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Anthropologie des réseaux sociaux/L'influence du genre dans Discord

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L'influence du genre dans Discord, exemple des teams de Scantrad de Webtoon
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Leçon : Anthropologie des réseaux sociaux
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Introduction : le genre à l'ère connectée

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À l'ère du numérique, les réseaux sociaux sont devenus incontournables et ne sont plus de simples plateformes d'échange d'information comme à l'époque du Minitel. Ils permettent à des individus du monde entier de se rencontrer et d'interagir autour d'intérêts communs, formant ainsi des communautés en ligne dynamiques, façonnant nos rapports au monde, modifiant les identités et modelant des comportements.

Parmi ces communautés virtuelles qui se croisent, s'entrechoquent et émergent dans ce théâtre d'interactions, les teams de scantrad occupent une place particulière. Dédiées à la traduction non officielle de mangas et de webtoons, elles ont progressivement enrichi des espaces comme Discord, une plateforme numérique qui redéfinit les rapports en oscillant entre reproduction inconsciente des stéréotypes de genre et émergence de nouvelles normes sociales et formes de collaboration. Ces équipes, majoritairement bénévoles, mêlant passion, collaboration et structures invisibles de pouvoir, constituent un terrain d'étude riche et actuel, pour comprendre l'influence du genre à travers leurs dynamiques internes traversées par de multiples tensions et des enjeux sociaux.

De manière anthropologique et dans une perspective numérique, ce chapitre propose un voyage critique et sensible à travers un siècle d'évolution des rapports de genre en Occident, partant des carcans éducatifs donnés aux petites filles et aux petits garçons jusqu'aux filtres algorithmiques des réseaux sociaux.

Comme le soulignent les travaux de Pierre Lévy[1], le cyberespace n'est pas simplement un monde parallèle, mais bien une extension du monde social. De son côté, Dominique Cardon[2] rappelle que ces algorithmes ne sont pas neutres. Ils amplifient certaines logiques sociales déjà en place dans le monde réel. Car dans cette ère du numérique, les normes de genre n'ont pas disparu. Elles ont muté, s'insinuant dans les flux de données, les publicités ciblées sur les réseaux sociaux, les suggestions de lecture sur les sites de mangas, et ce, jusqu'aux dynamiques d'une team de scantrad des webtoons.

Au sujet de ces réseaux sociaux, Michel Maffesoli parle de « tribus numériques »[3], dans lesquelles les rites et hiérarchies s'hybrident au gré des technologies. Miroir déformant des rapports sociaux contemporains, Discord, par son architecture horizontale apparente, mais aux dynamiques verticales sous-jacentes, est une illustration intéressante de ce que pourrait être un rassemblement de tribus numériques.

Partant d'une enquête sur l'histoire du genre et des médias, puis analysant les plateformes numériques, ce chapitre examine comment la notion du genre peut structurer les récits de mangas et de webtoons ainsi que les coulisses des groupes de traduction. Des rapports de pouvoir subtils mais persistants y sont présents, selon une influence du genre qui détermine les rôles, les responsabilités, le style de communication, et même les choix des œuvres à traduire dans ses espaces en ligne.

Emergence du genre et du numérique : un terrain commun

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Éduquer les filles et les garçons : aux racines des stéréotypes

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Le genre est un mot qui provient de l'anglais gender et qui, par la suite, s'est développé en champ d'études gender studies. Parler de ce concept signifie s'intéresser aux rapports sociaux entre les sexes. Il désigne à la fois les rôles, les comportements et les représentations attendus et associés aux femmes et aux hommes dans une société et en fonction de celles-ci.

Le « féminin » et le « masculin » s'apprennent dès la petite enfance, notamment via les médias comme les livres pour enfants et la culture de masse. Aux filles, on leur apprend à rester calmes, à exprimer leurs émotions, à savoir écouter les autres. Aux garçons, on leur demande de prendre des risques, de ne pas pleurer, de prendre des initiatives. Ainsi, une identité naît, qu'elle soit féminine ou masculine, et avec celle-ci un rapport hiérarchique qui entraînera inévitablement, sur le long terme, des inégalités entre les femmes et les hommes, comme l'expliquent Carole Brugeilles et les sœurs Cromer[4].

De ce fait, en Occident, au début du XXe siècle, dès la plus tendre enfance, cette inégalité est présente, selon les conditionnements sociaux et l'éducation apportée par les parents, l'entourage ou les enseignants. Une petite fille curieuse et téméraire sera plus facilement réprimée et réprimandée qu'un petit garçon. Une petite fille agitée et spontanée, jouant à ce qui est considéré comme jeu de garçon, sera vite considérée comme un garçon manqué. Même l'alphabétisation est sujette à discrimination, nous dit la sociologue de l’éducation Hélène Buisson-Fenet[5]. Les enseignants demanderont plus facilement aux petites filles d'écrire proprement et sans ratures, dans le seul but de favoriser la vertu de l'ordre et de la propreté[6][7].

Face à ce constat, l'auteur Mona Zegaï s'intéresse au monde du jeu et des jouets. Un monde de discrimination et de différenciation fondé sur le sexe. Les jouets offerts aux enfants étaient ainsi une représentation nette de leur futur rôle à jouer et ce que la société attendait d'eux. Aux petites filles, les parents offraient dînette, poupée et set de maquillage. Alors qu'aux petits garçons, jeux de construction, fusils et voitures étaient l'apanage de leur prime enfance[8].

Même la firme de construction de plastique Lego orientait ses jeux en fonction du sexe. Les filles construisaient des cuisines, des salons, des chambres à coucher. Les garçons construisaient des gratte-ciels, des maisons, des chars d'assaut, expliquait Elena Gianini Belotti dans le premier tirage sorti en 1974 de son ouvrage Du côté des petites filles[9], .

D'autre part, fin du XXe siècle et comme le signale Amandine Lebugle Mojdehi[10], on a commencé à s'intéresser au concept insidieux intitulé « genre », qui conditionne les individus jusque dans les espaces publics. Dans Préceptes de grands-mères de Judith Briles[11], celle-ci explique que certaines phrases génériques véhiculent des stéréotypes qui peuvent nuire aux petites filles et aux petits garçons. Ce qui a pour conséquence l'apparition d'un conditionnement culturel qui se poursuit à l'âge adulte, autant dans la sphère privée que professionnelle.

Les petites filles entendront plus souvent : « sois gentille et souriante », « laisse gagner les autres », « ne sois pas agressive » et les petits garçons : « ne pleure pas », « fais comme si tu n’avais pas mal », « ne te laisse pas persécuter ». Il n'était donc pas étonnant que ce conditionnement se poursuive par la suite dans le choix des études supérieures. Modelées par les séquelles de leur passé éducationnel et de l'attente et des exigences de la société, les jeunes femmes se dirigeaient davantage vers des métiers dits féminins. C'est-à-dire vers le secteur tertiaire qui menait vers des professions moins rentables financièrement, telles qu'enseignante, ménagère, infirmière, coiffeuse, secrétaire, etc. Alors que peu de jeunes femmes se dirigeaient vers des métiers dits scientifiques, tels que l'informatique, les mathématiques ou autres nous explique l'auteur Briles[11].

