La tragédie et la comédie au XVIIe siècle : le classicisme/Molière, L'Avare

Leçons de niveau 11
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Molière, L'Avare
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Chapitre no 1
Leçon : La tragédie et la comédie au XVIIe siècle : le classicisme
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Vieil avare, Harpagon vient de s’apercevoir qu’on a lui dérobé sa cassette d’argent enterrée dans son jardin. Le public sait que le valet de son fils est l’auteur du vol, mais le bourgeois totalement désemparé l’ignore.

« Harpagon, criant au voleur dès le jardin, et venant sans chapeau.
   Au voleur ! au voleur ! à l’assassin ! au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné ; on m’a coupé la gorge : on m’a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu’est-il devenu ? Où est-il ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où courir ? Où ne pas courir ? N’est-il point là ? n’est-il point ici ? Qui est-ce ? Arrête. (À lui-même, se prenant par le bras.) Rends-moi mon argent, coquin… Ah ! c’est moi ! Mon esprit est troublé, et j’ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas ! mon pauvre argent ! mon pauvre argent ! mon cher ami ! on m’a privé de toi ; et puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie : tout est fini pour moi, et je n’ai plus que faire au monde. Sans toi, il m’est impossible de vivre. C’en est fait ; je n’en puis plus ; je me meurs ; je suis mort ; je suis enterré. N’y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m’apprenant qui l’a pris. Euh ! que dites-vous ? Ce n’est personne. Il faut, qui que ce soit qui ait fait le coup, qu’avec beaucoup de soin on ait épié l’heure ; et l’on a choisi justement le temps que je parlais à mon traître de fils. Sortons. Je veux aller quérir la justice, et faire donner la question à toute ma maison ; à servantes, à valets, à fils, à fille, et à moi aussi. Que de gens assemblés ! Je ne jette mes regards sur personne qui ne me donne des soupçons, et tout me semble mon voleur. Hé ! de quoi est-ce qu’on parle là ? de celui qui m’a dérobé ? Quel bruit fait-on là-haut ? Est-ce mon voleur qui y est ? De grâce, si l’on sait des nouvelles de mon voleur, je supplie que l’on m’en dise. N’est-il point caché là parmi vous ? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu’ils ont part, sans doute, au vol que l’on m’a fait. Allons, vite, des commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des potences, et des bourreaux ! Je veux faire pendre tout le monde ; et si je ne retrouve mon argent, je me pendrai moi-même après. »
Molière, L'Avare (1671) Édition Louandre 1910, Acte IV, scène 7

Analyse[modifier | modifier le wikicode]

Etapes de la méthode Application
Repérez les mots clefs de la question (un mot-clef renseigne sur le thème, le genre, le registre, le type de texte, le courant littéraire, etc…).
  • source : forme de comique (de gestes, de caractère, de mots, de situation)
  • monologue : personnage parle seul
  • comique : fait rire
Expliquez les mots clefs sur une feuille de brouillon.
Repérez le type de tâche à effectuer en cadrant le ou les mot(s) indiquant le travail à effectuer. Identifier et analyser : justifier, repérer, prouver, expliquer
Effectuez les premiers repérages et les premiers regroupements :
  • repérez des éléments variés
  • expliquer les procédés utilisés
  • choisir des citations précises (entre guillemets) et les recopier avec précision et exactitude. En cas de modifications, utiliser des crochets [il] ; en cas de coupe, utiliser le signe […]
  • analyser les citations (procédés d’écriture et effets produits)
  • intégrer l'ensemble à un paragraphe entièrement rédigé
  • Source de comique no 1 : comique de mots
    • Justification no 1 : extrême colère, hallucinations, folie
      • Procédés : ordres ou interrogations à des destinaires imaginaires, cris, insultes…
      • Citations : « Qui est-ce ? Arrête ! […] Rends-moi mon argent, conquin ! … »
    • Justification no 2 : état d'agitation, réaction excessive
      • Procédés : personnification affective de la cassette (cit. no 1) et hyperboles (cit. no 2)
      • Citations : (1) « Mon cher ami, on m'a privé de toi », « sans toi, il m'est impossible de vivre » ; (2) « à l'assassin ! au meurtrier ! », « Je suis perdu, je suis assassiné ! On m'a coupé la gorge », « si je ne trouve mon argent, je me pendrai moi-même ».
    • Analyse : personnification de la cassette et déterminants possessifs affectueux > rire du spectateur face à ses excès
    • à haute voix à lui-même
    • à des personnes imaginaires (hallucination)
    • hyperboles (son argent : ami ; ennemi > assassin/meurtrier ; le coupable > tout le monde)
    • le public est interpellé : comique
  • Source de comique no 2 : comique de gestes
    • Explication : Harpagon s'empoigne lui-même sans se reconnaître, donnant l’illusion d'un dédoublement de personnalité.
    • Citation : « Il se prend lui-même le bras »
    • A moment, Harpagon prend son propre bras croyant attrapé le voleur. Sa réaction à ce vol est disproportionnée/exagérée
    • souffrance extrême
    • parle à lui-même

Commentaire[modifier | modifier le wikicode]

Le registre comique est prédominant dans ce monologue. En effet, l'enjeu de ce texte est avant tout de faire rire les spectateurs.

En premier lieu, le personnage d'Harpagon suscite le rire par l'excès disproportionné de sa réaction face au vol : il semble aimer autant son argent qu'il pourrait aimer un ami, puisqu'il le personnifie et emploie des termes et des adjectifs possessifs affectueux. Les expressions affectives « mon cher ami, on m'a privé de toi » et « Sans toi, il m'est impossible de vivre » permettent effectivement de rendre compte de l'état d'agitation dans lequel se trouve le personnage. De même, dès les premières lignes, il n'hésite pas à qualifier ce vol de pur assassinat, il en appelle « au meurtrier » et il jure qu'« on [lui] a coupé la gorge ». À la fin de la tirage, Harpagon envisage même sa propre mort : « et, si je ne retrouve mon argent, je me pendrai moi-même après ! ».

Dans un second temps, nous constatons que la perte de son argent lui est si douloureuse qu'Harpagon devient victime d'hallucinations ridicules : la didascalie nous informe qu'il pense arrêter le voleur en « se pren[ant] lui-même le bras ».

À ces comiques de caractère et de mots puis de geste s'ajoute enfin le comique de répétition. L'esprit égaré, Harpagon ne sait que faire ni que dire ; il s'exclame et s'agite en tous sens, incapable de formuler un discours clair et organisé. Il se répète : « au voleur ! », « je suis », « on m'a », « n'est-il point », « mon pauvre argent » ce qui ne peut manquer de provoquer le rire des spectateurs.

Ainsi, le registre comique, en même temps qu'il distrait le public, crée une distance entre le personnage et lui, distance nécessaire à la réflexion et à l'esprit critique des spectateurs.