Le roman et la nouvelle au XIXe siècle : le réalisme et le naturalisme/Flaubert, L'éducation sentimentale et Zola, L'Assommoir

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Flaubert, L'éducation sentimentale et Zola, L'Assommoir
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Chapitre no 7
Leçon : Le roman et la nouvelle au XIXe siècle : le réalisme et le naturalisme
Chap. préc. :Bilan de Pierre et Jean
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« Et, quand ils furent en haut, Sénécal ouvrit la porte d’un appartement rempli de femmes.

Elles maniaient des pinceaux, des fioles[1], des coquilles, des plaques de verre. Le long de la corniche[2], contre le mur, s’alignaient des planches gravées ; des bribes de papier fin voltigeaient ; et un poêle[3] de fonte exhalait une température écœurante, où se mêlait l’odeur de la térébenthine[4].

Les ouvrières, presque toutes, avaient des costumes sordides[5]. On en remarquait une, cependant, qui portait un madras[6] et de longues boucles d’oreilles. Tout à la fois mince et potelée, elle avait de gros yeux noirs et les lèvres charnues d’une négresse[7]. Sa poitrine abondante saillissait sous sa chemise, tenue autour de sa taille par le cordon de sa jupe ; et, un coude sur l’établi, tandis que l’autre bras pendait, elle regardait vaguement, au loin dans la campagne. À côté d’elle traînaient une bouteille de vin et de la charcuterie.

Le règlement interdisait de manger dans les ateliers, mesure de propreté pour la besogne et d’hygiène pour les travailleurs.

Sénécal, par sentiment du devoir ou besoin de despotisme, s’écria de loin, en indiquant une affiche dans un cadre :

— Hé ! là-bas, la Bordelaise ! lisez-moi tout haut l’article 9.

— Eh bien, après ?

— Après, mademoiselle ? C’est trois francs d’amende que vous payerez !

Elle le regarda en face, impudemment[8].

— Qu’est-ce que ça me fait ? Le patron, à son retour, la lèvera votre amende ! Je me fiche de vous, mon bonhomme !

Sénécal, qui se promenait les mains derrière le dos, comme un pion dans une salle d’études se contenta de sourire.

— Article 13, insubordination, dix francs !

La Bordelaise se remit à sa besogne. Mme Arnoux par convenance, ne disait rien, mais ses sourcils se froncèrent. Frédéric murmura :

— Ah ! pour un démocrate, vous êtes bien dur !

L’autre répondit magistralement :

— La démocratie n’est pas le dévergondage de l’individualisme. C’est le niveau commun sous la loi, la répartition du travail, l’ordre !

— Vous oubliez l’humanité ! dit Frédéric.

Mme Arnoux prit son bras ; Sénécal, offensé peut-être de cette approbation silencieuse, s’en alla. »
Flaubert, L’Éducation sentimentale (1869), partie II, chapitre III

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« Même, si elle boitait un peu, elle tenait ça de la pauvre femme, que le père Macquart rouait de coups. Cent fois, celle-ci lui avait raconté les nuits où le père, rentrant soûl, se montrait d’une galanterie si brutale, qu’il lui cassait les membres ; et, sûrement, elle avait poussé une de ces nuits-là, avec sa jambe en retard.

— Oh ! ce n’est presque rien, ça ne se voit pas, dit Coupeau pour faire sa cour.

Elle hocha le menton ; elle savait bien que ça se voyait ; à quarante ans, elle se casserait en deux. Puis, doucement, avec un léger rire :

— Vous avez un drôle de goût d’aimer une boiteuse.

Alors, lui, les coudes toujours sur la table, avançant la face davantage, la complimenta en risquant les mots, comme pour la griser. Mais elle disait toujours non de la tête, sans se laisser tenter, caressée pourtant par cette voix câline. Elle écoutait, les regards dehors, paraissant s’intéresser de nouveau à la foule croissante. Maintenant, dans les boutiques vides, on donnait un coup de balai ; la fruitière[9] retirait sa dernière poêlée de pommes de terre frites, tandis que le charcutier remettait en ordre les assiettes débandées[10] de son comptoir. De tous les gargots[11], des bandes d’ouvriers sortaient ; des gaillards barbus se poussaient d’une claque, jouaient comme des gamins, avec le tapage de leurs gros souliers ferrés, écorchant le pavé dans une glissade ; d’autres, les deux mains au fond de leurs poches, fumaient d’un air réfléchi, les yeux au soleil, les paupières clignotantes. C’était un envahissement du trottoir, de la chaussée, des ruisseaux, un flot paresseux coulant des portes ouvertes, s’arrêtant au milieu des voitures, faisant une traînée de blouses, de bourgerons[12] et de vieux paletots[13], toute pâlie et déteinte sous la nappe de lumière blonde qui enfilait la rue. Au loin, des cloches d’usine sonnaient ; et les ouvriers ne se pressaient pas, rallumaient des pipes ; puis, le dos arrondi, après s’être appelés d’un marchand de vin à l’autre, ils se décidaient à reprendre le chemin de l’atelier, en traînant les pieds. Gervaise s’amusa à suivre trois ouvriers, un grand et deux petits, qui se retournaient tous les dix pas ; ils finirent par descendre la rue, ils vinrent droit à l’Assommoir[14] du père Colombe.