Ce phénomène a marqué un premier clivage dans les discriminations de genre avec le domaine de l'informatique perçu comme un domaine réservé aux hommes. Les femmes, souvent considérées comme étrangères à cet univers, se voyaient alors exclues de ces sphères professionnelles et sans reconnaissance, légitimé, ou voix à faire entendre. Une dynamique qui s'est par la suite accentuée avec l'arrivée d'Internet, des jeux vidéos en réseaux, des plateformes de communication en ligne, etc. Soit, autant d'espaces numériques qui furent largement dominés par une culture masculine, tout en perpétuant les stéréotypes de genre.[8]

Par la suite, l'émergence d'Internet et son accès gratuit à la fin du XXe siècle transforme le paysage culturel et les dynamiques sociales, partage l’enseignante-chercheuse à l’université de Genève Isabelle Collet[12]. En 1980, ce nouvel espace était perçu comme une promesse de neutralité, un lieu où chacun pouvait se redéfinir au-delà des contraintes sociales et biologiques. L'anonymat semblait ainsi offrir une liberté nouvelle à tous, indépendamment du genre et en particulier aux minorités souvent victimes de discrimination dans le monde hors ligne.

Cependant cette utopie s'est rapidement heurtée aux dynamiques de pouvoir déjà présentes dans la société occidentale et patriarcale. Donna Haraway[13] explique que ces nouvelles technologies ont apporté leur lot d'inégalités par l'investissement de l'esprit patriarcal dans le cyberespace. Les femmes continuaient ainsi à subir les mêmes formes d'exclusion sociale et de harcèlement qu'elle vivaient déjà auparavant en dehors de l'espace numérique, les poussant à « retourner jouer à la dinette ».

L'essor de la culture geek renforça aussi ce clivage et la domination masculine dans la sphère numérique, expliquait déjà Judith Butler dans son ouvrage Gender trouble sorti en 1990[14]. L'industrie informatique, structurée et construite autour d'une culture masculine, a continué à marginaliser les femmes. Tout d'abord en conservant une hégémonie masculine sur les métiers des sciences informatiques et de la programmation, et ensuite, comme l'explique Mar Hicks[15] en cantonnant le rôle des femmes à des fonctions de support ou d'opératrices, plutôt que de création ou d'innovation.

Des algorithmes genrés? Lorsque la data encode les rôles sociaux

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Aujourd'hui, la discrimination de genre ne se limite plus aux jouets ou au choix d'un métier. En Occident et depuis le XXIe siècle, de nouvelles formes de stéréotypes genrés investissent l'espace numérique. Comme l'explique une enquête de Digital Wallonie dans une enquête de 2022[16], certaines nouvelles technologies accentuent les inégalités et renforcent les systèmes de pouvoir raciaux et socio-économiques. En effet, seules 40% des femmes ont accès à Internet à l'échelle mondiale à cette période, partage la chercheuse Ana Maria Corrêa[17].

D'autre part, en acceptant sans les lire les politiques de confidentialité des sites web, les utilisateurs génèrent des données exploitées par des algorithmes. Comme l'indique Lacroux et Martin-Lacroux[18], ces informations peuvent ensuite être transmises à des institutions comme les banques, qui les utilisent pour évaluer la recevabilité d'un client. Or, ces algorithmes peuvent être biaisés et défavoriser les femmes dans l'accès au crédit ou à l'assurance, comme le démontre Virginia Eubanks[19].

Basées sur la surveillance de masse, les grandes entreprises du numérique exploitent effectivement et parfois de manière inappropriée, les données personnelles des utilisateurs et utilisatrices[20]. Cette collecte de données contribue à la marginalisation des femmes notamment et des personnes LGBTQIA+, en ne reflétant aucunement leur réalité individuelle.

En Turquie durant l'année 2016, la plateforme WikiLeaks a publié des informations privées provenant d'emails et de pièces jointes de ses utilisateurs. Ces divulgations, non seulement violent le droit à la vie privée, mais augmentent également le risque d'exposition envers les individus minoritaires et stigmatisés raconte Yves Buchet de Neuilly (2014) :

Take, for example, the 2016 publishing by WikiLeaks of massive databases containing sensitive and private information of millions of ordinary Turkish citizens, which included a special database of almost all adult women in Turkey. 18 WikiLeaks did not appear to have an agenda to put women at risk in publishing this information. But as Turkish sociologist Zeynep Tufekci put it, “We are talking about millions of women whose private, personal information has been dumped into the world, with nary an outcry. Their addresses are out there for every stalker, ex-partner, disapproving relative or random crazy to peruse as they wish. And let’s remember that, every year in Turkey, hundreds of women are murdered, most often by current or ex-husbands or boyfriends, and thousands of women leave their homes or go into hiding, seeking safety.” In considering the specific needs of women related to cyber security threats and potential conflicts in cyberspace, it is critical to understand that while the threats may be perpetrated or exacerbated through technology, they must be situated in underlying power dynamics and inequalities (APC, p.7, En ligne).[21][22]

Ensuite, l'accès aux technologies renforce également les inégalités historiques, comme l'a souligné Imogen Richmond-Bishop chercheuse et conseillère sur les DESC et la technologie, dans son article de 2024 Gender and human rights in the digital age [23]. Certains gouvernements, comme les États-Unis, la Croatie, la N-VA en Belgique, vont même jusqu'à restreindre l'accès à des informations essentielles sur la santé, en censurant des forums, des plateformes de communication et des vidéos portant sur des sujets féminins tels que l'avortement[24][25][26]. Cette politique restrictive se joue sur plusieurs plateformes. Par exemple aux États-Unis, suite à la révocation de l'arrêt Roe v. Wade[27], plusieurs États ont bloqué l'accès des blogs et sites d'information sur l'avortement. Sur Instagram, à l'aide d'algorithmes discriminatoires, des comptes féministes (ex: @MyDearVagina) ont subi un shadow ban, réduisant de ce fait leurs portée et leur accès.

D'un autre côté, les plateformes de médias sociaux et les espaces numériques interactifs favorisent les préjugés et amplifient les contenus discriminatoires à l'aide d'algorithmes, ajoutent Bernier et Laflamme (2008)[28]. Par le biais de la collecte de données et de la surveillance numérique, les gouvernements et les entreprises ciblent et personnalisent les contenus et les publicités en fonction du genre. Il est ainsi courant que les utilisatrices voient leur fil d'actualité inondé de vidéos de maquillage, de régime ou de psychologie/éducation, tandis que les utilisateurs se voient proposer du contenu sur le sport, les jeux vidéo de politique ou d'économie.

Cette dynamique s'appuie en réalité sur deux leviers principaux développés par l'historienne des sciences et du genre Mar Hicks[15]. Le premier est le ciblage genré des contenus et publicités. En exploitant certaines données tels que l'âge, le sexe ou la localisation, les algorithmes arrivent à segmenter leurs utilisateurs pour ensuite leur proposer des contenus ciblés et surtout stéréotypés. Des contenus proposés qui s'appuient sur des biais historiques[1] : par une décennie de collecte de données provenant de nombreux sites internet, les algorithmes associent systématiquement dans leurs publicités les femmes aux rôles domestiques et esthétiques et les hommes aux sphères compétitives et techniques. Le deuxième est la conséquence systémique du premier explique Hicks[15].

En effet, en proposant toujours une surreprésentation d'images stéréotypées et le maintien des rôles traditionnels, ces algorithmes finissent par influencer les perceptions des utilisateurs. Exposés à des contenus visuels montrant, par exemple, des hommes dans des postures ou des postes d'autorité ou encore des activités physiques, et des femmes dans des postures des rôles passifs ou liés à l'apparence, les utilisateurs finissent par intérioriser ces biais, limitant ainsi leur capacité à découvrir de nouveaux modèles égalitaires[29]. Ce ciblage pernicieux perpétue les inégalités de genre et va même plus loin en facilitant le harcèlement en ligne, notamment sur les plateformes de messagerie instantanée et les forums de discussion conclu Hicks[15].

