Littérature de jeunesse en anglais : Eleanor Fortescue-Brickdale, Le conte de Fleur et Blanchefleur/La ruse du panier de fleurs

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Chapitre 7 : La ruse du panier de fleurs
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Comme le lui avait recommandé le gardien de la Tour des Demoiselles, Fleur retourna dans son logis attendre deux longues journées, plein d'espoir et de joie, l'arrivée du Premier mai. À l'aube, il se leva et s'habilla de la tête aux pieds en rouge rosé et se précipita vers la tour ; quand il arriva chez le gardien, il trouva sur le sol un immense panier entouré d'un amoncellement de fleurs printanières que le gardien avait fait couper dans les jardins de Babylone comme présent du jour de mai à Blanchefleur.
« Messire, lui dit le gardien, allongez-vous dans le panier et ne bougez plus. »
Fleur s'allongea bien à plat et resta immobile au fond du panier puis le gardien le recouvrit de fleurs et il appela deux solides porteurs auxquels il dit : « apportez ce panier de fleurs à la jeune Blanchefleur comme présent de jour de mai et, dès que vous l'avez déposé, revenez me voir immédiatement. »

Les porteurs suivirent les ordres de leur supérieur et grimpèrent les escaliers jusqu'en haut de la tour en jurant qu'ils n'avaient jamais porté de fleurs aussi lourdes de toute leur vie. Épuisés, ils se trompèrent de chambre et frappèrent à la porte de Clarissa en criant : « Ouvrez ! Voici le cadeau du gardien à Blanchefleur, pour le jour de mai. »
En entendant le nom de Blanchefleur, Clarissa se précipita et ouvrit la porte. Sans signaler leur erreur aux porteurs, elle leur demanda de déposer le panier dans sa chambre et ils repartirent. Après leur départ, Clarissa prit une des fleurs dans le panier et Fleur, croyant qu'il s'agissait de Blanchefleur émergea du panier d'un bond. Effrayée, la jeune fille s'écria : « Qu'est-ce que c'est ? Qui êtes-vous ? » En l'entendant crier, les autres jeunes filles se précipitèrent pour voir ce qui avait fait peur à leur compagne Clarissa, mais Fleur s'était à nouveau caché et allongé sous les fleurs et, comme il était en rouge rosé, rien ne le distinguait des roses qui lui servaient de lit. Mais Clarissa, se rappelant le nombre de fois où Blanchefleur avait parlé de son bien-aimé espagnol qui lui ressemblait tellement, se dit que ce présent était probablement l'amour espagnol de Blanchefleur. Elle éclata de rire et renvoya ses compagnes en leur disant qu'un serpent s'était glissé dans les fleurs et l'avait effrayée. Oh, lecteur, essayez d'imaginer la peur de Fleur en constatant qu'il venait d'être découvert ! Mais le destin était de son côté car Clarissa, fille captive d'un duc d'Allemagne, était l'amie de cœur de Blanchefleur ; compagnes de service du matin et du soir pour l'Amiral à qui elles portaient la serviette en lin et l'eau dans le bol en cor, elle s'étaient bien souvent lamentées de concert sur leur sort.

Comme les chambres des deux jeunes filles étaient contiguës et communiquaient par une porte, Clarissa ferma soigneusement la porte extérieure et passa dans la chambre de sa voisine par la porte intérieure. Elle la trouva en pleurs, perdue dans les souvenirs de son bien-aimé absent.
« Blanchefleur ! l'appela Clarissa, viens chez moi, je vais te montrer des fleurs comme tu n'en as jamais vu ! »
« Hélas, lui répondit-elle d'un ton désespéré, mon cœur est trop triste pour se laisser distraire par des fleurs qui vont me rappeler comme je suis loin de mon amour et lui de moi. »