— Ah bien ! murmura-t-elle, en voilà trois qui ont un fameux poil dans la main !

— Tiens, dit Coupeau, je le connais, le grand ; c’est Mes-Bottes, un camarade. »
Zola, L’Assommoir (1877), chapitre II

  1. Petite bouteille de verre à col étroite. Flacon.
  2. Décoration placée au plafond et qui forme une légère avancée.
  3. Appareil de chauffage clos, où brûle un combustible.
  4. Huile essentielle résineuse durcissant par oxydation à l'air
  5. D'une saleté repoussante, qui dénote une misère extrême. Dégoûtant.
  6. Étoffe à chaîne de soie et trame de coton, de couleurs vives, originaire ou imitée d'une région de l'Inde.
  7. Femme à la peau noire avec une connotation péjorative, voire raciste.
  8. D'une manière impudente, effrontée, insolente.
  9. Commerçante qui vend au détail des fruits et accessoirement des légumes, des laitages frais.
  10. Dérangées
  11. Péjoratif. Restaurant bon marché, où la cuisine et le service manquent de soin.
  12. Courte blouse de travail en grosse toile.
  13. Vêtement de dessus, généralement assez court, boutonné devant. Manteau, pardessus.
  14. nom du café où se sont donnés renez-vous Gervaise et Coupeau.

Question sur corpus[modifier | modifier le wikicode]

Montrez que ces deux textes mettent en évidence des aspects différents de la vie ouvrière du XIXe siècle.[modifier | modifier le wikicode]

Document A (Flaubert) Document B (Zola)
Lieu de travail

une manufacture, une usine pièce, odeur, température, intérieur

Lieu de travail

les boutiques (la fruitière, charcuterie, petits restaurants, marchands de vin, …)

Lieu de vie en dehors du travail

un estaminet, bistrot avec vue sur la rue et les passants (extérieur), quartier populaire (foule composée d'ouvriers)

En plein travail
  • gestes : « elles maniaient des pinceaux » ;
  • accesoires : « pinceaux », « coquiles », « plaques de verre » ;
  • le repas sur place (pause évoquée autour du personnage féminin)
Moment de détente

fin de la pause repas (boire et manger) + moment pour faire connaissance/séduire (Gervaise/Coupeau) moment de joie, de bonne humeur : « jouaient comme des gamins ». « fumaient », paresse (« paresseux », « fameux poil dans la main » « traînant les pieds ».)

Travail de femmes, travail manuel

le même métier : ouvrière dans une faïencerie En grand nombre : « rempli de femmes »

Des métiers variés, pas toujours distingués
  • métiers de bouche (fruitière, charcutier, bistro, vin)
  • ouvriers et ouvrière (« atelier »)

Nombreux > foule, « envahissement »

Tenue de travail / apparence

« costumes sordides » 1 ouvrière différente, corps sensuel-séducteur (« boucles d’oreilles), insolente

Tenue de vie et de travail / apparence

« leurs gros souliers ferrés » « traînée de blouses, de bourgerons et de vieux paletots, toute palie et déteinte Plein de vie : « des gaillards barbus » + une certaine violence des ouvriers qui s’envoient des claques

Conditions de travail difficiles

Pénibilité : odeurs et produits, « température écœurante » Le règlement de l’usine, l’autoritarisme des chefs et les sanctions « Vous êtes bien dur ! »

Avenir sombre pour Gervaise > « à quarante ans, elle se casserait en deux » : conséquence de son handicap ou de son travail ?
Pauvreté et misère dans ce « milieu »

« costumes sordides »

  • « gargots »
  • « vieux paletots »

Points de vue différents :

  • Des femmes vues par des bourgeois (curiosité et surveillance sévère) 
  • Des ouvriers vus par une ouvrière (curiosité mais regard critique)