Cependant, ces constructions de genre ne sont pas uniquement cantonnées à l’accès et aux flux de l’information. Elles sont aussi présentes dans en marge du web, dans les espaces moins visibles par le public, comme les communautés de scantrad, ces espaces où se rencontrent les passionnés de lecture de bandes dessinées asiatiques et où se développent des rapports narratifs et sociaux.

Société patriarcale : quand les plateformes deviennent terrains de pouvoir

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Parallèlement à l'accès aux informations en fonction du genre, les premiers espaces de discussion en ligne font leur entrée, avec pour objectif de créer un réseau de soutien et de communication. Si les blogs, au début des années 2000, ont permis à de nombreuses femmes internautes de s'exprimer, ils sont devenus par la suite très vite des lieux de harcèlement. Les trolls misogynes sur les forums ont aussi démotivé les femmes à participer et à donner leur avis librement[30].

MSN Messenger, très populaire à cette époque, était lui aussi à la base un espace de socialisation, mais n'a pas non plus échappé au sexisme comme l'expliquent les auteurs de l'Université Laurentienne Christiane Bernier et Simon laFlamme[31]. L'anonymat relatif a offert aux harceleurs la possibilité, sans pour autant en subir les conséquences, d'attaquer et maltraiter les femmes et les exposant à des violences en ligne comme le catfishing ou le revenge porn[32].

Plateforme Discord, lieu de rencontre

Sur les réseaux sociaux dédiés aux jeux vidéo ou à la technologie tel que Discord, les serveurs sont souvent dominés par des communautés masculines. On y trouve des lieux de partage et de rencontre internationale où les femmes subissent des remarques sexistes et du harcèlement. Reddit, cet autre réseau social, est aussi devenu un lieu où les discussions sur des sujets féministes peuvent être détournées ou attaquées par des utilisateurs malveillants, menant à des vagues de harcèlement coordonnées. Twitter et Instagram renforcent aussi ces dynamiques en amplifiant certains contenus via leurs algorithmes, exposant les créatrices de contenu à des cyberattaques et à du doxing, cette technique qui consiste intimider en publiant des informations personnelles cite en exemple les chercheurs Couchot-Schiex et Richard[30].

De ce fait, cet harcèlement touche de plus en plus de femmes et est mis en lumière par la multitude des menaces et des messages violents envoyés par des internautes masculins. Ces comportements visent principalement à intimider et à réduire au silence les femmes qui utilisent ces plateformes, comme l'a analysé Ana Maria Corrêa[17].

Et les internautes peuvent être très créatif dans leurs harcèlements. Des logiciels permettant d'altérer des images préexistantes du corps des femmes pour les transformer en contenu pornographique à des fins d'excitation ou d'humiliation font eux aussi leur apparition, appuyant davantage un climat de misogynie. Cette pratique, connue sous le nom de Deep Fake pornographique, a été dénoncée par de nombreuses féministes et chercheuses, dont Kate Crawford et ses associés[33].

Il existe donc bel et bien de nombreuses discriminations que peuvent subir les femmes dans l'accès à internet et sur les réseaux sociaux. Ces différents évènements font souvent la une des journaux, que ce soit en Belgique ou à l’internationale, pourtant il n’existe à ce jour encore aucun moyen concret pour protéger ces femmes et empêcher ce climat misogyne.  De plus, ces logiques genrées ne surviennent pas uniquement sur le Web et ses accès mais aussi dans certains espaces plus communautaires. Dans des lieux de sociabilité numérique moins médiatisés, mais tout aussi révélateurs, où se rassemblent quelques passionnés. Les serveurs Discord de la scantrad en sont un bon exemple puisqu’ils sont l’expression de ces discriminations. Derrière l’apparente légèreté de la passion de la bande dessinée asiatique, ces espaces présentent la manière dont les logiques genrées sont à l’œuvre et imprègnent l’organisation collective.

Discord et scantrad : scènes ordinaires de domination extra-ordinaire

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La scantrad : une passion collective qui devient virale

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Avec l'émergence d'Internet et de sa démocratisation, la scantrad[34] (abréviation de "scanlation" et contraction de « scan » et « traduction ») a profondément influencé la consommation de mangas à travers le monde. Un phénomène international qui consiste à scanner, traduire et diffuser illégalement des mangas non disponibles dans certaines langues. Ainsi Internet voit l'essor de différentes teams de scantrad, qui s'organisent selon les genres du manga, comme le shonen et le shojo qui en sont les figures de proue. Des catégories japonaises qui sont aussi liées à la propagation de stéréotypes de genre et qui façonnent de ce fait les perceptions de la dynamique féminine et masculine sur les lecteurs de ses oeuvres explique Vincent[35].

L'histoire de la scantrad débute vers les années 1990 par l'ouverture et l'accès illimité des forums et des communautés de fans sur Internet. À cette période, le manque de mangas licenciés vers le monde Occidental apporte de nombreuses frustrations auprès des fans de mangas. À cette époque, les maisons d'éditions occidentales ne proposaient que peu de séries et accusaient souvent un large retard de publication par rapport aux chapitres japonais. La diffusion des mangas s'en trouvait dès lors freinée par les barrières linguistiques et les délais de publication.

Face à cette situation, des fans s'organisent alors pour proposer leurs propres traductions. Des équipes « artisanales », souvent anonymes, se forment ainsi en cette période où la multiplicité des cultures devient la tendance. Elle ont ainsi joué un grand rôle dans la popularisation des mangas jusqu'en Occident. Ces petites équipes se retrouvaient toutes les semaines, parfois même tous les jours pour travailler ensemble et permettaient d'offrir un effet d'immédiateté très apprécié chez les lecteurs, explique le doctorant en sociologie Olivier Vanhée[36].

Des équipes formées d'un raw hunter qui récupérait les pages d'un magazine ou d'un tome relié soit par des contacts sur place au Japon soit par l'hebdomadaire Weekly Shonen Jump, afin de le numériser sur l'ordinateur. D'un nettoyeur qui supprimait le texte d'origine et parfois qui améliorait la qualité des images en utilisant des logiciels de nettoyage. D'un traducteur, souvent autodidacte ou étudiant le japonais, qui traduisait du japonais en français sur un document à part. D'un checker, ou Qchecker, qui relisait le tout avant la publication, vérifiant l'orthographe et la compréhension des phrases. Et le dernier de l'équipe, l'éditeur, qui récupère les pages du scanner, insérait le texte traduit par le traducteur, dans les bulles vidées du nettoyeur tout en respectant la typographie du texte d'origine.

Il s'agit d'un travail pluridisciplinaire qui pouvait être long, difficile et parfois laborieux mais qui était surtout proposé par des fans passionnés et par une volonté de faire partager des œuvres inédites dans le reste du monde. Par la suite, ces petites équipes artisanales ont grandi, se sont professionnalisées et ont créé des sites spécialisés qui rassemblaient les traductions sur un même site, avant la publication officielle en format papier.

Certaines de ces équipes sont devenues si influentes qu'elles furent des références dans le milieu du scantrad en fonction du genre qu'ils proposaient. Mais cela toujours de manière illégale, ce qui les mettaient souvent en conflit avec les éditeurs de mangas, qui engageaient des poursuites à leur encontre. Ce qui menait parfois à la fermeture de certaines plateformes, comme l'explique l'historien français Jean-Marie Bouissou[37].

De la sorte, il est vrai que l'activité des équipes de scantrad se situe dans une sorte de zone grise juridique. Ces traductions sont de fait non autorisées et donc illégales. Elles violent les droits d'auteur, autant des artistes qui écrivent les mangas que les maisons d'édition qui les publient. Même s'il est vrai que les équipes de scantrad arrêtent volontairement leur travail dès que le manga est licencié officiellement par une plateforme reconnue et légale. L'expression « drop car licencié » fait alors son apparition pour expliquer que le projet est licencié et qu'il n'est donc plus traduit par ces derniers.

