La période classique de Comte à Weber/Aux racines de l'individualisme méthodologique : Simmel et Weber. Vers des approches sociologiques plus riches

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Aux racines de l'individualisme méthodologique : Simmel et Weber. Vers des approches sociologiques plus riches
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Chapitre no 3
Leçon : La période classique de Comte à Weber
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Aux racines de l'individualisme méthodologique : Simmel et Weber. Vers des approches sociologiques plus riches[modifier | modifier le wikicode]

À côté de ces deux grandes doctrines, certaines pensées sociologiques dès la fin du XIXe siècle s'avèrent beaucoup moins teintées par les conflits idéologiques du siècle. Nous en retenons ici deux qui ont fortement influencés la sociologie du XXe siècle : la sociologie compréhensive de Max Weber, la sociologie de Georg Simmel qui a inspirée l'interactionnisme américain. Toutes deux ont en commun de se focaliser sur les interactions humaines (en les complexifiant) et de s'écarter d'une conception trop déterministe de l'Homme. Ces deux auteurs noueront d'ailleurs certaines relations entre eux.

La sociologie compréhensive de Weber[modifier | modifier le wikicode]

La pensée de Weber prend source dans l'institutionnalisme allemand et dans l'école historique allemande. C’est l'un des premiers sociologues à développer une approche compréhensive de la société, il s'écarte en cela de la sociologie positiviste. En plus de ses analyses sociologiques, c’est dans sa méthode que réside le principal apport de la sociologie de Weber. Voici quels en sont les grands traits :

  • Le refus des explications déterministes en sciences sociales, au profit de la pluralité des causes, de la singularité historique et culturelle, du probabilisme et du libre-arbitre. Ce qui n'empêche pas la prise en compte de contraintes qui infléchissent le comportement.
  • La neutralité axiologique. Le savant doit savoir écarter ses opinions et suspendre ses jugements quand il observe les évènements.
  • La sociologie se doit d'étudier l'action sociale ou l'activité sociale, c'est-à-dire « une science qui se propose de comprendre par interprétation l'activité sociale et par là d'expliquer causalement son déroulement et ses effets. Nous entendons par « activités » un comportement humain (...) quand et pour autant que l'agent ou les agents lui communiquent un sens subjectif. Et par activité « sociale », l'activité qui, d’après son sens visé par l'agent ou les agents, se rapporte au comportement d'autrui, par rapport auquel s'oriente son déroulement. »
  • L'activité sociale doit être en premier lieu interprétée, le sociologue reconstruit le sens que l'individu sonne à ses actions, l'action sociale étant le produit des décisions prises par l'individu. Elle doit ensuite être expliquée, en tenant compte que les individus ne sont pas forcément maîtres de toutes les conséquences de leurs actions.
  • Le recours à des catégories qui ne sont pas des représentations exactes du monde mais qui accentuent délibérément certains traits. Ce sont des idéaux-types.
  • La prise en compte des facteurs historiques qui implique de recourir à l'analyse historique.
  • Enfin, il tend à développer en s'inspirant de Nietzsche, une position épistémologique relativiste.

Muni de cette méthodologie, Weber va développer sa réflexion sociologique dans 3 directions :

  • L’analyse de l'action. Il distingue quatre idéaux-types d'actions : l'action traditionnelle qui se rattache à la coutume et à l'habitude ; l'action rationnelle en valeur, mue par des valeurs éthiques, esthétiques ou religieuses ; l'action affective, guidée par les passions ; l'action rationnelle en finalité, tournée vers un but utilitaire d'adéquation entre les fins et les moyens. Il rattache à ces actions des types de domination (chance de trouver une personne déterminée prête à obéir à un ordre de contenu déterminé) qui s'accompagnent d'une forme de légitimité dont la fonction est de normaliser ce qui est. Cette légitimité n'est qu'une forme de croyance sociale qui valide le pouvoir détenu par les dominants. Il propose 3 types de domination : la domination traditionnelle qui fonde sa légitimité sur le caractère sacré de la tradition, la domination charismatique, liée à la personne, la domination légale, liés à la fonction, la compétence, la rationalité, ....
  • Weber étudie la rationalisation du monde moderne comme nous l'avons vu plus haut.
  • Enfin il montre, à partir d'une étude historique très poussée, le lien entre économie et religion. Il va ainsi montrer que le développement du capitalisme est en partie lié au culte protestant.

