Littérature de jeunesse en anglais : Vaclar Tille, Petit Tom/Petit Tom et sa marraine

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Chapitre 2 : Petit Tom et sa marraine
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Comment Petit Tom fut découvert par sa marraine

Le printemps, l'inondation

C'était un hiver d'un froid cruel. La neige recouvrait les chemins et s'accumulait contre la petite cabane. C'est avec difficulté que la vieille dame se frayait un chemin jusqu'à l'étable et au ruisseau.

La nuit, quand elle n'arrivait pas à dormir, elle écoutait les moindres bruits, dans l'espoir de voir réapparaître ses petits amis. Mais rien. Seuls le ululement d'une chouette à l'extérieur ou le couinement d'une souris à l'intérieur se faisaient entendre. Les gnomes ne remontèrent plus jamais de leur royaume souterrain.

Le jour, elle lisait et cousait, en se demandant comment aller à la ville la plus proche pour changer les pièces et acheter quelques bricoles pour son confort et pour améliorer sa cabane. Elle avait bien caché les pièces derrière une tuile verte du foyer.

Finalement la neige commença à fondre, le soleil se mit à chauffer, les champs perdirent leur manteau blanc, les prairies se mirent à verdir et le printemps fut là. Quand Pâques arriva, elle avait déjà replanté son jardin et dégagé les roses de leur couverture hivernale. Les perce-neige et les giroflées couvraient les rives du ruisseau, les primevères laissaient s'épanouir leurs pétales et, partout dans les champs, les alouettes chantaient de joie.

La vieille dame rangea soigneusement son trésor dans un panier et le recouvrit d'un linge, elle enferma les poules dans leur cage, remplit d'herbe fraîche la mangeoire de Speckle, lâcha le chien Rover dans la cour, ferma à clef la petite cabane et prit le chemin de la ville. Elle marchait d'un pas léger, comme si elle avait rajeuni pendant l'hiver et ne s'inquiétait absolument pas du long chemin à parcourir.

En ville, elle fut stupéfaite de l'argent qu'elle reçut en échange des pièces d'or. Même en vivant cent ans, elle ne pourrait jamais dépenser tout son argent. Aussi le plaça-t-elle en sécurité dans une banque et les gens la traitèrent avec beaucoup de respect. Ils savaient qu'elle venait d'une grande famille mais comme elle avait mené jusque-là un train de vie modeste, personne n'avait réalisé à quel point elle était riche.

Quand elle eut terminé tous ses achats et mené à bien ses affaires, elle décida de se reposer un peu en ville mais elle apprit que de fortes averses en montagne avaient fait fondre la neige et que l'eau transformait les ruisseaux en torrents. Elle savait bien à quel point son petit ruisseau se métamorphosait quand il gonflait et elle eut peur que sa petite cabane ne soit emportée par les flots et qu'il arrive malheur à sa vache. Aussi se hâta-t-elle de rentrer et, en cours de route, elle vit les prairies inondées et transformées en lacs.

Quand elle arriva au village, la nuit était déjà tombée et les gens allumaient leurs lumières dans les maisons. De nombreux petits passages à gué avaient été emportés et l'eau atteignait presque la place du village. Impossible de franchir le ruisseau. Le torrent grondait furieusement, emportant des branches, de jeunes arbres et des plaques de glace.

En vain essaya-t-elle de voir si, de l'autre côté du ruisseau, sa petite cabane était encore debout : la nuit était noire à couper au couteau. Il ne lui restait plus qu'à demander asile pour la nuit aux gentils villageois.

Le lendemain, quand le soleil se remit à briller, le torrent s'était calmé, le ruisseau avait retrouvé son lit et y coulait calmement. La cabane était toujours debout mais la rive avait été sapée et le petit pont emporté. Aussi la veuve se fit-elle transporter en canot pour la traversée, avant de se hâter jusqu'à la cabane, poussée par l'inquiétude à la perspective de ce qui l'attendait. Le jardin était recouvert de boue, au milieu de la prairie de petites flaques brillaient au soleil. Rover bondit hors de la cour en aboyant de tout son cœur et la vache meugla depuis son étable. Les poules se précipitèrent hors du poulailler en claquant des ailes et en caquetant et se mirent à gratter le sol frénétiquement à la recherche de vers de terre. À l'intérieur de la cabane l'entrée était trempée et, dans la salle à manger, il y avait encore des flaques d'eau.

Comment la marraine trouva Petit Tom dans une coquille de noix.