Cette tension entre les teams de scantrad et le public s'apparente à une cultural convergence. Les lecteurs cibles ne deviennent plus de simples consommateurs, mais aussi des acteurs de la circulation culturelle. Ainsi, par leur travail de bénévole, en traduisant et diffusant de leur côté des oeuvres qu'ils apprécient, ils participent aux circuits officiels. Tels des agents de globalisation culturelle par le bas, les fans comblent ainsi un vide, le temps que les éditeurs puissent s'adapter à la demande, conclut Bouissou[38][39][40].

Par la suite, deux types ont commencé à voir le jour dans les années 2000: les teams de shonen et les teams de shojo. Les shonen, ciblent principalement le public adolescent masculin et ont favorisé l'émergence de la scantrad sur Internet. Par exemple, Scantrad.fr a longtemps dominé la scène du shonen en proposant les séries d'action et d'aventure One Piece, Naruto, Bleach ou HunterxHunter qui provenaient des planches hebdomadaires prépubliées dans le Weekly Shonen Jump au Japon.

Ces teams, composés majoritairement de jeunes hommes, étaient organisées de manière verticale, voire quasi-militaire à leur début, avec une publication très serrée, c'est-à-dire seulement quelques heures après sa sortie au Japon. De l'autre côté, les teams de shojos, des mangas destinés majoritairement pour les jeunes femmes et qui racontaient des histoires de romances étaient moins connues et reconnues sur Internet et laissés en arrière-plan car moins rentables que les shonen, qui attiraient à eux un très large public.

Les publications des shojos étaient souvent moins prioritaires pour les grandes teams qui s'occupaient d'offrir les deux genres de lecture. Souvent leur travail était aussi plus minutieux et méticuleux parce que les pages de ces mangas proposaient des éléments visuels délicats et des polices de couleurs diversifiées. Par la suite, d'autres équipes ont fait leur apparition, dont les teams de seinen, destiné aux jeunes adultes masculins, de josei, à l'intention des jeunes adultes féminins. Plus récemment encore apparurent les teams de yaoi, concernant les relations entre hommes, de yuri, pour les relation entre femmes, et de hentai dans un style pornographique explique Monastier[41][42][43][34].

Cependant ces différentes teams ont fortement influencé et contribué à entretenir certains stéréotypes et normes de genre, qui reflétaient les tendances du marché japonais. Une segmentation entre les deux premières teams, suscitée par un cloisonnement culturel, a apporté un code narratif bien distinct.

D'une part, les shonen où les héros masculins, sont poussés par le dépassement de soi, l'amitié, avec une volonté d'atteindre ce but ambitieux de devenir toujours plus fort pour protéger ses amis, la veuve et l'orphelin. Les héros y sont souvent idéalisés pour représenter des valeurs viriles comme la force, le courage et la persévérance. D'autre part, les shojo qui privilégient l'image d'une héroïne qui s'interroge sur ses sentiments et l'amour, tout en évoluant dans un cadre familial ou scolaire parfois conjugué, et faisant face à des dilemmes psychologiques centrés sur leur vie affective. Loin des enjeux de combats des shonen, les héroïnes sont souvent définies par leur douceur et leur capacité de care.

Ainsi, la scantrad perpétue cette idée selon laquelle les œuvres shonens sont un genre universel et que ceux-ci invisibilisent ceux réservées aux filles, considérés trop souvent comme girly ou moins intéressants, comme l'explique le docteur en sociologie Frédéric Vincent[44]. Reprenant eux-mêmes une sorte de ciblage algorithmique, les teams de scantrad mettaient finalement toujours en avant des mangas avec un héros fort auprès d’un public en demande et selon soumis le bon vouloir de ces équipes illégales.

Le webtoon comme miroir : émotions codées et choix algorithmiques

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Quelques années plus tard, avec la Hallyu et l’émergence du soft power sud-coréen, apparaissent sur nos plateformes numériques les webtoons qui s’imposent comme une nouvelle forme de bande dessinée numérique. Issus de la bande dessinée coréenne traditionnelle appelée manhwa transposés sur le web elle hérite du nom de webtoon, un mot-valise utilisant celui de Web et de cartoon.

Ce sont des récits spécifiquement conçus pour être lus sur smartphone, avec un défilement vertical de l’image, case par case. Bousculant les codes traditionnels du manga japonais et de la bande dessinée européenne, Pauline Brouard, doctorante en sciences de l’information et de la communication à l'Université de Sorbonne, explique que le webtoon a rapidement séduit les internautes du monde entier, notamment la nouvelle génération, particulièrement friande de contenus rapides, immersifs et adaptés aux usages numériques[45].

What's wrong with secretary Kim : de Webtoon sur Naver à K-drama

Le format trouve son origine sur la plateforme Naver Webtoon, devenue LINE Webtoon à l’international. Celle-ci a joué un rôle-clé dans la diffusion massive du genre. Grâce à la gratuité, à la diversité des genres, allant de la romance à l’action en passant par l’horreur, la comédie ou la fantasie, avec un rythme de publication hebdomadaire, les lecteurs peuvent suivre de nombreuses histoires en parallèle.

Marion Gilbert[46], raconte que ces plateformes répondent à un besoin de consommation culturelle rapide et régulière, tout en offrant une grande accessibilité. À partir des années 2010, le webtoon s’internationalise encore davantage grâce à la traduction en anglais, français, espagnol et autres langues, sur des plateformes comme Webtoon, Tappytoon, Tapas ou encore Delitoon.

Le phénomène s’accompagne de l’engouement mondial pour les K-dramas, des séries télévisées coréennes qui adaptent de plus en plus de webtoons à succès, tel que : What's wrong with secretary Kim, Itaewon Class, Sweet Home, Marry My Husband, etc. Cela tout en contribuant à un écosystème transmédiatique particulièrement efficace comme l'explique le site Korea.net, qui porte la voix du gouvernement coréen et qui assure la promotion de la République de Corée en ligne[47].

Bien que né en Corée du Sud, le webtoon reprend de nombreux codes narratifs et esthétiques du manga japonais. Les deux formats mettent en avant des intrigues centrées sur le développement psychologique des personnages et sur une forte charge émotionnelle. Comme l’observent Bouissou en 2010[37] pour le manga et Gilbert en 2024[46] pour le webtoon, les personnages sont souvent stylisés selon des stéréotypes visuels et narratifs. Les héros masculins sont musclés, mystérieux ou torturés, les héroïnes filiformes et oscillent entre deux les archétypes de la naïves délicates et la femme fatale indépendante, les méchants sont charismatiques et torturés avec, bien sûr, l’indémodable triangle amoureux.

Cependant, des différences fondamentales distinguent les deux formats. D'un côté, le manga, traditionnellement en noir et blanc, se lit de droite à gauche, avec une mise en page dense qui conserve un format papier prédominant, bien qu’il se décline aussi en version numérique. De l'autre, le webtoon, qui se lit verticalement de haut en bas, nativement conçu pour le numérique, en couleur, doté de contours épurés et d’une esthétique brillante souvent influencée par la K-pop et les dramas coréens.

Ce support numérique a profondément transformé la mise en scène narrative. Les webtoons exploitent pleinement le scrolling pour créer du suspense, jouer sur les silences, et accentuer les temps forts émotionnels grâce à des cases longues, parfois muettes, qui rappellent les techniques du storyboard cinématographique. Le lecteur, en contrôlant lui-même le rythme de lecture avec son doigt, devient presque metteur en scène de l’émotion. Une mécanique que l’on retrouve également dans certaines analyses de la lecture numérique, comme l'article de McCloud[48].