L'influence de Weber sur la sociologie sera très importante. Un auteur comme Schütz, créateur de la sociologie phénoménologique s'en inspirera très largement.

La sociologie qualitative de Georg Simmel[modifier | modifier le wikicode]

Autre penseur allemand considéré comme l'un des fondateurs de la sociologie contemporaine, Georg Simmel. Celui-ci pointe son analyse non sur les individus isolés ou sur les totalités sociétales, mais sur les actions réciproques, les interactions entre les individus. Mais il ne les aborde pas d'une manière unidimensionnelle, il les appréhende dans toutes leurs richesses, et notamment dans leur dimension affective et passionnelle, renouant en cela avec le romantisme allemand du XIXe siècle. Le fondement du rapport social chez Simmel peut se comprendre à travers la notion de forme qu’il emprunte à Kant. Pour lui, l'homme est confronté à la finitude subjective, et afin de donner sens à sa vie, il crée des formes abstraites (idées, valeurs, relations sociales, ...) qui ordonnent ses multiples passions. Mais ces formes en s'autonomisant finissent par faire obstacle au désir de liberté des individus. Chaque être cherche à détruire et à dépasser des formes existantes par d'autres formes. C’est dans ce mouvement que les individus trouvent leur identité. À l'origine de toute vie sociale, il y a une forme élémentaire : l'action réciproque. Elle semble être pour Simmel d'une importance capitale, car toute interaction peut être considérée comme un échange, et l'individuation se crée en fonction de ces interactions. La sociologie devient donc la science des actions réciproques ou des formes propres à la vie sociale (conflits, solidarité, passions, associations, échanges, etc.). C’est à travers ces interactions vécues et des formes sociales que la vie en société se construit. Comment étudier ces formes sociales ? Simmel leur attribue certaines propriétés, mais toujours contextuelles. Elles sont, une fois inscrite dans la vie sociale douée d'une certaine autonomie, elles se reproduisent, se diffusent, se mêlent entre elles selon des logiques propres. En outre, les relations entre les formes se construisent dans un premier temps à partir d'un processus d'agrégation. Les formes complexes résultent de la combinaison de formes plus simples, et il revient au sociologue le rôle de décrire comment se déroule cette agrégation sans s'égarer dans l'universalisme. Par exemple la forme du secret se répercute à différents étages sociaux, et modèle aussi bien les interactions proches (ce qui est familier, ce à quoi on peut s'identifier) que les relations interindividuelles lointaines (ce qui est lointain et parfois incompréhensible : gouvernement, justice, étrangers, etc.). Même les changements sociaux de grande envergure se construisent donc dans les formes sociales les plus simples, car les mutations au niveau individuel se répercutent sur le niveau le plus général. L'étude des formes sociales requiert alors qu'on les étudie toujours dans leur singularité. Simmel s'oppose à une vision abstraite, froide et universaliste des relations sociales (ce qui l'oppose à Weber), ou à la détermination de régularités entre les enchaînements de formes. Les relations se construisent dans les sentiments et interfèrent avec toute sorte de phénomènes abstraits (religion, capitalisme, etc.). Cette limite théorique conduit Simmel à rompre avec une épistémologie fondée sur la preuve. Ce qui garantit la fiabilité d'une description sociologique, c’est sa capacité à éveiller chez l'individu une nouvelle ou une meilleure compréhension des phénomènes. Grâce à elle, il parvient à ordonner de manière synthétique certaines sensations et réflexions diffuses et chaotiques, un peu à la manière de ce qu'on éprouve quand on lit un roman. Simmel anticipe donc ici les développements ultérieurs de la sociologie interactionniste américaine et de la méthode qualitative; il constitue par conséquent un penseur charnière entre la sociologie classique et la sociologie contemporaine.