La nature/L'être humain et la nature

Leçons de niveau 13
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L'être humain et la nature
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Chapitre no 2
Leçon : La nature
Chap. préc. :Morale et politique de la nature
Chap. suiv. :Science de la nature
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La question de la "nature humaine" est-elle pertinente ? Peut-on parler d'un propre de l'homme, qui le distinguerait des autres animaux ? On peut aussi penser à un désir de retour à la nature.

Un matériau premier[modifier | modifier le wikicode]

Si vous étudiez le latin, vous avez peut-être déjà traduit des extraits de De rerum natura (de la nature), poème philosophique de Lucrèce (épicurien romain). Voulant dissiper les ténèbres de la superstition, notamment envers les dieux, par l'observation de la nature, Lucrèce raisonne par l'absurde pour établir que rien ne naît de rien. Sans cela, toute espèce produirait tout type d'espèce et vivrait dans n'importe quel environnement. Or, l'organisation de la nature est telle que les choses semblent causées par un matériau premier : il s'agit de l'atome (atomos = indivisible en grec). Les êtres sont fondés par des géniteurs, qui sont formés de "germes finis", et se développent dans un environnement propice.

Certaines propositions de Lucrèce peuvent évoquer la maxime de Lavoisier au sujet de la matière : Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

Éducation naturelle, humaine ou des choses[modifier | modifier le wikicode]

Dans l'Émile, un traité d'éducation, Rousseau opère une analogie entre l'action de cultiver les plantes et l'éducation. Selon lui, il est souhaitable que l'être humain naisse faible. S'il était né fort, il n'aurait pas su disposer de ses forces. L'acquisition et l'apprentissage de celles-ci proviennent de l'éducation. Cette dernière a trois origines : la nature (développement du corps et des facultés), l'être humain (usage de ces facultés) et les choses ("acquis de notre propre expérience sur les sujets qui nous affectent"). Ces trois maîtres, pour que l'éducation fonctionne, ne doivent pas se contredire. La nature est incontrôlable, les choses contrôlables en partie, et l'être humain contrôlable de manière incertaine. L'éducation est un art (et non une science) en ce qu'elle ne dépend pas de nous et ne peut donc pas réussir de manière systématique. Dans la mesure où l'on cherche une homogénéité dans les composantes de l'éducation, il faut suivre l'éducation de la nature, que nous ne maîtrisons pas.

Les capacités humaines sur la nature[modifier | modifier le wikicode]

Dans son Novum organum (1620), Francis Bacon évoque la nature. Son texte, qui prend la forme de thèses, de propositions successives, traite de notre rapport à la nature. Le philosophe écrit ici à l'encontre de deux théories opposées, l'une, sceptique, selon laquelle la nature recèle des secrets impénétrables, l'autre, dogmatique, selon laquelle la compréhension de la nature nous est accessible. Bacon pose les limites du pouvoir humain sur la nature : celui-ci se résume à l'expérience et à l'observation, il a besoin d'instruments (au sens littéral, les instruments de la main, comme au sens non-littéral, les instruments de l'intelligence). Seule l'obéissance envers la nature permet de triompher. L'être humain, en transformant la nature, ne fait qu'assembler ou séparer, mais n'a pas de prise sur la constitution de la nature. Bacon donne des exemples de personnes transformant la nature (on remarque donc un lien thématique entre ce fait et celui de la phrase précédente), mais celles-ci (médecin, alchimiste, mathématicien…) n'obtiennent que peu de résultat. Enfin, Bacon appelle à essayer de nouveaux moyens pour accomplir ce que l'on n'a jamais réussi à faire : puisque les résultats obtenus sont médiocres, la question implicite est : comment les améliorer ? (C'est donc une question de philosophie pratique). C'est une façon, que l’on pourrait qualifier d'empiriste, de penser que les mêmes causes produisent les mêmes effets. L'empirisme est présent dans ce texte puisqu'il y est question d'apprentissage et d'action par l'observation.

Le charme de la botanique[modifier | modifier le wikicode]

Dans Les Rêveries du promeneur solitaire, Rousseau s'abandonne au plaisir d'observer les végétaux et de faire de la botanique. Il y mène une démarche à la fois esthétique et scientifique, et admiration et étude se mêlent. Contrairement aux astres lointains, les plantes sont faciles à observer, moins d'instruments sont nécessaires. Pour Rousseau, l'étude de la botanique doit rester une fin, et non un moyen (de devenir auteur, professeur…), sans quoi le charme de la botanique n'opère plus. Il s'agit d'observer les végétaux dans la nature, et non de s'occuper de "système" et de "méthode".

Le sublime de la nature[modifier | modifier le wikicode]

Vous avez certainement déjà contemplé des paysages impressionnants, qui semblent puissants et magnifiques dans leur puissance. Schopenhauer écrit au sujet du spectacle impressionnant que peut offrir la nature, dans Le Monde comme volonté et comme représentation (1819). Ce sublime s'offrant à nos sens est la concrétisation de notre volonté brisée, en contraste avec notre aspect de sujet spectateur indifférent des Idées de ces objets (le terme d'idée, qui signifie étymologiquement "forme", provient certainement de Platon). C'est de ce contraste que naît le Sublime. Le spectateur d'une terrible nature (s'ensuit une description très imagée de la mer déchaînée, évocatrice, pensons au Voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar David Friedrich. Ce rapprochement provient de l'aspect romantique de ce tableau comme de Schopenhauer) s'appréhende ainsi comme organisme, comme phénomène qui est sans cesse menacé par l'immensité de la nature. Cependant, il est aussi un spectateur calme et impassible, pour qui la puissance menaçante de la nature est représentation. C'est ainsi que la supériorité de la nature sur l'être humain n'est que relative (et non absolue).

La frontière entre nature et culture[modifier | modifier le wikicode]

L'anthropologue du vingtième siècle Claude Lévi-Strauss, dans Les Structures élémentaires de la parenté (1949), évoque les règles et leur appartenance à la nature et à la culture. Faute d'analyse réelle, on peut recourir à une analyse idéale pour tenter d'expliquer en quoi l'être humain fait s'articuler les faits naturels et culturels. Les règles sociales, plutôt que, par exemple, la technique, constituent ce point d'articulation. Ainsi, alors que l'universel est naturel et la règle particulière culturelle, ce que l'on nomme interdiction de l'inceste (sachant que la répression est plus ou moins forte, et que l'inceste concerne des parents plus ou moins éloignés) est une règle, tout en étant universelle.