Elle prit son balai et balaya autant d'eau qu'elle put. Elle épongea le reste avec une serpillière. Près du foyer, l'eau s'était accumulée, elle tourbillonnait et s'échappait par le trou à l'arrière. Sur l'eau flottait une barque minuscule et dans ce bateau se trouvait un tout petit garçon qui ramait de toutes ses forces avec des avirons de paille pour éviter que le courant ne l'emporte par le trou.

La vieille dame récupéra doucement la coquille et la plaça au creux de sa main. Le petit garçon lâcha ses rames, serra ses mains l'une contre l'autre et s'écria : « ma chère marraine, Je vous remercie de tout mon cœur de me sauver de la sorte. Je suis Petit Tom, mais je suis tellement fatigué que je n'arrive même plus à tenir debout. » Mais sa fatigue était uniquement due aux efforts qu'il venait de faire pour résister au courant.

Sa marraine le déposa avec précaution sur la table ; elle mit un peu de lait et une croûte de pain à côté de lui. Petit Tom avala goulûment le lait et mangea presque tout le pain. Elle posa ensuite un bout de tissu comme oreiller, Tom s'allongea et s'endormit.

Elle le regarda avec tendresse, plongé dans son calme sommeil, épuisé par ses efforts. Il avait bien grandi, avait un corps solide et des cheveux noirs. Il tenait ses mains serrées sur sa poitrine et elle eut mal au cœur à l'idée de la nuit terrible qu'il venait de vivre pendant l'inondation ; elle se demanda ce qu'était devenu le monde souterrain des gnomes.

Pendant qu'il dormait, elle se mit au travail. Elle frotta le sol à fond et le recouvrit entièrement de sable sec. Elle alla nettoyer le jardin puis mit à chauffer une soupe au-dessus du feu dans la cuisine. Quand elle retourna dans la salle à manger, Petit Tom se redressait, frottait ses yeux bleus de ses petits poings et appelait sa mère. En regardant autour de lui, il reconnut sa marraine et fondit en larmes. La vieille dame essaya de le consoler, le supplia d'arrêter de pleurer et de lui raconter ce qui était arrivé. Mais il mit longtemps à se calmer. Quand il eut fini de pleurer, il lui raconta tous les malheurs qui étaient arrivés au monde souterrain.

Tous les gnomes dormaient profondément, inconscients du danger quand une avalanche d'eau avait surgi de dessous le puits, avait recouvert toute la ville, détruit les murs et atteint même les étages supérieurs. Sa mère l'avait réveillé et ils s'étaient mis à courir dans le couloir supérieur où coulait leur propre ruisseau.

Sur l'eau se trouvait toute la flotte des gnomes, en coquilles de noix. Tous les courtisans embarquèrent et se mirent à ramer vers l'est en direction du royaume souterrain ; mais le niveau de l'eau continuait à monter et les navires surchargés se mirent à tanguer dangereusement et à sombrer un par un, noyant tous les gnomes. Petit Tom savait très bien nager mais se serait certainement noyé s'il n'avait pas réussi à s'accrocher à une coquille de noisette. Elle fut emportée par le courant jusqu'à la maison de sa marraine.

Il comprit tout de suite où il venait d'arriver car ses parents lui avaient souvent parlé de son baptême et de la gentillesse de sa marraine pour le monde des tout-petits. Aussi continua-t-il à ramer de toutes ses forces, dans l'espoir que sa marraine rentre à temps pour le sauver.

Elle était surprise de le voir aussi grandi, lui qui n'était qu'un bébé à Noël, enveloppé de langes. Il lui expliqua que, chez les gnomes, les semaines représentaient des années et qu'il avait donc quinze ans. C'est l'âge qu'il fallait atteindre pour avoir le droit de sortir du royaume souterrain, après les quinze années d'études et d'apprentissages nécessaires avant de se lancer dans le monde réel.

Ils s'apprêtaient à célébrer l'événement chez sa marraine et à l'envoyer de par le monde, quand la grande inondation avait détruit d'un coup tout leur univers. Petit Tom était le seul rescapé et c'était vraiment grâce à un miracle.

Désireuse de ne pas lui faire revivre ce cauchemar, sa marraine lui dit qu'elle allait bien s'occuper de lui et qu'il aimerait beaucoup vivre dans sa cabane ; mais elle se demandait bien où elle pourrait le faire dormir sans risque, comment elle allait l'habiller et lui fournir tout ce dont il aurait besoin pour son confort.

