Le roman et ses personnages : visions de l’homme et du monde/Quelques romans sur le nouveau roman

Leçons de niveau 12
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Quelques romans sur le nouveau roman
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Chapitre no 3
Leçon : Le roman et ses personnages : visions de l’homme et du monde
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« Le roman n'est plus l'écriture d'une aventure, mais l'aventure d'une écriture. »
— Jean Ricardou

  • 1942 : fondation des Editions de Minuit dans la clandestinité par Vercors. Elles deviennent à la Libération la référence de la modernité en littérature.
  • 1948 : direction de Jérôme Lindon, qui réunit les principaux artisans de la nouvelle expérimentation en matière de roman.
  • 1953 : Roland Barthes, Le Degré zéro de l'écriture. Il fonde ce qu'on appellera la Nouvelle Critique.
  • 1957 : La Modification de Butor obtient le prix Renaudot. La même année paraissent Fin de partie de Beckett, Tropismes de Sarraute, La Jalousie de Robbe-Grillet.
  • 1960 : « Manifeste des 121 » pour le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie.
  • 1961 : L'année dernière à Marienbad, film d'Alain Resnais sur un scénario de Robbe-Grillet.
  • 1971: Colloque de Cerisy-la-Salle, qui officialise l'appellation « Nouveau Roman ».
  • 1984 : L'Amant de Duras obtient le prix Goncourt.
  • 1985: Claude Simon obtient le prix Nobel de littérature.

L'expression « Nouveau Roman » est due à Émile Henriot qui l'employa dans un article du Monde, le 22 mai 1957, pour rendre compte de La Jalousie d'Alain Robbe-Grillet et de Tropismes de Nathalie Sarraute. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une école, encore que ses principaux créateurs aient été fédérés par les Éditions de Minuit et que certains d'entre eux n'aient pas rechigné à être étudiés sous cette bannière. Mais leurs euvres sont en réalité fort différentes et ont évolué diversement. Pour l'essentiel, les « Nouveaux Romanciers » contestent le roman de type balzacien : ils sont en cela influencés par certains romanciers étrangers (Kafka, Virginia Woolf), mais l'influence de Stendhal et de Flaubert est aussi notable, ainsi que celle de L'Étranger d'Albert Camus ou de La Nausée de Jean-Paul Sartre.

Leur première dénonciation vise le personnage traditionnel, reflet d'une confiance dépassée dans la nature humaine. A la peinture des caractères, « soupçonnée » de transporter des valeurs idéologiques, le Nouveau Roman préfère l'exploration des flux de conscience. Devenus anonymes et ambigus, les personnages évoluent du même coup dans une intrigue énigmatique. En effet le Nouveau Roman fait aussi le procès de la connaissance en se limitant à ce subjectivisme : l'étrangeté du monde, soulignée par la minutie des descriptions (c'est ainsi que ces romanciers se réclament d'un « nouveau réalisme »), sollicite une participation accrue du lecteur.

La mort des personnages[modifier | modifier le wikicode]

Le roman s'affirme en tant que genre au moment où la bourgeoisie triomphante promeut ses valeurs, en ce début du XIXe siècle où le Romantisme valorise les effusions du moi et sacralise l'individu. Le Nouveau Roman est, au contraire, le produit d'une époque qui voit s'imposer les masses et doute de la nature humaine. A la suite de Freud, en outre, on ne sait que trop combien est douteuse la psychologie traditionnelle. Pour toutes ces raisons, le personnage dans le Nouveau Roman, souvent privé de nom, parfois réduit à une initiale, subit les conséquences d'une mutation profonde des mentalités et des structures sociales.

L'exploration des flux de conscience[modifier | modifier le wikicode]

Le Nouveau Roman est une fiction de l'intime. Il ne s'agit pas ici, bien entendu, de l'exploration morale d'un sujet qui se livrerait au lecteur au sein du projet concerté de quelque journal ou confession. Les romanciers du XIXe siècle avaient tenté déjà de saisir les méandres de la conscience à l'instant où elle se fait la plus secrète et la moins contrôlée : cela se traduisait, chez Flaubert ou Zola notamment, par une utilisation continue du discours indirect libre. Avec les Nouveaux Romanciers, c'est l'intrigue tout entière qui se trouve subordonnée à la conscience parcellaire d'un sujet. Pour Nathalie Sarraute, les tropismes (ce que l'on a aussi appelé sous-conversation) sont ces « mouvements indéfinissables qui glissent très rapidement aux limites de la conscience; ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir. Ils me paraissaient et me paraissent encore constituer la source secrète de notre existence. […] Rien ne devait en distraire celle du lecteur : ni caractères des personnages, ni intrigue romanesque à la faveur de laquelle, d'ordinaire, ces caractères se développent, ni sentiments connus et nommés. À ces mouvements qui existent chez tout le monde et peuvent à tout moment se déployer chez n'importe qui, des personnages anonymes, à peine visibles, devaient servir de simple support. » (Le langage dans l'art du roman, 1970).