Cependant, le webtoon s'impose aujourd'hui comme un véritable laboratoire "narratif", dans lequel se construisent et se rejouent les représentations genrées. Au-delà des archétypes classiques liés au genre[49], les plateformes comme Naver ou Tappytoon classent ces récits selon des genres narratifs. Horreur, action, romance, etc. sont des genres qui recourent à des codes visuels eux-mêmes porteurs de connotations genrées: couleurs pastel pour les récits romantiques, contrastes sombres pour les thrillers en sont des exemples. Ces codes se manifestent également dans la représentation graphique des personnages: corps longilignes, yeux démesurés, esthétisation du quotidien dans les récits romantiques notamment.

Bien que ces conventions ne soient pas immuables, il apparaît que la majorité des récits de type romance ou slice of life ciblent un lectorat féminin, tandis que les genres comme l'horreur, l'action ou la fantasy épique s'adressent davantage à un public masculin. Les catégories Boys' Love (BL) et Girls'Love (GL) quant à elles sont majoritairement associées à un lectorat queer et féminin développe Karine Poupée[50].

Ainsi, pour faire le parallèle avec le point précédent, les algorithmes vont jouer un grand rôle dans les plateformes de lecture en ligne de webtoon. Sur Webtoon, en fonction de ce ciblage et des biais historiques, l’algorithme va interférer pour proposer selon le genre du lecteur des « genres » de récit en particulier, l’amenant ainsi à toujours voir et lire les mêmes récits.

Par ailleurs, les algorithmes de recommandation utilisés par ces plateformes tendent à proposer des contenus similaires à ceux déjà consultés, renforçant ainsi les stéréotypes de genre et restreignant l'accès à des récits issus d'autres genres narratifs. Comme le souligne le maître de conférence en sciences de l’informatique et de la communication à l’Université de Paris 8, Christophe Magis[51] dans son étude sur les algorithmes culturelles, cette logique de segmentation s'accompagne sur certaines plateformes, de systèmes de recommandation différenciés, reposant sur des codes visuels genrés ou sur une catégorisation algorithmique des webtoons selon le genre au sens identitaire du terme.

Mais derrière ces logiques structurelles que mettent en lumière les plateformes, les récits et les algorithmes, il y a un vécu réel. Pour comprendre comment les rapports de genre peuvent prendre forme concrètement dans les espaces numériques, il ne suffit pas d’observer les tendances globales. Il faut aussi savoir écouter les non-dits et prendre le temps d’observer les micros-interactions que peuvent vivre les membres des équipes de scantrad sur Discord, un lieu où se rejouent bon nombres de rapport de pouvoir. Parce que c’est davantage dans les coulisses du bénévolat que se joue les tensions ordinaires dans un genre qui se rend visible.

Discord en tension : entre égalité affichée et hiérarchie subie (ethnographie de l'auteur)

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A présent, intéressons-nous à une réalité de terrain, celui des teams de scantrad de webtoon sous la forme d'organisation communautaire proche du fandom sur Discord. Des fans de tout horizon et de tout âge se rassemblent sur cette plateforme numérique, motivés par l'amour de l'œuvre et le désir de le faire partager. Loin du désir de l'argent et de faire du profit, les différents membres de l'équipe (raw hunter, cleaner, traducteur, checker, éditeur) ont souvent une certaine fierté d'appartenir à une team « d'élite », une team qui, qu'importe sa notoriété, donne accès à certains contenus ou chapitres en avance.

Si Discord apparaît de prime abord comme un espace de travail horizontal et collaboratif, tel un véritable quartier général numérique où chacun peut s’exprimer librement, une observation plus fine révèle l’existence de hiérarchies implicites, parfois marquées par des dynamiques genrées. Cette structuration est particulièrement visible dans les équipes de scantrad spécialisées dans les shonens et qui sont majoritairement composées d’hommes.

Dans ces équipes, les rôles de direction (administrateurs, modérateurs) sont très souvent occupés par des hommes, et la structure organisationnelle prend la forme d’un organigramme quasi-corporatif : chef de team, gestionnaires de projet, responsables d’équipe, diplomates, traducteurs, correcteurs, éditeurs, jusqu’aux membres en période d’essai, appelés team test, qui ne disposent pas encore d’un accès complet aux salons Discord.

Cette verticalité hiérarchique favorise des dynamiques compétitives et conflictuelles : disputes fréquentes, ragequits spectaculaires et échanges parfois virulents. Il n’est pas rare que certains sujets sensibles, comme la sexualité, la drogues, ou les discriminations diverses, soient abordés sur un ton que les membres justifient par l’humour, que cela contribue parfois à entretenir un climat toxique. Des comportements sexistes et dévalorisants à l’égard des membres féminins sont régulièrement rapportés. Pour exemple : des demandes déplacées, notamment de photos à caractère fétichiste, des interruptions systématiques lors des discussions vocales, des remises en question récurrente de leur travail ou de leurs propositions. Ces pratiques instaurent une forme d’exclusion symbolique, voire de harcèlement, banalisée sous couvert de camaraderie virile[10].

Le recours à Discord quant à lui n'est en rien un hasard. Cette plateforme utilisée pour le travail collaboratif permet une organisation fluide grâce à son chat communautaire. Par sa sociabilité propre, Discord propose des pseudo-identités pour ses membres, des émojis personnalisés, des bots pour les statistiques de la team, des salons vocaux pour les réunions, des statuts de « rangs » selon une hiérarchie interne. Autant d'éléments qui renforcent le sentiment d'appartenance dans la scantrad. Cependant derrière la façade de la passion commune d'une œuvre, existe dans ces communautés des véritables dynamiques genrées, observables par la composition d'équipe, le type d'œuvres traduites et surtout le choix linguistique.

Tout d'abord malgré la mixité dans les teams, beaucoup d'entre elles sont genrées : les équipes majoritairement féminines traduisent davantage des webtoons de romance, de drama et de BL tandis que celles majoritairement masculines vont se concentrer sur les webtoons d'action, de fantasy et d'hentai. S’il est question d’une équipe mixte ou de shonens avec quelques femmes dans la team, elles vont avoir davantage le rôle de traductrice ou de cleaner, laissant l’édit et le check aux hommes. Ce qui favorise alors une sorte d’ascendance sur elles, puisque leurs rôles doivent toujours passer entre les mains d’un homme avant d’être posté. En effet, le checker sera celui qui pourra se permettre de discuter le travail de la trad, ici souvent un rôle récupéré par les femmes, et l’édit pourra avoir du pouvoir sur le travail du cleaner puisqu’il doit récupérer les bulles vierges pour replacer le texte. Cependant, l’inverse n’existe pas : peu de traductrices se permettent de donner leur avis sur le travail du checker et peu de cleaner vérifient la « propreté » du travail de l’édit[52][53].

D'autre part, la traduction n'est pas non plus neutre, puisqu'il s'agit là d'un acte de médiation culturelle et langagier et de traduire les textes dans un « français oral » et ce de manière fluide. C'est-à-dire ce que les traductrices et traducteurs décident de garder/reformuler/adapter selon leur rapport au genre. Par exemple, certaines teams féminines adaptent intentionnellement les dialogues pour les rendre plus « doux » ou nuancés, proposant ainsi un style de traduction plus sensible aux jeux relationnels. Certaines injonctions et scènes de violence conjugale ou de harcèlement, comme « sois à moi », « je t'interdis de partir », sont atténuées de l'œuvre originale coréen et certaines traductrices peuvent même aller jusqu'à modifier les formulations sexistes. A l'opposé, les teams plus masculines vont eux davantage proposer une traduction plus directe et brute pour garder la violence langagière et rester fidèles au ton : « putain, je n'y crois pas !!! », « cette pute à grosse loches me fait chier »[41][50].