« Cesse de te plaindre et, aussi cher que soit ton amour, viens quand même admirer mes belles fleurs ! »
Blanchefleur finit par se lever pour aller voir les fleurs et Fleur, entendant sa voix et comprenant que sa bien-aimée approchait, se redressa tout en rouge rosé comme les roses ; Blanchefleur le reconnut, il la reconnut de même, et ils demeurèrent muets de surprise, face à face, pleins d'amour et de joie ; puis ils tombèrent dans les bras l'un de l'autre et s'embrassèrent et se caressèrent jusqu'à ce que Blanchefleur ait le courage de reprendre la parole :
« Clarissa ! C'est lui mon grand amour ! Le plaisir de mon cœur, mon réconfort, ma joie ! »
Ils la supplièrent tous deux de ne pas révéler leur secret, ce qui les condamnerait à mort.
« N'ayez pas peur ! leur répondit-elle, je vous aiderai de mon mieux ; la nourriture et le vin qu'ils apportent pour nous deux suffiront pour trois et vous me trouverez toujours fidèle. »

Les deux amoureux retournèrent dans la chambre de Blanchefleur, s'assirent sur le lit recouvert de soie brodée d'or et se mirent à se raconter tout ce qui leur était arrivé depuis leur séparation.
« Oh, mon amour ! soupira Fleur, que n'ai-je souffert de votre absence ! J'ai bien failli mourir de chagrin ! »
« Et moi, reprit Blanchefleur, depuis votre départ pour Montorio, je n'ai pas ressenti un seul moment de bonheur et j'ai pris le deuil de mon amour. » Les amoureux s'embrassèrent de nouveau. Fleur montra à Blanchefleur la bague offerte par sa mère au moment de la séparation et lui expliqua ses pouvoirs magiques.
Pendant ce temps, la bonne Clarissa, tremblant de peur à l'idée que le secret de son amie risquait d'être trahi, menait la garde avec un soin jaloux, comme si c'était son propre secret. Ils mangeaient et buvaient ensemble tous les trois sans que personne ne soit au courant et les amoureux profitaient avec bonheur de ces longues journées, prêts à continuer comme ça le restant de leur vie. Mais hélas, le cours de leur amour n'était pas fait pour durer en paix et leur joie se transforma bien trop vite en inquiétude.

Un matin, Clarissa se réveilla alors que le soleil était déjà haut dans le ciel et se précipita pour réveiller Blanchefleur car il était tard et elles étaient toutes deux attendues au service de leur Seigneur.
« Partez devant et je vous rejoindrai, lui répondit Blanchefleur mi-endormie, mi-rêvant, mais elle se rendormit aussitôt sans rejoindre Clarissa. Aussi, lorsque Clarissa revint de la fontaine avec son bol d'or et frappa à la porte, elle ne reçut aucune réponse et se précipita chez l'Amiral dans l'espoir de la trouver déjà là. Mais elle n'y était pas.
« Qu'est-ce qui retient Blanchefleur ? demanda l'Amiral, étonné de voir Clarissa seule.
« Sire, lui répondit-elle, elle a prié toute la nuit en lisant son psautier afin de vous souhaiter longue vie et s'est endormie au matin ; elle se repose encore. »
« Quelle bonne résolution, répondit l'Amira ravi, en récompense Blanchefleur va devenir mon épouse. »

Le lendemain, même mésaventure et Clarissa se réveilla une fois encore en retard, alors que le soleil était déjà haut dans le ciel ; une fois encore, elle appela Blanchefleur pour qu'elle se prépare pendant qu'elle allait remplir le bol d'or d'eau à la fontaine et, une fois encore, Blanchefleur, mi-endormie, mi-rêvant, lui répondit « J'arrive » mais se rendormit aussitôt, et Clarissa, se hâtant au service de son maître, ne l'y retrouva point.
« Où se trouve donc Blanchefleur ? » demanda l'Amiral.
« Sire, je l'ai appelée au passage en allant à la fontaine remplir d'eau mon bol d'or et elle m'a répondu qu'elle arrivait. »

Surpris, l'Amiral dit à son chambellan d'aller voir la raison du retard de Blanchefleur ; le chambellan se hâta d'aller jusqu'à sa chambre, resplendissante de pierres précieuses. Mais là, il trouva les amoureux dans les bras l'un de l'autre et, prenant Fleur pour Clarissa, n'eut pas le courage de les réveiller et retourna en hâte dire à son Seigneur comme leur sommeil était profond ; mais hélas, Clarissa était là, bien réveillée.
L'Amiral, fou de rage, blêmit.