Comment Petit Tom se logea dans l’œuf de Pâques du château.

Elle le posa sur le buffet et ouvrit le petit autel pour lui et lorsqu'il vit tous les petits personnages, il sauta de joie, en disant que la dame tenant un bébé sur son sein lui rappelait sa mère. Pendant qu'il admirait les rois, les bergers et la crèche, sa marraine trouva un bel œuf de Pâques, creux à l'intérieur et peint en rouge et jaune. Avec une épingle, elle creusa une porte sur le côté et deux fenêtres du côté opposé. Puis elle fixa l’œuf dans la terre, sous l'arbre et lui dit que ce serait sa maison ; il devrait y mettre un peu de terre puis la tasser pour en faire un sol dur bien nivelé. Elle voulait lui donner quelque chose à faire pour l'occuper et ne plus penser à tous ses malheurs.

Petit Tom se faufila à l'intérieur et admira le grand salon au plafond courbe en albâtre, installé sous le bel arbre aux fruits dorés. Il demanda à sa marraine de l'installer dans les branches pour admirer les noix dorées et pour goûter les figues et les dattes. Il était ravi à l'idée que cet arbre magique du monde extérieur pourrait l'abriter pendant des années et des années.

Puis il redescendit le long du tronc en s'appuyant aux aiguilles de pin comme si c'était les barreaux d'une échelle. Il décida d'édifier un mur, tout autour de son château de l’œuf de Pâques et d'aménager un jardin, au pied de l'arbre.

La vieille femme le laissa en plein travail, prit sa binette et partit au puits près de la chapelle pour voir ce qui restait du royaume des gnomes. Elle dégagea la pierre avec le fer à cheval et creusa à l'arrière jusqu'à ce qu'elle trouve un petit couloir envahi par des pierres, de la boue et de l'eau. Tout était sens dessus dessous, en ruines et elle n'entendit pas un seul bruit rappelant la présence des gnomes. Elle fut remplie de tristesse à l'idée qu'ils avaient tous disparu et se mit à reboucher le trou et à remettre la pierre à sa place. Mais, quand elle l'attrapa, elle eut la surprise de la trouver très légère. Elle l'examina de plus près et remarqua à l'arrière une toute petite porte en métal poli. Elle appuya dessus avec son doigt, la porte s'ouvrit et elle découvrit que l'intérieur de la pierre était creux et rempli de toutes petites particules.

Elle se dit que cela représentait peut-être des objets appartenant aux gnomes et qu'ils seraient peut-être utiles à Tom. Aussi mit-elle la pierre sur son épaule, et veillant à ne rien chavirer, elle la rapporta chez elle.

Comment la marraine apporta son costume à Petit Tom.

Quand elle arriva dans son salon, elle vit que Tom avait déjà construit le plancher de son château et qu'il avait commencé à construire le mur avec de tout petits galets brillants. La marraine mit un chiffon sur le buffet et y posa la pierre.

« Petit Tom, » dit-elle, « Je t'ai rapporté quelque chose en souvenir. Ton royaume a complètement disparu mais ne sois pas triste, tu resteras avec moi et nous serons très heureux ensemble. Et puis peut-être trouveras-tu dans cette pierre quelque chose qui te rendra service. »

Tom rampa tristement dans la pierre puis se mit à hurler de joie. « Chère marraine, c'est notre trésor royal, il contient des meubles, des vêtements, des tissus, des armes, des plats et toutes sortes de choses. Maintenant, avec tout ça, j'ai tout ce dont j'ai besoin et vous allez voir comme je vais bien arranger ma maison. »

Et voilà qu'il se mit à sortir de la pierre toutes les richesses qui y étaient contenues. Sa marraine mit un bout de chiffon contre la pierre où Tom entassa les placards, les tables et les chaises. Elle transporta soigneusement le tout jusqu'au pied de l'arbre. Malgré ses efforts, elle cassa le pied d'une chaise et le coin d'un buffet. Elle était vraiment navrée de sa maladresse, mais Tom la consola en lui disant qu'il saurait tout réparer. Puis il sortit de la pierre les plats et la porcelaine peinte offerte par sa grand-mère, les tasses, les soucoupes et les cruches, l'argenterie ancienne et tous ses trésors.