La logique productive de ces teams est également symptomatique d’un modèle intensif : la priorité est donnée à la rapidité d’exécution, à la fidélité brute au texte original, et à la conquête du lectorat -souvent à travers des séances de rush -par exemple, traduire et publier cent chapitres en une semaine pour prendre le lead sur une œuvre-. Cette dynamique implique un renouvellement constant des effectifs, avec un taux de rotation (turnover) élevé et une distribution rapide des projets aux nouveaux venus, parfois sans formation approfondie. De plus, les propositions de projets émanant de membres féminins sont fréquemment rejetées sur des critères implicites liés au genre : jugées « trop gnangnan », « pas assez rentables », ou simplement dénigrées –« c’est de la sous-merde, personne ne veut lire ça » interview de M. modo depuis 3 ans dans une équipe de shonens sur Discord-.

À l’inverse, les teams de scantrad dédiées aux shojos -le plus souvent composées majoritairement de femmes- présentent une organisation beaucoup plus souple et égalitaire. Les rôles y sont moins nombreux et davantage tournés vers la coopération : une cheffe d’équipe, quelques modératrices, et une équipe fonctionnant sur un mode horizontal. L’ambiance générale, reflétée tant dans les couleurs visuelles des serveurs que dans les échanges -utilisation d’émoticônes, ton chaleureux-, est décrite comme douce ou fluffy. Cela ne signifie pas pour autant une absence de tensions, mais leur gestion repose sur des mécanismes bienveillants : les désaccords sont traités en salon privé, avec une volonté affirmée de ne pas « mettre quelqu’un au pilori » ni de « faire un spectacle devant le reste de l’équipe » -interview de S. cheffe d'équipe depuis 4 ans dans une team de shojo-.

Dans ces équipes, la frontière entre vie personnelle et engagement bénévole est scrupuleusement respectée. L’absence de réponse rapide n’est pas perçue comme un manque d’implication, et la régularité des publications n’est pas imposée comme une exigence. Le plaisir et la passion du travail priment sur la productivité. Cette approche contraste fortement avec les pratiques compétitives des teams shonen et mixte : ici, les membres attendent souvent qu’un site anglophone fiable publie une bonne version d’un webtoon avant de se lancer dans l’adaptation, plutôt que de s’appuyer sur des sources de qualité médiocre. Enfin, la parole des nouveaux membres est accueillie avec respect et les idées proposées sont systématiquement prises en compte, sans hiérarchisation implicite selon le genre[36].

En somme, les équipes de scantrad de webtoon, microcosmes genrés, ne sont pas neutres puisqu’elles répètent les dynamiques observables dans nos sociétés. Et c’est précisément à travers leur organisation et la dynamique que se lit une forme de grammaire sociale.

Résumé de l'influence du genre à travers les dynamiques internes dans les équipes de scantrad sur Discord [54]
Type Teams majoritairement féminines Teams majoritairement masculines
Ambiance visuelle Couleurs pastel (rose, jaune, orange), avatars mignons ou esthétiques Couleurs sombres (bleu, rouge, noir), avatars avec personnages provocateurs ou sexualisés
Genres traduits Shojo, josei, parfois kodomo Shonen, seinen, hentai, manhua d’action (bd chinoise)
Structure organisationnelle Hiérarchie horizontale : chef d’équipe, quelques modos, le reste est collaboratif Hiérarchie verticale complexe : chef de team, gestionnaires, chefs de projets, recrues en "période d’essai"
Méthode de gestion de conflit Discussions privées, approche diplomatique et empathique Conflits publics fréquents, tensions, "ragesquits", moqueries
Communication Bienveillance, encouragements, écoute mutuelle Humour frontal, moqueries, sexualisation, propos sensibles sous couvert d'“humour”
Traitement des membres féminins Respect, prise en compte des opinions, intégration progressive Harcèlement (ex : demandes déplacées), interruption, dévalorisation du travail
Critères d’évaluation du travail Qualité de la traduction, fidélité douce et adaptée au lectorat Rapidité d'exécution, fidélité brute au texte source
Méthodes de travail Pas de rush, rythme libre, priorité au plaisir et au bien-être Rythme soutenu, séances de rush, compétition entre teams (snipe, lead, etc.)
Réaction face aux propositions Écoute équitable, respect des goûts variés (sauf si présence de viol, inceste, absence de consentement) Rejet fréquent des propositions féminines : jugées peu vendeuses ou "féminines"
Lien entre vie personnelle et scantrad Respect de la vie privée, flexibilité, compréhension Attentes élevées de réactivité, implication intense même pour les nouveaux
Turn-over Faible, fidélité des membres sur la durée Élevé, forte rotation avec intégration rapide de nouveaux membres

Ce détour par Discord met en avant les logiques genrées qui sont à l’œuvre dans les coulisses de la scantrad. Discord n’est donc pas uniquement une plateforme d’échange mais se révèle aussi comme un terrain de négociation et de tensions. Ente hiérarchies implicites, valorisations différenciées des rôles et formes de résistances discrète, les membres étudiées reproduisent et questionnent les normes sociales contemporaines.

Conclusion : lire le genre dans les marges du numérique

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Analyser les dynamiques de genre au sein des équipes de scantrad sur Discord permet non seulement de comprendre comment le genre structure les rôles et interactions sociales en ligne, mais contribue également à la reproduction des inégalités, en miroir de celles présentes dans la société et dans la vie réelle (IRL: in real life). Au départ, cette plateforme horizontale avait pour but de permettre l'égalité entre tous dans un échange libre. Cependant Discord devient vite un théâtre où se rejouent les rapports de pouvoir traditionnels, encore largement dominés par les hommes, et reproduit ainsi les normes sociales préexistantes. Ce constat peut être mis en parallèle avec les théories de la performativité du genre de la philosophe Judith Butler[14], avec le modèle organisationnel rationalisé et compétitif décrit par la sociologue Danièle Linhart[55], ou encore avec les formes de violence symbolique analysées par Bourdieu[56].

Les teams de shonen, majoritairement masculines, illustrent une division genrée des rôles qui rappelle celle du monde professionnel, évoquant un ethos viriliste proche de celui de l'entreprise[55]. Les hommes y occupent généralement les postes à responsabilité, tandis que les femmes sont reléguées à des rôles subalternes, des rôles de care et sont fréquemment discréditées. Dans ces équipes, l'efficacité, la performance et la compétition sont valorisées. Par exemple, ceux qui réussissent à rendre un nombre élevé de chapitres dans le mois ou à réaliser des rushs, reçoivent des félicitations publiques ou des cadeaux type Nitro. C'est une logique compétitive activement promue par les responsables de l'équipe, qui perpétue un idéal masculiniste du leadership, souvent au détriment d'une collaboration inclusive.

Souvent la voix des femmes y est marginalisée, comme en témoignent de nombreuses youtubeuses et streameuses, dont Maghla, qui dénonce régulièrement les violences et les harcèlement sexistes dans les communautés en ligne. Cette marginalisation des minorités reflète une culture web toxique explique le professeur en communication Adrienne Massanari[52], où virilité et humour agressif dominant, en écho à des structures patriarcales. On retrouve ce phénomène dans certaines pratiques banalisées comme les moqueries, les demandes de photos déplacées ou les blagues à connotation sexuelle. L'humour toxique y est toléré et le rejet des idées portées par les femmes est souvent banalisé, faisant ainsi écho à la normalisation des comportements discriminants dans la vie réelle, où persiste l'idée que les femmes seraient moins compétentes ou moins aptes à gérer leurs émotions. Cela crée une hiérarchie genrée implicite qui renforce les stéréotypes de compétence selon le sexe, contribuant à invisibiliser les paroles féminines et à les écarter des lieux de pouvoir, ce qui rappelle clairement la notion de "plafond de verre numérique".

