Littérature de jeunesse en anglais : Eleanor Fortescue-Brickdale, Le conte de Fleur et Blanchefleur/Le jeu d'échecs

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Debout de très bonne heure, le lendemain, suivant les instructions de son hôte, Fleur se vêtit en grande pompe et se mit en route pour la Tour des Demoiselles. À son arrivée, il se mit à mesurer les dimensions de la tour avec un sérieux bien imité, sa hauteur, son épaisseur, sa longueur et sa largeur. Mais il fut brutalement interrompu dans sa tâche par le gardien qui, en voyant un étranger mesurer sa tour, se mit à crier en le prenant pour un espion : de quel droit venait-il s'occuper de la tour du grand seigneur Amiral de Babylone.

Pas du tout gêné par cet accueil désagréable, Fleur lui répondit calmement : « Cher ami, la forme de votre tour m'intéresse tellement que j'en prends les dimensions pour m'en construire une comme salle au trésor ; la vôtre me sert de modèle. J'aimerais bien aussi voir comment elle est aménagée à l'intérieur, si vous acceptiez de m'y introduire, sans crainte pour vous ou votre Seigneur, vu que je suis plus riche que vous deux réunis.

Le gardien se dit : « J'ai eu tort de me méfier de cet homme ; comment serait-il un espion habillé aussi richement ! » Aussi lui posa-t-il quelques questions sur ses origines, puis, tranquillisé par les réponses satisfaisantes qu'il avait reçues, il invita l'étranger à entrer dans son domicile pour une partie d'échecs. Fleur accepta l'invitation et son hôte et adversaire lui demanda :
« Quel sera l'enjeu ? »
« Cent pièces d'or de mon côté ! »
« Entendu ! » répondit son hôte. À son appel un échiquier d'ébène et d'ivoire leur fut apporté et ils se mirent à jouer.

Fleur portait au doigt la bague offerte par sa mère et prit soin, tout en jouant, d'orienter la pierre précieuse vers son adversaire, qui, distrait par le joyau, perdit la partie et, furieux, doubla l'enjeu. Mais Fleur, prévenu par son ami Daries que l'appât du gain n'avait d'égal que sa passion pour les échecs, refusa d'encaisser la somme gagnée. Son adversaire reconnaissant l'invita à revenir le lendemain pour un match retour.

Fleur accepta le défi et, le lendemain, paria deux cents pièces d'or et son hôte en fit autant. Grèce à la bague, il réussit encore à gagner la partie et, comme précédemment, refusa d'encaisser le gain ; son adversaire, stupéfait de cette libéralité inattendue, se déclara prêt à lui rendre n'importe quel service. Le lendemain, les enjeux montèrent à 400 pièces d'or de chaque côté ; Fleur gagna encore et délivra immédiatement son hôte de l'horreur de ses pertes en lui tendant les huit cents pièces.

Bouleversé par cette générosité, le gardien invita son noble adversaire à une collation dans sa chambre ; répondant à l'invitation, Fleur lui apporta en présent sa splendide coupe et la déposa sur la table.
Incapable de la quitter des yeux, plein d'admiration pour cette œuvre d'art, son hôte lui proposa une nouvelle partie d'échecs pour mille pièces d'or.
«  Je ne saurai vendre ou jouer ma coupe mais, en échange d'une aide, quand j'en aurai besoin, je vous l'offrirais bien volontiers. »
Envahi par la convoitise et le désir de posséder un tel bien, le gardien jura à Fleur qu'il serait son homme et lui rendrait les services qu'il lui demanderait quand et comme il le souhaiterait.

S'étant ainsi assuré le soutien du gardien de la tour, Fleur lui déclara sans plus attendre son besoin d'atteindre sa bien-aimée.
« Ah, cher ami ! s'écria le gardien, se repentant amèrement d'avoir fait de telles promesses, j'ai bien peur que vos richesses n'aient provoqué ma mort et la vôtre. Néanmoins, je vous ai donné ma parole, alors retournez à votre logis et attendez deux jours. Le troisième sera le Jour de mai, revenez, habillé de pied en cap en rouge rosé et vous serez transporté jusqu'à l'étage de la tour où demeure Blanchefleur. »