Il avait peur qu'elle ne casse quelque chose encore. Pour elle, tout ça n'était que des grains de sable brillants ; mais elle lui fabriqua un petit escalier en bois qu'elle adossa à la boite de l'arbre et il passa son temps à monter et descendre, en transportant tous ses trésors un à un dans son château. Il travailla avec ténacité toute la journée et, quand la nuit arriva, il était complètement épuisé.

Entre temps sa marraine était sortie travailler ; quand elle rentra le soir chez elle, elle vit que la pierre creuse avait été entièrement nettoyée. Devant la porte du château de l’œuf de Pâques était suspendu un tapis fleuri qui servait de paravent et, aux fenêtres, des petits rideaux étaient accrochés. À l'intérieur, les meubles étaient bien installés mais, à l'extérieur, il restait encore des tas d'accessoires précieux. Elle regrettait de ne pouvoir mieux observer l'intérieur pour admirer le travail de Tom mais elle avait peur de tout chavirer en touchant l’œuf. Le lendemain matin, il se réveilla de bonne heure et s'en fut au jardin mesurer le tracé des chemins et choisir l'emplacement des pelouses et de la future forêt de mousse. Puis il fabriqua une réserve pour les surplus, creusa un puits et termina le mur autour de son château.

Sa marraine l'aidait de son mieux, lui découpant de petits morceaux de bois ou de tissu. Ils creusèrent le puits dans un vieux dé à coudre. Elle le laissa bien occupé, enchantée de constater comme il était travailleur et ordonné et comme il avait été bien élevé, car il comprenait immédiatement tout ce qu'il convenait de faire. Elle était contente qu'il ait tant de choses à faire et n'ait plus une minute pour ressasser son chagrin.

Pendant la journée, chacun d'eux vaquait à ses occupations, mais le soir ils se retrouvaient assis ensemble, la marraine à sa table, mangeant sa soupe épaisse et ses pommes de terre. Sur la table, Tom avait sa propre petite table et sa chaise en face d'elle. En guise de repas, il mangeait un grain de blé cuit au four, une graine de tournesol écrasée et deux ou trois grains de millet grillés au beurre. Il mangeait avec beaucoup de délicatesse. Il aimait beaucoup ce qu'il mangeait et après le repas, il buvait un peu de lait.

Ce que Petit Tom raconta à sa marraine sur le royaume des gnomes.

Une fois leurs tables débarrassées, ils se mettaient à bavarder. Sa marraine voulait tout savoir sur les gnomes, comment ils vivaient dans leur monde souterrain et Tom répondait à toutes ses questions. Ce qu'ils faisaient à l'extérieur dans les champs, il ne le savait pas car il avait passé son temps à l'intérieur à étudier, à l'école. Mais il décrivait avec précision tout ce qui se passait dans leurs villes surpeuplées. Il avait vu de longues queues de gnomes rapportant de la nourriture, à cheval sur des grillons ou bien fabriquant des pièges pour les mouches et les papillons, rapportant des insectes capturés dans le tronc des arbres et des punaises tachetées qu'ils gardaient dans des étables confortables.

Lui, il possédait un beau grillon qui le transportait dans les corridors éclairés par des torches en bois sec, qui répandaient un lumière bleue très agréable. Il racontait comment ses parents jouaient avec lui et parlait de sa petite amie Chrysomela, une adorable fillette qui suivait les mêmes cours que lui.

Ensemble ils jouaient à se poursuivre et regardaient les gnomes creuser la montagne ou allaient naviguer sur la rivière souterraine. Il parlait aussi de tous leurs visiteurs étrangers, les scarabées dorés, les punaises des bois tachetés qui venaient en belles processions leur apporter des messages de bienvenue et de beaux cadeaux. Il raconta surtout une visite de fourmis noires, juste avant l'inondation. Les gnomes les avaient accueillies en grande pompe. Son père les lui avait présentées, en lui expliquant que les fourmis étaient un peuple travailleur et ordonné avec qui ils étaient en très bon rapport. Il avait promis à Tom, quand celui-ci serait en âge d'aller dehors, de leur rendre visite pour s'instruire et apprendre comment diriger son royaume.

Tom parlait souvent de ce dont il se souvenait mais, à la fin, cela le rendait triste, surtout quand il repensait à la façon dont son royaume avait été balayé d'un coup et comment tout avait disparu à jamais et qu'il ne reverrait plus jamais tous les siens.

Sa marraine écoutait ses histoires avec grand plaisir, mais elle comprenait bien qu'il lui fallait une occupation pour l'empêcher de penser trop au passé et surtout pour se préparer à l'avenir.