A l'opposé, les teams de shojo majoritairement féminines, offrent un contre-exemple. Elles adoptent une organisation plus horizontale, où chacun·e est respecté·e dans son genre et dans sa parole. L'expression de leurs voix est accueillie, écoutée et valorisée, partage la politologue Joan Tronto. Le travail collaboratif est non compétitif et repose sur une éthique du care[57], où le respect des rythmes de chacun-e et la préservation du bien-être collectif priment sur la productivité ou la performance. Cela favorise alors un véritable sentiment d'empowerment. Axées sur le dialogue bienveillant, la diplomatie et le respect de la sphère personnelle, ces équipes deviennent des lieux de co-construction où la confiance en soi, le rapport à l'autorité et la légitimité sociale se développent, y compris dans la vie réelle.

Ainsi Discord, au-delà d'un simple espace de communication, se transforme en un véritable lieu de socialisation secondaire explique le sociologue Bernard Lahire[58], où les normes sociales sont non seulement rejouées mais aussi parfois réinventées. Cette socialisation peut avoir des répercussions concrètes dans le monde du travail, les études ou les relations entre pairs.

Notes et références

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  2. Cardon, D. (2019). Culture numérique. Presses de Sciences Po.
  3. Maffesoli, M. (2000). Le temps des tribus : Le déclin de l'individualisme dans les sociétés postmodernes. La Table Ronde.
  4. Carole Brugeilles, Isabelle Cromer et Sylvie Cromer, « Les représentations du masculin et du féminin dans les albums illustrés ou:Comment la littérature enfantine contribue à élaborer le genre », Population, vol. 57, no  2, 2002, p. 261–292 (ISSN 0032-4663) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2025-04-09)]
  5. Hélène Buisson-Fenet et Séverine Landrier, « Être ou pas ? Discrimination positive et révélation du rapport au savoir :Le cas d'une “prépa ZEP” de province », Éducation et Sociétés, vol. 21, no  1, 2008-04-28, p. 67–80 (ISSN 1373-847X) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2025-05-08)]
  6. Michèle Le Doeuff, Le sexe du savoir, Flammarion, 2000, 378 p. (ISBN 978-2-08-081461-6) [lire en ligne] 
  7. Hélène Buisson-Fenet, « École des filles, école des femmes », sur SHS Cairn.info, (consulté le 29 mars 2025)
  8. 8,0 et 8,1 Mona Zegaï, « La mise en scène de la différence des sexes dans les jouets et leurs espaces de commercialisation », Cahiers du Genre, vol. 49, no  2, 2010, p. 35–54 (ISSN 1298-6046) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2025-04-09)]
  9. Elena Gianini Belotti, Du côté des petites filles, Des Femmes, 1994 (ISBN 978-2-7210-0449-9), p. 116 
  10. 10,0 et 10,1 Amandine Lebugle Mojdehi, « Stéréotypes de genre et sexisme : principaux registres d’insultes dans les espaces publics », Cahiers du Genre, vol. 65, no  2, 2018-11-16, p. 169–191 (ISSN 1298-6046) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2025-04-09)]
  11. 11,0 et 11,1 Judith Briles (1999), Woman to Woman : From Sabotage to Support, USA: New Horizon Press, 200p.
  12. Emmanuelle Rault, « Isabelle Collet (2019), Les oubliées du numérique, Le passeur éditeur », Cahiers de la LCD, vol. 12, no  1, 2021-01-28, p. 126–131 (ISSN 2496-4956) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2025-05-08)]
  13. Donna Haraway (2007), Manifeste cyborg et autres essais : Sciences, Fictions, Féminismes, Paris: Exils, 333p.
  14. 14,0 et 14,1 Judith Butler, Éric Fassin (1990), Gender Trouble, USA: Routledge Kegan & Paul, 288p.
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  16. « Genre et numérique : enjeu de compétitivité pour les entreprises wallonnes », sur Digital Wallonia (consulté le 9 avril 2025)
  17. 17,0 et 17,1 Kerryan Hermans (2024) Les femmes face aux discriminations et inégalités numériques, ULB Prisme, En ligne: https://prisme.ulb.be/tous-les-numeros/hiver-2022/les-femmes-face-aux-discriminations-et-inegalites-numerique.
  18. Lacroux, A., & Martin-Lacroux, C. (2021). L’intelligence artificielle au service de la lutte contre les discriminations dans le recrutement : nouvelles promesses et nouveaux risques. Management Prospective Editions.
  19. Virginia Eubanks (2018) Automating Inequality: How High-Tech Tools Profile, Police, and Punish the Poor, USA: St. Martin's Press, 272p.
  20. Anita Gurumurthy, Nandini Chami et Cecilia Alemany Billorou, « L’égalité des genres dans l’économie numérique », dans Impasses numériques, Éditions Syllepse, (lire en ligne), p. 121–132
  21. « Turquie: WikiLeaks publie une masse d'emails de l'AKP, le parti au pouvoir - RTBF Actus », sur RTBF (consulté le 12 avril 2025)
  22. Traduction libre de l'auteur avec le soutien de DeepL: Prenons l'exemple de la publication en 2016 par WikiLeaks de bases de données massives contenant des informations sensibles et privées sur des millions de citoyens turcs ordinaires, dont une base de données spéciale sur la quasi-totalité des femmes adultes en Turquie. WikiLeaks ne semblait pas avoir l'intention de mettre les femmes en danger en publiant ces informations. Mais comme l'a dit la sociologue turque Zeynep Tufekci, « il s'agit de millions de femmes dont les informations privées et personnelles ont été divulguées au monde entier, sans qu'il y ait le moindre tollé. Leurs adresses sont à la disposition de tous les harceleurs, ex-partenaires, parents désapprobateurs ou fous aléatoires, qui peuvent les consulter à leur guise. Et n'oublions pas que, chaque année en Turquie, des centaines de femmes sont assassinées, le plus souvent par leur mari ou leur petit ami, actuel ou ancien, et que des milliers de femmes quittent leur domicile ou se cachent, en quête de sécurité ». En examinant les besoins spécifiques des femmes en matière de menaces à la cybersécurité et de conflits potentiels dans le cyberespace, il est essentiel de comprendre que si les menaces peuvent être perpétrées ou exacerbées par la technologie, elles doivent être situées dans une dynamique de pouvoir et des inégalités sous-jacentes.
  23. Imogen Richmond-Bishop (2024), Gender and human rights in the digital age, En ligne: https://blogs.lse.ac.uk/inequalities/2024/09/03/gender-and-human-rights-in-the-digital-age/
  24. « Etats Unis, les réseaux sociaux bloquent les infos sur l’avortement », sur Amnesty International Belgique, (consulté le 9 avril 2025)
  25. Valentin Ledroit, « Le droit à l'avortement dans l'Union européenne », sur Touteleurope.eu, (consulté le 9 avril 2025)
  26. « Avortement en Belgique : entre blocages et mobilisations citoyennes », sur RTBF (consulté le 9 avril 2025)
  27. « Droit à l’avortement aux États-Unis : les conséquences de l’annulation de l'arrêt Roe vs Wade », sur Amnesty France (consulté le 19 avril 2025)
  28. Bernier, C., & Laflamme, S. (2008). Usages d’Internet selon le genre et l’âge: une double différenciation. Canadian Review of Sociology / Revue canadienne de sociologie.
  29. Hicks, M. (2017). Programmed inequality: How Britain discarded women technologists and lost its edge in computing. MIT Press.
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  31. CHRISTIANE BERNIER et SIMON LAFLAMME, « Usages d'lnternet selon le genre et I‘âge: une double différenciation* », Canadian Review of Sociology/Revue canadienne de sociologie, vol. 42, no  3, 2008-07-14, p. 301–323 (ISSN 1755-6171 et ISSN 1755-618X) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2025-04-09)]
  32. Sigolène Couchot-Schiex et Gabrielle Richard, « Cyberviolences de genre. Définir et rendre compte du cybersexisme dans les pratiques numériques adolescentes », Éducation et socialisation, vol. 62, 2021 (ISSN 2271-6092) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2025-04-09)]
  33. Kate Crawford, Chris Chesher, Anne Dunn, Scott Shaner (2015) Internet Transformations: Language, Technology, Media and Power, USA: Palgrave Macmillan, 2015, 304 p.
  34. 34,0 et 34,1 (en) « Scanlation », dans Wikipedia, (lire en ligne)
  35. Vincent, F. (2009). La structure initiatique du manga : Une esquisse anthropologique du héros. De Boeck Supérieur.
  36. 36,0 et 36,1 Vanhée, O. (2021). Les usages de la « japonité » : Enquête sur les intermédiaires culturels des mangas en France. La Découverte.
  37. 37,0 et 37,1 Jean-Marie Bouissou, « Pourquoi aimons-nous le manga ? :Une approche économique du nouveau soft power japonais », Cités, vol. 27, no  3, 2006-12-12, p. 71–84 (ISSN 1299-5495) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2025-04-09)]
  38. Bouissou, J.-M. (2006). Pourquoi aimons-nous le manga ? Une approche économique du nouveau soft power japonais. Presses Universitaires de France.
  39. « Whose Digital Manga is it Anyway? Publishers vs. Scanlation - Publishing Trends », sur publishingtrends.com (consulté le 9 avril 2025)
  40. (en) Calvin Reid |, « Japanese, U.S. Manga Publishers Unite To Fight Scanlations », sur PublishersWeekly.com (consulté le 9 avril 2025)
  41. 41,0 et 41,1 Monastier, P. (2017). Introduction à l’art du manga. S.E.R.
  42. « The Comics Journal: Newswatch », sur web.archive.org, (consulté le 9 avril 2025)
  43. « History - The First Modern Scanlation Group | Inside Scanlation », sur www.insidescanlation.com (consulté le 9 avril 2025)
  44. Frédéric Vincent, « La structure initiatique du manga:Une esquisse anthropologique du héros », Sociétés, vol. 106, no  4, 2009, p. 57–64 (ISSN 0765-3697) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2025-04-09)]
  45. Pauline Brouard, « Ce que les plateformes font aux industries culturelles : le cas du webtoon sud-coréen », Effeuillage, vol. 10, no  1, 2021, p. 35–39 (ISSN 2490-5518) [texte intégral lien DOI (pages consultées le 2025-04-10)]
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  48. Oscar, Understanding Comics ( The Invisible Art) By Scott Mc Cloud [lire en ligne] 
  49. -tels qu'une héroïne naïve, voire passive, davantage spectatrice qu'actrice de son destin; un héro torturé mais séduisant; un triangle amoureux structurant le parcours émotionnel/initiatique de l'héroïne; ou encore un antagoniste charismatique, fréquemment romantisé et parfois réhabilité par le biais d'arcs de rédemption-
  50. 50,0 et 50,1 Poupée, K. (2014). Histoire du manga : L’école de la vie japonaise. Tallandier
  51. Magis, C. (2023), Les mutations algorithmiques des politiques culturelles : critique de la percée de la catégorie de « découvrabilité ». Tic&société.
  52. 52,0 et 52,1 Massanari, A. (2015). Participatory Culture, Community, and Play: Learning from Reddit. Peter Lang.
  53. McCloud, S. (n.d.). Understanding comics: The invisible art. New Horizon Press.
  54. Ce tableau a été créé avec l'aide de l'IA ChatGPT suite à une analyse personnelle de 6 teams de scantrad accessible sur Discord.
  55. 55,0 et 55,1 Linhart, D. (2011). De la domination et de son déni. Presses Universitaires de France.
  56. de Marval, E. (2024). La théorie de la violence symbolique de Bourdieu. Fondamentaux & Théories Sociale.
  57. Tronto, J. (1993). Un monde vulnérable. Pour une politique du care. La Découverte.
  58. Lahire, B. (2002). Portraits sociologiques. Nathan.