A quelle(s) sorte(s) de discours rapporté(s) avons-nous affaire ? Vous mettrez en évidence les éléments du texte qui vous ont permis de répondre.[modifier | modifier le wikicode]

Le discours direct domine dans les deux extraits[modifier | modifier le wikicode]

Il est facile à repérer (au moins trois éléments :

  • verbe de parole avant, après ou implicite ;
  • mise en page : retour à la ligne, alinéa, guillemets ou tirets ;
  • types de phrases varié (exclamative, interrogative, déclarative) ;
  • temps du dialogue (impératif, présent d’actualité, futur) ;
  • pronom du dialogue 1re (je) et 2ème personne (vous) ;
  • marque d’oralité : Interjection, phrases non verbales, niveau de langue courant, familier « ça »).
Bonus

Effet recherché : faire entendre la voix des personnages fait partie du projet réaliste-naturaliste (représenter aussi la manière de parler d’un milieu)

Le second extrait propose des manières de rapporter les propos plus variées [modifier | modifier le wikicode]

  • L’extrait s’ouvre par un passage au DIL 
    • Marques d’oralité comme au DD : « Même, », « ça »
    • Les propos ne sont pas insérés après un verbe de parole dans une proposition subordonnée (idem DD)
    • Modifications des propos comme au DI :
      • Décalage vers le passé des temps : présent > imparfait (boitait), passé composé > plus-que-parfait (avait raconté)
      • Pronom de 3ème personne au lieu de la 1ère : « Même, si elle boitait un peu… »
    • Hésitation sur la voix
      • « elle avait poussé une de ces nuits-là, avec sa jambe en retard » > expressions humoristiques simples qui peuvent venir de Gervaise ?
      • « galanterie si brutale » (euphémisme + oxymore) plutôt narrateur ?

Bonus Moins réaliste mais plus rapide + plus clair ici pour indiquer le milieu et l’hérédité (violence conjugale, alcoolisme) et par là le personnage et son destin (projet naturaliste).

  • DN 
    • « Alors, lui, les coudes toujours sur la table, avançant la face davantage, la complimenta en risquant les mots, comme pour la griser. Mais elle disait toujours non de la tête, sans se laisser tenter, caressée pourtant par cette voix câline. »
    • Résumé des propos séducteurs du personnage ; au lecteur, d’imaginer les paroles.
    • rapide → intéressant, paroles de la séduction de Coupeau que Gervaise, elle-même écoute à peine.

Commentaire sur L'Assommoir, première partie[modifier | modifier le wikicode]

Introduction[modifier | modifier le wikicode]

  • 1 seul paragraphe avec alinéa
  • Une accroche simple (extrait, auteur, titre, date…) ou plus élaborée (bio, mouvement…) à valoriser.
  • Une problématique claire et pertinente
  • L’annonce des deux parties du plan

Problématique possible[modifier | modifier le wikicode]

En quoi dans cet extrait, Zola ne se contente pas de représenter méticuleusement et fidèlement un milieu social particulier mais dénonce les conditions dans lesquelles vivent ses personnages ?

Sur l’extrait de L’Assommoir d’Emile Zola, nous vous proposons le plan suivant :

  1. Une description réaliste du monde ouvrier
  2. Un regard critique sur cet univers

Développement de la 1re partie[modifier | modifier le wikicode]

Une description réaliste du monde ouvrier (au moins deux sous-parties appuyées sur des références précises à l’extrait)

  • Une scène de la vie quotidienne :
    • une rencontre sentimentale
    • un moment de détente : la pause-repas des ouvriers
  • Une description précise d’un « milieu » 
    • Le langage familier des ouvriers
    • vêtements, loisirs, comportements
    • Ses vices et ses défauts : alcoolisme, violence (conjugale notamment), paresse
    • Mais aussi sa vitalité, sa joie de vivre : Gervaise séduite, les ouvriers s’amusant ou profitant du moment
  • Une « classe sociale » sous le signe de la variété et de la multitude
    • Le peuple ouvrier
    • Les ouvriers des ateliers
    • Les métiers de bouche
Bonus
  • Une stratégie d’écriture qui vise à faciliter l’identification au personnage : de la confidence sur soi au regard sans concession sur les autres
  • Connaissance du milieu sous la forme d’un témoignage du personnage : DIL/DD
  • Point de vue interne (Gervaise) pour la description de la rue et d’autres personnages qui partagent ses conditions d’existence mais vis-à-vis desquels elle a quelques réserves → transition possible vers la seconde partie