Le roman et la nouvelle au XIXe siècle : le réalisme et le naturalisme/Annexe/Le narrateur et point de vue

Leçons de niveau 11
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Les types de narrateurs[modifier | modifier le wikicode]

Il existe deux types de narrateurs ou deux statuts possibles pour le narrateur :

  • le narrateur-personnage : le récit est mené à la première personne, le narrateur raconte une histoire à laquelle il participe et dont il est le témoin ou le personnage principal (le héros)
  • le narrateur extérieur à l’histoire : le récit est mené à la troisième personne, le narrateur n’est pas un personnage de l’histoire, il ne participe pas aux événements. Ce qui n’empêche qu’il peut intervenir dans son histoire pour y faire des commentaires.


Les différents points de vue, ou focalisations, et leurs effets[modifier | modifier le wikicode]

Dans un récit, le narrateur a le choix entre trois points de vue ou trois types de focalisation.

Le point de vue omniscient ou focalisation zéro[modifier | modifier le wikicode]

Le narrateur voit tout et sait tout, se déplace dans le temps et l’espace, nous livre les pensées et le passé des personnages. Le narrateur est en position dominante comme un dieu, un historien, un chef d’orchestre. Cela permet de fournir au lecteur beaucoup d’informations qui lui permettront de mieux comprendre l’intrigue et les personnages.

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Wikisource possède une page à propos de « Pierre et Jean/1 ».

« Mme Roland, une femme de quarante-huit ans et qui ne les portait pas, semblait jouir, plus que tout le monde, de cette promenade et de cette fin de jour.

Ses cheveux châtains commençaient seulement à blanchir. Elle avait un air calme et raisonnable, un air heureux et bon qui plaisait à voir. Selon le mot de son fils Pierre, elle savait le prix de l’argent, ce qui ne l’empêchait point de goûter le charme du rêve. Elle aimait les lectures, les romans et les poésies, non pour leur valeur d’art, mais pour la songerie mélancolique et tendre qu’ils éveillaient en elle. Un vers, souvent banal, souvent mauvais, faisait vibrer la petite corde, comme elle disait, lui donnait la sensation d’un désir mystérieux presque réalisé. Et elle se complaisait à ces émotions légères qui troublaient un peu son âme bien tenue comme un livre de comptes.

Elle prenait, depuis son arrivée au Havre, un embonpoint assez visible qui alourdissait sa taille autrefois très souple et très mince. »
Maupassant, Pierre et Jean (1887), Chapitre I

Le point de vue interne ou focalisation interne[modifier | modifier le wikicode]

Le narrateur voit à travers le regard et les sentiments d’un personnage de l’histoire. Le lecteur ne connait donc que ce que ce personnage sait, voit, ressent, comprend. Le fait que le lecteur connaisse ce personnage de l’intérieur peut lui permettre de s’identifier à lui, de partager ses émotions et ses pensées. Cela permet aussi de maintenir du suspense car le lecteur n’en sait pas plus que le personnage concerné par le point de vue interne.

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Wikisource possède une page à propos de « Pierre et Jean/2 ».

« Tout près de lui soudain, dans la tranchée large et noire ouverte entre les jetées, une ombre, une grande ombre fantastique, glissa. S’étant penché sur le parapet de granit, il vit une barque de pêche qui rentrait, sans un bruit de voix, sans un bruit de flot, sans un bruit d’aviron, doucement poussée par sa haute voile brune tendue à la brise du large.

Il pensa : « Si on pouvait vivre là-dessus, comme on serait tranquille, peut-être ! » Puis ayant fait encore quelques pas, il aperçut un homme assis à l’extrémité du môle.

Un rêveur, un amoureux, un sage, un heureux ou un triste ? Qui était-ce ? Il s’approcha, curieux, pour voir la figure de ce solitaire ; et il reconnut son frère. »
Maupassant, Pierre et Jean (1887), Chapitre II

Le point de vue externe ou focalisation externe[modifier | modifier le wikicode]

Le narrateur est comme un simple observateur extérieur et anonyme qui ne sait rien de plus que ce qu’il peut voir de l’endroit où il se trouve. Impression que la scène est objective, qu’on est dans l’œil d’une caméra. Laisse une plus grande liberté au lecteur pour imaginer l’histoire, les sentiments des personnages… Permet aussi de maintenir du suspense, de créer un effet d’attente.

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Wikisource possède une page à propos de « Pierre et Jean/3 ».

« Trois buveurs fumaient leurs pipes, accoudés aux tables de chêne, la caissière lisait un roman, tandis que le patron, en manches de chemise, dormait tout à fait sur la banquette.

Dès qu’elle l’aperçut, la fille se leva vivement et, venant à lui :

— Bonjour, comment allez-vous ?

— Pas mal, et toi ?

— Moi, très bien. Comme vous êtes rare ?

— Oui, j’ai très peu de temps à moi. Tu sais que je suis médecin.

— Tiens, vous ne me l’aviez pas dit. Si j’avais su, j’ai été souffrante la semaine dernière, je vous aurais consulté. Qu’est-ce que vous prenez ?

— Un bock, et toi ?

— Moi, un bock aussi, puisque tu me le payes.

Et elle continua à le tutoyer comme si l’offre de cette consommation en avait été la permission tacite. Alors, assis face à face, ils causèrent. »
Maupassant, Pierre et Jean (1887), Chapitre III

Bilan[modifier | modifier le wikicode]

Contenu narratif Position du lecteur Effet produit
Focalisation externe Actions, gestes, dialogues des personnages : leurs pensées sont inconnues du lecteur. Récit à la troisième personne, souvent en début de roman. Narrateur invisible. Libre d’imaginer ce que pensent, ressentent les personnages à partir des informations extérieures données. Impression d’objectivité, d’impartialité
Focalisation interne Pensées et sentiments d’un personnage. Les pensées des autres personnages ne sont pas accessibles. Récit à la première ou troisième personne. Le narrateur se confond avec un ou plusieurs personnages. Découverte des lieux, des événements, des autres personnages à travers de ce personnage privilégié qui analyse la situation à sa manière, selon sa sensibilité. Proximité, intimité, complicité entre le lecteur et le personnage : identification facilitée.
Focalisation zéro ou infinie Le narrateur voit et sait tout des personnages : pensées, sentiments, passé, leur passé, leurs psychologie, dans tous les lieux et en même temps. Il n’hésite pas à ajouter commentaire et explication. Le narrateur se confond avec l’auteur. Il détient toutes les informations et en sait plus que tous les personnages réunis. Spectateur très proche du narrateur (Dieu).