1946, le nombre d'étrangers a doublé en 1975. Ce sont tout d'abord les Espagnols, les Italiens et les Portugais qui sont venus grossir les rangs des travailleurs les moins bien payés des secteurs de l'industrie et du bâtiment. Mais très vite, à partir des années 1960, le besoin de main d'œuvre augmente. On fait alors appel aux travailleurs d'Afrique noire et du Maghreb – des colonies ou anciennes colonies françaises. Les travailleurs qui viennent s'installer en France sont régularisés sur simple présentation d'un contrat de travail, ce qui, en ces temps de plein emploi, ne pose pas problème. Les Algériens circulent librement en France jusqu'en 1962. De véritables filières de recrutement de travailleurs venant de l'étranger sont mises en place. Un Office National de l'Immigration (ONI) est instauré par l'État en 1945 pour recruter de la main d'œuvre étrangère. Mais ce sont les entreprises privées qui sont les plus actives dans ce domaine : elles n'hésitent pas à financer le transport des candidats à l'immigration pour qu'ils viennent travailler pour elles. Dans le contexte de la guerre froide, la France conserve sa tradition de terre d'asile pour les réfugiés fuyant les dictatures d'Amérique latine et les pays communistes.

Les immigrés viennent le plus souvent grossir les rangs des habitants des bidonvilles qui se sont développés après-guerre autour de Paris, ils vivent aussi dans des logements insalubres. Malgré les protestations de certains (comme l'abbé Pierre dans l'hiver 1952), l'État n'investit pas dans l'amélioration de leur situation, avant que ne soient construits les grandes barres d'immeubles HLM dans les années 1960 et 1970. Les étrangers sont tolérés en France puisqu'ils occupent les emplois dont les Français ne veulent pas. Toutefois, dans le contexte de la guerre d'Algérie, et du fait de leurs différences religieuses et culturelles, les populations maghrébines sont moins bien assimilées. Comme au début du siècle, l'État table sur une politique d'intégration, qui passe par l'éducation par l'école de la République de la deuxième génération.

Schéma de la société industrielle pendant les Trente Glorieuses.

Depuis 1974, une immigration sous contrôle[modifier | modifier le wikicode]

Le ralentissement de la croissance économique et l'apparition progressive d'un chômage de masse à partir des années 1974 pousse l'État à changer de politique et à mettre un frein à l'immigration. Le retour au pays est même encouragé et facilité. Depuis les années 1980, une série de lois sur l'immigration a été votée, alternant fermeté et assouplissement des procédures de naturalisation. Ne peuvent désormais s'installer en France que les immigrés ayant le statut de réfugié politique, ou ayant des compétences jugées utiles pour le pays, et ceux qui peuvent bénéficier d'un regroupement familial (un étranger résidant en France peut sous certaines conditions faire venir sa famille).

L'immigration s'est largement internationalisée : en plus des Maghrébins, des Africains, des Turcs, des Portugais, des Asiatiques, la France accueille également des ressortissants d'Europe de l'Est (surtout ceux nés dans un pays membre de l'Union Européenne qui peuvent y circuler librement) et d'autres pays du monde. Avec la quasi fermeture des frontières européennes à l'immigration légale, les flux d'immigration clandestine ont fortement augmenté. La France compterait ainsi entre 200 et 400 000 clandestins pour partie en transit vers d'autres pays comme le Royaume-Uni. Ces clandestins, essentiellement africains et asiatiques, sont le reflet des inégalités de développement à l'échelle internationale et des rapports Nord-Sud.

Cette situation alimente un débat (parfois malsain) en France, opposant les partisans de la régularisation des sans-papiers installés de longue date dans le pays et ceux de leur reconduite à la frontière (l'extrême droite par exemple assimile les étrangers à des délinquants). Récemment, la France a voté des lois pour renforcer le contrôle de ses frontières, faciliter les expulsions, et rendre plus difficile les naturalisations (presque 30 000 reconduites à la frontière en 2009). On constate aussi dans les périodes de tension une augmentation des actes racistes. La question de l'intégration des étrangers installés sur le sol français est importante pour une société multiculturelle et métissée.

Schéma d'une société industrielle à la société postindustrielle.