Mots-clés de l'article

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Studies gender - Numérique - Discrimination - Discord - Scantrad - Webtoon

Parmi les multiples choix de réponses aux questions, il peut y avoir une, plusieurs, toutes ou aucune réponses correctes.

1

D'après le texte, quel est l'objectif principal du concept de genre (gender) dans les études et les analyses sociales ?

Étudier les différences biologiques entre les femmes et les hommes.
Analyser les rôles, comportements et représentations associés aux sexes dans une société donnée.
Promouvoir l'égalité des salaires entre les femmes et les hommes.

2

C'est quoi un « scandtrad »?

Une traduction non officielle d'un manga ou webtoons.
Une plateforme numérique hébergeant de manière non officielle des mangas et webtoons.
Une traduction officielle d'un manga ou webtoons réalisée en ligne.

3

Quelle est la fonction principale de discord ?

un site de streaming
un site web
un genre d'Instagram
une plateforme de communication

4

Pourquoi la culture geek a-t-elle renforcé les discriminations liées au genre ?

Parce que les métiers liés aux sciences informatiques restent principalement des métiers masculins.
Parce que dans les métiers liés aux sciences informatiques, les femmes occupent principalement des rôles de support ou d'opératrices.
Parce que dans les métiers liés aux sciences informatiques, les hommes occupent principalement des rôles de création ou d'innovation.

5

Qu'est-ce que l'anonymisation à permis sur internet ?

Une impossibilité de réclamer des droits d'auteurs
Un sentiment de sécurité facilitant le harcèlement
l'impossibilité pour autrui d'accéder à nos données

6

Quelles sont les caractéristiques présentes dans les teams de scantrad majoritairement féminines ?

La bienveillance et la compréhension lors de retards
une dimension verticale dans les rapports de forces selon les divers rôles dans la team
Une résolution des conflits et des tensions de manière privée et discrète
Une compétition dans la production induisant des rushs ainsi que des Turn-over.

7

Quelle différence(s) majeure(s) entre le Manga et le Webtoon impacte(nt) la manière dont ils sont respectivement consommés ?

Leur format
Leur colorimétrie (ex: noir ou blanc, tons pastels)
Leur sens de lecture
Leur prix

8

En quoi la publicatioin de Wikileaks mentionnée dans ce chapitre fut-elle problématique ?

Elle comprenait des bases de données massives contenant des informations sensibles et privées de millions de citoyens turcs
Elle n'était pas attribuée à un auteur
Elle reprenait une base de donnée sur presque toutes les femmes adultes en Turquie pouvant être récupèrées par des harceleur, ex-partenaire.
Elle ne respecte pas les lois turques en matière de cybersécurité.

9

Pour quelle(s) raison(s) les traductions divergent des lors qu'elles sont faites par des traducteurs ou traductrices ?

Les hommes ont tendance à dénaturer l'oeuvre originale afin de correspondre aux attentes culturelles des différents lecteurs
les femmes ont tendance à invisibiliser les interactions masculines au profit des féminines
les hommes cherchent à rester le plus fidèle possible au texte d'origine, peut importe les enjeux socio-culturel
les femmes cherchent à atténuer les tendances sexistes des propos dans les textes originaux


Note des utilisateurs

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